CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2023 – « Asteroid City » : Éloge de l’originalité

Asteroid City © Pop. 87 Productions LLC
Asteroid City © Pop. 87 Productions LLC

Pour son dernier effort cannois, Wes Anderson propose Asteroid City, un conte burlesque, qui se savoure simplement, comme un hommage doux et humble à la création cinématographique.

La génération TikTok singe son style allègrement, dans des hommages faussement flatteurs, banalisant sans vergogne l’un des réalisateurs les plus reconnaissables du cinéma contemporain. Si l’on en croit ces parodies insipides, il suffit de bien peu pour faire un « Wes Anderson ». Cet enthousiasme, par moment franchement désespérant, apparaît moins comme un hommage que comme un effacement de la notion de construction d’une image de cinéma, de la précision, de la réflexion et de la communauté qui lui donnent vie. 

Au milieu de tout ce bruit, Asteroid City se tient comme un testament de ce qui a mené Wes Anderson sur la voie du firmament cinématographique. Car, non, n’en déplaise à ses copistes sans saveur, il n’est pas à la portée du premier venu d’écrire le prochain film du réalisateur texan.

On l’a découvert avec Bottle Rocket sous la chaleur d’Arizona… après une carrière exemplaire et toujours intéressante, un détour par la France un peu plus sombre avec The French Dispatch, Asteroid City ramène le réalisateur à une formule qui fonctionne, mais qu’il continue de perfectionner. Des dialogues pensés à la milliseconde, à des jeux de caméras toujours plus ambitieux, Wes Anderson revient sous le soleil cannois en grande forme.

Une certaine vision du cinéma

Adam Stochausen, son chef décorateur, se confiait récemment sur les préférences de son réalisateur, qui aime travailler toujours à taille humaine. D’Asteroid City émane cet amour de la proximité, de la collaboration parfaitement menée.

Travaillé à la lumière naturelle, le film porte la marque de ces œuvres célébrant le cinéma débrouillard, le cinéma pellicule, qui doit réfléchir chaque plan et chaque décor pour le capturer, aussi exact que possible, sur le plateau. Un cinéma à l’ancienne, en somme, qui apparaît pourtant d’une modernité folle devant la caméra de Wes Anderson. Pour un réalisateur d’un tel calibre et d’une telle popularité, cet effort constant se doit d’être célébré comme une belle déclaration d’amour au cinéma, à l’heure ou de plus en plus de studios font le choix des écrans verts et de l’intelligence artificielle. 

Tout, chez Anderson, crie son amour de la création, et de l’originalité. Une preuve de plus que les tendances TikTok passent à côté de ce qui fait tout l’intérêt de son cinéma. À popularité égale, auprès du public comme de l’industrie, peu de réalisateurs peuvent se féliciter d’avoir construit une carrière dont le cœur reste la création originale.

De la précision millimétrée qui fait ses décors et sa renommée, Anderson tire un cadre précis, nécessaire pour permettre à ses acteurs de vraiment s’amuser. Cette liesse partagée habite l’écran, plus évidente à chaque nouvelle apparition d’un visage familier. Car Wes Anderson ne serait pas Wes Anderson sans la fidélité qu’il porte à ses acteurs fétiches. Si Jason Schwartzman, Tilda Swinton ou Tony Revolori sont en terres connues, de nouveaux arrivants, notamment Tom Hanks et Maya Hawke font une entrée réjouissante au panthéon andersonien. 

Quarantaine en terre inconnue

Cette avalanche de personnages aussi gauches qu’attendrissants (comme toujours chez Anderson), deviennent malgré eux les victimes d’une quarantaine imposée par le gouvernement américain. Alors qu’un concours de science doit récompenser un groupe de jeunes scientifiques aux prises avec les défis de la puberté, la curieuse visite d’un alien vient chambouler le quotidien par ailleurs paisible de la petite ville désertique. 

Sous la chaleur caniculaire, deux histoires d’amour se dessinent et se font écho. L’une est hantée par les amours vécues, par le deuil, et par la douleur de la reconstruction. L’autre, est celle des débuts, un amour timide, trop pensé, encore vierge des aléas de la vie. 

À cette première trame, le réalisateur ajoute une seconde d’intrigue, celle d’une troupe de théâtre à New York, répétant pour une pièce, celle de l’histoire des évènements d’Asteroid City. Le film se construit alors dans deux univers, littéralement opposé l’un à l’autre. Si Asteroid City est un paysage chaud, coloré, mystérieux, son théâtre new-yorkais est noir et blanc, dénué de tout artifice, dévoilant le travail d’acteurs en plein tourbillon créatif. 

Un retour haut en couleurs

De ce conte en double teinte, Anderson tire un voyage drôlissime, enchanteur, où les nouveaux talents trouvent leur place auprès des vétérans de l’industrie. Asteroid City est un joyeux rassemblement, une fable douce, à la fois belle et profonde, remplie de personnages aux facettes infinies. Un petit univers magique, où il est bon de s’abandonner lorsque les lumières s’éteignent. Lorsqu’elles se rallumeront, on émergera, comme d’un rêve, de ce film dont seul Wes Anderson a le secret.

En salles depuis le 21 juin.

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