CINÉMA

« Apaches » – Le Pari(s) de tous les maux

La bande des Apaches
© Tandem

Avec un casting attendu et la promesse d’une belle reconstitution de la vie parisienne de l’époque, Romain Quirot livre à travers Apaches une nouvelle approche des rapports de domination et des résistances qui en découlent. Un pari audacieux pour un résultat en demi-teinte.

Paris, 1900. Terreur pour la population et ennemi juré de la police, le gang des Apaches agite la capitale et ses faubourgs. Vengeance, violence, pauvreté, prostitution, mysticité : le second long-métrage de Romain Quirot se construit autour de ces nombreux clivages. Quinze ans après l’assassinat de son frère par Jésus (Niels Schneider), le jeune chef des Apaches, celle qui se fait appeler « Billie » (Alice Isaaz) revient à Paris en quête de vengeance. Sa détermination se trouble au fur et à mesure qu’elle s’intègre à la bande et se rapproche de Jésus. Famille de sang, famille de cœur, la distinction est fine. Entre Montmartre et Belleville, les « Loups de la Butte » tentent, telle une meute, de se dresser contre l’hostilité ambiante par une série de vols et crimes en tous genres.

« À feu et à sang »

L’immanquable promotion d’Apaches interpellait déjà par son casting reconnu, ses couleurs vives et son synopsis aux airs de thriller. Le découpage du scénario en six chapitres annoncés à la manière de cartoons et l’insertion de courtes vidéo d’archives rendent l’ensemble rythmé et graphique. S’ajoute à cela une tracklist entraînante et éclectique. Le public est rapidement plongé dans des classiques intemporels comme Hallyday ou Philippe Lavil. Mettre « Paris à feu et à sang » : la raison d’être des Apaches est brillamment mise en valeur par une technicité maîtrisée, tant sur les visuels que dans les sons rythmés accompagnant ces derniers. Paris à feu et à sang, Paris en 1900 : la reconstitution de la capitale révèle un charme certain et une modernité surprenante mais réussie. Loin des studios, Romain Quirot a d’ailleurs choisi le centre-ville de Magny-en-Vexin pour faire revivre les faubourgs parisiens.

Le feu, le sang, les coups, la mort : Apaches met en scène la violence de manière assumée. La crudité de plusieurs scènes n’est pas sans rappeler un certain cinéaste américain et met en lumière les possibles références de Romain Quirot. Le scénario aurait pu se concentrer sur cette violence et faire de son explication sa ligne de mire ; le réalisateur a fait un autre choix. À cette thématique s’ajoute donc une longue liste de maux tout aussi majeurs mais dont l’approche, se voulant complète, enlise parfois le scénario. La quête de solutions évolue dans un labyrinthe dont l’issue semble introuvable. Une sensation douce-amère.

© Tandem Films

Les bons et les mauvais

Derrière des plans-séquences élégants et des vues surplombantes de Paris se cache un scénario parfois fragile : prévisibilité de l’intrigue, comportements conventionnels d’une grande partie des personnages. Si certains, comme Ours (incarné par un Artus métamorphosé) et Berthe (Émilie Gavois-Kahn) étonnent par leur sincérité, la majorité de la bande ne sort pas des sentiers battus. Mention particulière à la romance qui façonne la trame principale. Le scénario glisse maladroitement dans le cliché de la relation malvenue mais inévitable. Et justement, en l’évitant, Apaches aurait certainement donné plus de profondeur à la thématique de la vengeance. Autrement dit, la motivation majeure du combat de Billie.

Autre thématique notoire du long-métrage : la rancœur de Jésus et des Apaches envers celles et ceux qui les considèrent comme des « sauvages ». Partant d’un bon sentiment, Apaches simplifie les multiples mécanismes qui construisent les sociétés et créent les injustices. Le réalisateur semble rassembler la police et la bourgeoisie en une même masse uniforme et sans véritable identité. En face, la population se bat contre des conditions de vie souvent extrêmes. Le long-métrage met en scène les nombreuses oppositions des deux parties à travers un seul point de vue et tombe finalement dans un manichéisme classique. Il y a les « bons » et les « mauvais ». Le contraste aurait pu être mis en scène de manière plus aiguisée. Ici, la moindre tentative d’approche des uns envers les autres se perçoit automatiquement comme une trahison. La mise à mort est actée.

© Tandem Films

Avec Apaches, Romain Quirot invoque la modernité qu’incarne étonnamment une époque révolue. Il montre la rudesse du quotidien des milieux défavorisés à travers des problématiques présentes il y a un siècle comme aujourd’hui. Un choix justifié mais parfois déroutant. Les multiples causes mises en avant par ce long-métrage peuvent manquer d’ampleur. Ours l’exprime d’ailleurs lui-même : « Jésus, t’es pas un prophète, t’es un Apache ». Finalement, la simplicité est parfois le meilleur des choix. L’hommage vibrant qu’Apaches rend à la Ville Lumière aurait été unanime avec une once de subtilité ajoutée au scénario.

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