À l’image de ses précédentes éditions, La Grande Party s’est révélée être pour la troisième fois un tremplin d’exception. Le dispositif de repérage et d’accompagnement d’artistes a permis cette année à douze artistes émergents sélectionné.e.s de participer aux auditions organisées ; A.A SARL, Attention Le Tapis Prend Feu, Cœur, Couturier, Enfant perdu, Famonty, Lémofil, Numah, Mutha Madiba, Rebecca Meyer, San V et Vertiges.
À l’issue de 4 auditions enflammées qui se sont tenues au FGO-Barbara, au Pop-up du Label, au Hasard Ludique ainsi qu’au Point Éphémère, 6 lauréat.e.s ont été retenu.e.s pour le tremplin de La Grande Party. Ils auront plusieurs dates de concert tout au long de l’année, avant de finir par une soirée d’exception à La Marbrerie à l’automne prochain.
Durant les auditions qui se sont tenues au Pop-up du Label en février dernier, Maze a eu l’occasion d’échanger avec Couturier, A.A SARL et Mutha Madiba. Retour croisé sur ces échanges riches, à la découverte de nouveaux horizons musicaux.
Pouvez-vous vous présenter, vous et vos univers ?
Couturier : J’ai choisi mon nom de scène par rapport à plusieurs choses ; c’est avant tout mon nom de famille, et la couture est aussi une véritable passion. Plus largement, j’ai une fascination pour les métiers qui lient une activité manuelle avec une approche artistique. J’aime dire que je confectionne de la pop émotive. J’ai l’impression d’habiller la musique, en lui apportant différentes touches, il y a un réel parallèle avec une relation qu’un couturier pourrait avoir avec un vêtement. Je suis très influencé par l’électronique, par la chanson française aussi, avec Flavien Berger Ichon… J’écoute aussi beaucoup James Black, et beaucoup de rock en général.
J’essaye au maximum de ne pas être dans le jugement vis à vis de ma musique ou de celle des autres. Je crois au pouvoir de la nuance, ce qui compte c’est de traduire la complexité des émotions et des sentiments. Mon apprentissage de la musique a été très intuitif ; mon grand-père, qui est luthier m’y a initié très tôt, et j’ai rapidement pris quelques cours de violon, de piano, de guitare …
Mutha Madiba : Mon nom de scène vient du douala, une langue parlée au Cameroun. C’est aussi ma langue maternelle. Mutha Madiba signifie “fille de l’eau”. Je définirais mon univers comme personnel, très intimiste, principalement influencé par le jazz. Je m’imagine davantage sur des petites scènes que dans des grandes salles. Ma musique se partage en petit groupe, à l’image des conteurs en Afrique ; ce sont des petites choses qui relèvent vraiment du partage de l’émotion. C’est un univers pluriel aussi, très solaire grâce aux productions créées par Late, un gars super talentueux, mais parfois très sombre aussi.
A.A SARL : J’aime en parler comme un projet, une entreprise, pas comme d’un projet solo. C’est comme si on était plein dans ma tête, que ma musique incarnait plusieurs facettes de ma personnalité qui apparaissent et disparaissent pendant le processus de création. Je vois la musique comme un métier mais pas comme un travail, parce que je le vois pas comme une besogne, dans la musique pour moi il n’y a pas du tout le côté tripalium. C’est pas vraiment une profession, parce qu’en musique t’es jamais vraiment professionnel, t’es toujours un peu novice, t’apprends toujours, de tout le monde. C’est important de garder sa fraicheur d’esprit.
Mon projet assez imagé, un peu pensé en triangle aussi ! Il se situe quelque par entre Blood Orange, Odezenne et Varnish La Piscine. Globalement j’aime beaucoup la bedroom pop anglo-saxonne, avec Steve Lacy, King Krule ou Kavinsky, mais aussi les musiques françaises avec des images très parlantes. Ce que fait Bonnie Banane et La Femme par exemple.
Qu’est-ce que vous cherchez à faire transparaître de vos projets ?
C : Ça a beaucoup changé ! Au début j’axais mon projet principalement sur la musique, les paroles n’avaient pas vraiment d’intérêt, elles étaient pleine de sens et de contre sens (rires). Puis j’ai rencontré Clou, une artiste compositrice interprète très talentueuse avec qui j’ai réécrit tous mes textes. Tout ce qui me touchait profondément a fini par émerger, réécrire les groles m’a permis d’exprimer quelque chose qui m’est très propre.
M.M : Je veux faire transparaître beaucoup trop de choses ! Le mal de la société, c’est un peu mon truc, mais c’est encore en développement. Il faut trouver les bons mots, on vit dans une société particulière, et écrire est une manière de ne pas se laisser dépasser par elle. Il y a trop de maux, les gens ne sont pas sevrés… La musique est une manière de se réconcilier avec la vie qui nous entoure et avec nous même je crois.
A.A SARL : Énormément d’images ressortent de ma musique. La musique vient quasiment toujours avant les paroles, et la mélodie, c’est le liant entre la composition et le texte. J’ai envie que les gens se connectent à les morceaux avec leur propre imaginaire. J’essaye d’inviter au voyage intérieur par le biais d’images qui infusent. C’est aussi cathartique ; composer me permet de me libérer sur certains aspects. Je joue depuis 6 ou 7 ans dans un groupe qui s’appelle Amurala Café Club, mais il y a eu une vraie rupture avec le covid, qui m’a permis de prendre du temps pour développer mon projet solo. Ça m’a forcé à dézoomer, déstresser…
Au final je travaille sur des projets tout seul depuis 8 ans, mais sans jamais rien sortir. Dans le groupe la pression la carte des responsabilités était partagée, donc j’avais besoin de me sentir à nouveau responsable. Cette pression, cette prise de conscience m’est nécessaire avant de monter sur scène. C’est pour ça que je joue seul, avec mon pad et ma guitare.
Comment vous êtes vous lancé ?
C : J’ai habité à Londres pendant deux ans, durant lesquels j’ai suivi des cours dans une école de musique. L’aspect scindé en deux de cette ville m’a beaucoup marqué, il y avait un côté très rock, alors que l’autre était beaucoup plus axé sur les musiques électroniques. J’ai été porté par cette double ville, et j’ai lancé Couturier dès que je suis rentré en France.
M.M : J’ai lancé mon premier single à la va vite sur Instagram. Je me suis instruite sur les réseaux, sur le tas, un peu comme j’ai pu. Donc j’ai partagé « Anémone », et j’ai la chance d’être entourée de personnes qui aiment ce que je fais, qui me donnent énormément de force et de soutien. Au final c’est presque plus les autres qui ont lancé mon projet que moi ! J’ai longtemps hésité à dire que j’étais artiste, par soucis de légitimité. Je me sentais pas encore complète, mais d’un autre côté, est-ce qu’un artiste est vraiment complet un jour ? Peut être que le jour ou un artiste dit qu’il est complet c’est qu’il a dit tout ce qu’il avait à dire, alors il n’est plus vraiment artiste.
A.A SARL : J’ai réellement sorti mes premiers projets seul en novembre 2022. J’ai beaucoup créé en 1 an, j’ai écrit 38 morceaux, j’en suis vraiment fier ! Pour certains je sais déjà quand, comment je vais les sortir, alors que d’autres, pas du tout. Les 3 premières sorties single sont sous forme de triptyque. Le premier, « Les morts ne sont pas morts » est sorti en novembre. « Fumigène », le second, est sorti en janvier, et le dernier, « Machine à pluie ». J’ai écrit ces trois
titres à la suite, les esthétiques vaporeuses avec une pointe de hip-hop s’entremêlent et se ressemblent beaucoup.
Quels ont été vos ressentis après la sortie de vos premiers singles ?
M.M : Après la sortie d’« Anémone » je me suis sentie surtout allégée. J’ai eu des retours incroyables, savoir que ma musique a touché des gens m’a vraiment donné confiance. Je suis quelqu’un de très réservé, donc se mettre à nu dans mes chansons, et sur scène, c’est un vrai challenge. Même si j’écris avant tout parce que la musique est un plaisir purgatoire, c’est un peu comme des horcruxes, qui évoluent et grandissent avec toi.
A.A SARL : Honnêtement j’adore faire de la musique, mais j’essaye vraiment de me détacher du regard des autres une fois qu’un morceau est sorti. J’ai un rapport assez tendu aux réseaux, donc je drop le projet, puis je le laisse partir, je contemple juste le chemin qu’il fait.
Si on ne devait écouter qu’un seul titre de vos créations, ça serait lequel ?
C : « Amoureux de toi », sans hésiter ! Je l’ai beaucoup bossé, avec plein d’artistes différents.
M.M : Je pense à un titre qui s’appelle « Haze », c’est le premier morceau que j’ai écrit, mais il sortira dans longtemps (rires). Après mon premier EP Advienne que pourra, prévu pour mars 2023.
A.A SARL : J’en ai deux, « Lapis Lazuli », qui n’est pas encore sorti, et « Fumigène » pour la promo, il vient tout juste de sortir !
Les 6 artistes grand-parisiens lauréat·es de La Grande Party 2023 A.A SARL, Attention Le Tapis Prend Feu, Enfant perdu, Famonty, Mutha Madiba, et Vertiges seront à découvrir en live lors d’un concert qui se tiendra durant l’automne prochain à La Marbrerie.