CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2023 – « Perdidos en la noche » : Lost in the cliché

Lost in the Night © Pimienta Films
© Pimienta Films

CANNES PREMIÈRE – Avec Perdidos en la noche, Amat Escalante propose un thriller au cœur des mines du Mexique. Ester Expósito (Elite) et le néophyte Juan Daniel García Treviño sont les têtes d’affiche de ce polar un brin convenu, présenté ce week-end sur les écrans du Festival.

La grande villa en béton des Aldama s’impose dans le décor vide et brûlant d’une ville minière du Mexique. Gros bloc gris que rien ne semble pouvoir ébranler, elle se tient là, froide, étrangère à la sueur qui coule dans les mines voisines. Ces mines dont l’existence n’est rappelée que par les coups de grisous répétés dans la journée. Pourtant, les premiers plans de Perdidos en la noche la révèlent déjà plus fragile qu’il n’y paraît. Les vitres cassées laissent entrer le vent, troublant les habitants étranges de la demeure, parmi lesquels une œuvre d’art loufoque dénonçant un viol.

C’est dans cette même villa qu’Emiliano s’engouffre, alors qu’il cherche des informations sur la disparition mystérieuse de sa mère. Depuis trois ans, il cherche, seul, inlassable, le moindre signe de vie. L’aide d’un policier immobilisé l’a conduit droit chez les Aldama. La bâtisse concentre tout ce dont Emiliano est prisonnier : le pouvoir, l’argent, la corruption. L’immunité totale de ceux qui possèdent tout, comme un rappel constant de sa propre insignifiance.

Étouffante canicule

D’emblée, le réalisateur emprisonne ses personnages dans des plans écrasants de la terre, puis du ciel, étouffant leurs perspectives dans un cadre ultra-restreint. L’image et le son construisent en symbiose cet univers irrespirable et gras : un son mécanique, entêtant, dont la présence répétée provoque comme une sensation d’ivresse.

Escalante fait état d’un Mexique violent, aux prises avec la corruption qui gangrène sa police et les hautes sphères de sa société. À l’image, il affiche une jeunesse en quête de sens, dont le seul moyen d’expression est la brutalité et les règlements de compte. Une jeunesse qui sait à peine continuer à s’aimer dans ce paysage étouffant et poisseux. Obsédée par le macabre, le sexe et les réseaux sociaux, la jeunesse d’Escalante se noie dans un monde vide où les adultes sont seuls décideurs. Le réalisateur se paye également la religion, corrompue elle aussi, qui s’enfonce dans la bizarrerie et les magouilles. Un portrait sale et brutal, qui ne trouve aucune échappatoire dans la quête d’Emiliano.

On l’a trouvé jeune, amoureux, déjà appelé par une recherche sans fin de justice, mais encore inconscient de la poursuite impossible qui l’attendait. Sa descente aux enfers le laissera impuissant, victime obligée d’un système biaisé.

Thriller en souffrance

Malgré un magnifique travail de l’image et un acteur principal habité, Perdidos en la noche se repose finalement sur les mécaniques très (trop) classiques du genre. Les tensions se dévoilent, prévisibles, sans finalement apporter une proposition nouvelle. Efficace, mais sans surprise, Perdidos en la noche se perd dans les clichés attendus du genre. La jeune bourgeoise, hyper-sexualisée, objet de tous les désirs d’Emiliano, à la fois manipulatrice et soumise à une hystérie familiale révélée dans des rapports ultra-violents et destructeurs, colle de trop près à l’archétype, déjà vu et revu. Emiliano, à la fois répugné et attiré comme un aimant soumis et impuissant, est l’autre pendant de cette relation trop explicitée pour être vraiment prenante. Une dynamique en demi-teinte, laissant malheureusement le film se noyer dans ses propres entraves.

You may also like

More in CINÉMA