CINÉMA

CINÉ-CANAPÉ – Mars

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Tous les deuxièmes vendredis du mois, les rédacteur·ice·s de Maze vous proposent une sélection de films à voir (ou revoir) sur Mubi ou Ciné+. Au programme de ce mois de mars : Maurice Pialat, Paul Verhoeven, Agnès Varda et Yves Angelo.

Black Book, Paul Verhoeven (2006)

Premier film réalisé après sa période américaine, Black Book acte un retour aux sources pour Paul Verhoeven avec la reprise de la thématique de l’occupation nazie en Hollande, ses intrigues de collaboration et de résistance, de passion et de trahison. Une trentaine d’années auparavant, il avait déjà abordé à trois reprises ce sujet  : un documentaire pour la télévision (Portrait d’Anton Adriaan Mussert, 1968), un téléfilm (C’est fini, c’est fini, 1979) et surtout, un autre film de fiction pour le cinéma, Soldier of Orange (1977).

Celui-ci était porté par un certain souffle épique, placé sous l’égide des symboles nationaux et ne faisant qu’effleurer la face sombre de la Résistance. Avec Black Book, Paul Verhoeven et son scénariste Gerard Soeteman noircissent le tableau en ajoutant de l’ambiguïté à ces heures troubles que furent la fin de la guerre et la Libération.

Dans cette somptueuse valse sur le thème de duperie et de l’opportunisme, personne n’est celui qu’il prétend être. Et chacun a quelque chose à cacher. On retrouve le goût du cinéaste pour les personnages féminins complexes avec Rachel Stein, la protagoniste incarnée par l’éclatante Carice van Houten, une jeune Juive résistante qui s’éprend du capitaine SS Ludwig Müntze. Le réalisateur se plaît à brouiller le schéma actanciel traditionnel en renversant les rôles logiquement attribués aux occupants et aux résistants.

Un film romanesque, jouissif et tragique qui convoque Hitchcock, Fassbinder et Visconti, et nous rappelle que dans chaque combat, les sentiments ont souvent triomphé sur les convictions.

À voir (ou revoir) sur Ciné+.

Matthieu Miseré

Le Colonel Chabert, Yves Angelo (1994)

Un homme singulier se présente quotidiennement au cabinet de M. Derville, pourtant chaque fois absent. Modestement vêtu, il attire les interrogations des juristes du cabinet. Intrigué, Derville lui accorde son oreille, le temps d’une nuit. « Même si je suis volé, je ne regretterai pas mon argent. J’aurais vu le plus habile comédien de notre époque ». Mais qui est donc cet individu  ?

Adapté du roman éponyme d’Honoré de Balzac paru en 1844, Le Colonel Chabert fait le récit habile d’un tiraillement de classes sous la Restauration. Rose Chabert, devenue veuve à la suite de la bataille d’Eylau, hérite d’une large fortune et d’importants biens, et ne tardera pas à épouser le comte Ferraud, dont l’ambition politique s’avère tenace. Ils mènent une vie raffinée, alternant vacances, sorties et concerts, nourrissant ainsi les apparences. Lorsque l’annonce est faite à Madame qu’un homme affirme être son défunt mari, ses sens perdent leur raison.

L’honneur, le titre, l’argent ou la famille  : finalement une richesse prévaut-elle sur les autres  ? Est-il bien nécessaire de « S’engager dans une comédie quotidienne du silence, un mensonge à chaque heure  ? »

L’opulence de l’époque, figurée par de somptueuses demeures et de bien élégants uniformes, est incarnée par les distingués Ardant, Depardieu, Dussolier ou encore Lucchini. Sorti en salles en 1994, le Chabert d’Yves Angelo ravit par la beauté de ses plans et l’actualité des questionnements que la narration permet de soulever.

A voir (ou revoir) sur Ciné+.

Léïna Jung

L’enfance nue, Maurice Pialat (1968)

Après la Seconde Guerre mondiale, des centaines d’enfants plus ou moins jeunes se retrouvent orphelins. Parfois, il ne le sont même pas, orphelins. Juste abandonnés par leurs parents qui n’ont pas les moyens ou l’envie de les élever. François est l’un d’entre eux. Le môme est pris en charge par l’assistance publique et balloté de famille en famille. Le courant ne passe pas avec sa famille adoptive, il frappe sa fausse sœur, tue un chat, François est colère, sa mère est vivante on le chuchote dans les repas de famille, parfois on le dit devant lui, pauvre môme, et sa colère n’en est que plus belle. Personne ne sait quoi faire de lui, François est impossible à aimer. On le rend à l’assistance, on le recase.

Peut-être qu’un jour, François trouvera sa place. L’Enfance nue, c’est Les 400 coups de Maurice Pialat. Un récit d’apprentissage âpre, cruel, souvent violent qui dit toute la colère d’une enfance vécue sous le signe de l’injustice. Et qui dit, en creux, à quel point il est difficile de trouver sa place.

À voir (ou à revoir) sur Mubi.

Emma Poesy

Sans toit ni loi, Agnès Varda (1985)

Une femme est retrouvée dans un fossé, morte de froid. Elle s’appelait Mona Bergeron, vagabondait de champs en village, sillonnait la France rurale de la fin du XXe siècle. Ils étaient nombreux à avoir croisé sa route, mais aucun d’eux ne la connaissait bien.

Dans ce long-métrage filmé comme un documentaire, Agnès Varda retrace le parcours de cette jeune femme que personne ne connaissait. Mona, interprétée par une Sandrine Bonnaire plus talentueuse que jamais, est impolie, désagréable, parfois ingrate, elle ne cherche à plaire à personne et encore moins à ceux qui voudraient la mettre dans des cases. Lorsqu’on lui propose un travail, Mona refuse et demande à celui qui lui tend la main s’il n’a pas un sou, une clope, quelque chose à manger. C’est une femme qui ne cherche à plaire à personne, libre envers et contre tout. Mona est détestable et parce qu’elle est détestable, elle fascine. On a souvent dépeint le film d’Agnès Varda comme faisant preuve d’une grande humanité. On pourrait ajouter qu’on voit rarement un personnage (féminin) épris d’une si farouche liberté.

A voir (ou revoir) sur Mubi.

Emma Poesy

 

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