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Rencontre avec Rob et Jack : « On voulait renouer avec ce qui nous passionne depuis le début : l’émotion d’une chanson »

Rob et Jack sont derrière bon nombre d’albums et de bandes-son qu’on écoute sans connaître l’histoire derrière. Ils dévoilent en ce début d’année leur premier véritable album Summercamp sur lequel ils s’offrent la présence de Vickie Chérie, Gordon Tracks, Sébastien Tellier et bien d’autres.

L’un est claviériste pour Phoenix et compose des BO. L’autre a produit des albums pour Fishbach, Brigitte Fontaine et Air. Avec plus de 20 ans de carrière, les deux producteurs ont de la bouteille mais n’ont, pour leur plus grand plaisir, jamais connu le succès. Toujours dans l’ombre d’artistes ou dans le générique d’une série, leurs travaux sont pourtant variés et applaudis par la profession. Poussés par le label Pan European, ils acceptent petit à petit de se montrer et nous dévoile cette année un album hédoniste où les plaisirs de la rencontre, de la musique et de la mélodie prévalent. Entretien fleuve avec deux électrons libres de la musique.

Comment définiriez-vous le projet que vous sortez ? Summercamp est-il un album ?

Rob : Quand on a commencé à travailler sur Summercamp, qui ne s’appelait pas comme ça à l’époque, on s’est posé la question et on ne savait pas ce que c’était. On a cet amour de faire de la musique ensemble depuis plus de 20 ans, des musiques pas terminées, des musiques de films, un album… Au bout d’un moment on s’est rendu compte que plusieurs musiques nous faisaient kiffer !

En plus, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas fait de pop. Donc on a composé, et puis on a invité quelqu’un à chanter parce que nous on chante pas comme des bêtes. Il se trouve que Gordon Tracks chante bien, Giorgio Poi aussi. Ça faisait un premier morceau, et puis on en a fait un deuxième, sur lequel on a invité Daniella Spalla. Est-ce que c’était un album ? Pas vraiment parce qu’un album c’est une œuvre très personnelle, avec un début et une fin et là, ce qu’on a compris en le faisant, c’est que c’était un projet illimité. Illimité dans la quantité.

Jack : On a enclenché quelque chose, ça a pris vie et nous ne sommes même plus maîtres. On a déjà des nouveaux morceaux. Il y en a trois ou quatre qui ne sont pas sur le disque mais qui seront éventuellement sur une version allongée. Ça ne s’arrête plus !

C’est vrai que Summercamp a plus l’allure d’une mixtape que d’un album…

Rob : Quand on a contacté le label Pan European, via Arthur, un ami d’enfance, la première question qu’on s’est posé c’est « qu’est ce qu’on est en train de faire exactement ? ». Il nous a semblé que ce n’était pas tout à fait un album. On s’est mis à parler de « collection de morceaux », comme si c’était un best-of d’un artiste qui n’existe pas encore. Il y a que des golds. Je ne dis pas ça par prétention mais plus parce que chaque morceau est unique, avec un featuring, éphémère. En plus, comme disait Jack, il y en a plein qui ne sont pas sur le disque mais qui sont tout aussi bien et qui sortiront je ne sais pas quand ! Est-ce qu’il va y avoir un volume 2 ? Ce serait très mixtape de faire ça. 

Jack : Aujourd’hui, est-ce que c’est encore d’actualité l’album ? Souvent, le support crée l’objet mais là, le support est illimité. Si on prend plaisir à faire un CD, j’espère qu’on fera un vinyle aussi. C’est comme ça qu’il a fallu choisir certains titres d’ailleurs. 

Rob : La fonction marketing des labels joue beaucoup aussi. Ils ne travaillent plus un album, ils travaillent des singles. Démarcher les plateformes, ils appellent ça pitcher, ils pitchent un morceau. Pour un album il te faut ce qu’ils appellent un « focus track ». En fait ça n’existe plus un album, tu ne peux plus raconter une histoire. De toute façon l’ordre finit par être aléatoire dans ton truc, et c’est playlisté donc ton album est éclaté. Moi je suis un amoureux des albums. Je suis aussi un fervent défenseur de la modernité et de comprendre que tout art est en mouvement sinon c’est un art mort.

La musique aujourd’hui s’adapte à une nouvelle consommation, c’est de la pop musique donc c’est de la musique de consommation courante, ce n’est pas un opéra. Éclatons cette donnée et profitons de l’opportunité qui nous est donnée de créer d’une nouvelle façon. Un des trucs géniaux qu’on fait avec Jack c’est qu’on fait de la musique de film, on produit des albums pour d’autres artistes et on fait Summercamp. Explorons chacun de ses domaines ! Quand on fait de la musique de film, ça n’a rien à voir avec faire un album. Quand on fait un album, ça n’a rien à voir avec Summercamp.

Comment se passe la création d’une BO de film ? On vous envoie les images et vous composez après ? Ou juste avec le scénario ?

Jack : Il y a tous les cas de figures.

Rob : En gros, les américains considèrent que la musique c’est la fin de la post-production. Généralement ils nous appellent quand le film est fini et qu’il n’y a plus qu’à mettre tes pieds dans les chaussons de quelqu’un d’autre, il y a déjà de la musique, parfois hyper bien et il faut la remplacer ! Les français.es, plus auteurs.ices, dans une vision plus traditionnelle du septième art, qui sacralise l’objet du cinéma, préfèrent intervenir parfois même avant le scénario, sur l’idée du film. Quelle va être la direction artistique ? Qu’elle va être l’essence du film ? 

Et vous préférez quelle approche ?

Jack : Il me semble que tout est bon dans le cochon [rires] ! A partir du moment où c’est de la musique, que ça nous touche, c’est bon.

Rob : Ce qui nous intéresse c’est la diversité des approches, et grâce à notre studio, on est libres de faire ce qu’on veut, comme on le veut. On arrive tous les matins ici, avec dix projets sur la table et à nous de choisir. Est ce qu’on va d’abord lire un scénario, travailler sur une composition, mixer quelque chose… On est presque les bienheureux de la musique d’aujourd’hui.

On vous envoie des projets ou c’est vous qui démarchez ?

Jack : C’est surtout un carnet d’adresses et de groupes de copains qu’on a depuis 20-25 ans et qui se nourrit. On ne démarche jamais. Parfois ce sont des gens inconnus mais ils arrivent toujours par le biais de quelqu’un.

Rob : Pour la musique de film on me contacte par réputation je dirai. Le fait est qu’on est des vieux avec Jack ! Disons qu’on est dans le bel âge ! On a une carrière et même si on est restés dans l’ombre le plus clair de cette carrière, cela fait qu’aujourd’hui on fait partie d’une espèce de paysage. On existe et les projets viennent à nous sans qu’on n’ait trop besoin de lever le petit doigt. C’est une chance inouïe !

Jack : Je pense que ça influence d’ailleurs vachement notre rapport au travail et à Summercamp. On n’a rien à prouver, on est déjà arrivé où on voulait être. Summercamp, c’est que du plaisir. Ça nous permet de le faire sans pression aussi ! Je suis persuadé que quand tu fais les choses sans pression c’est là que tu les fais le mieux. C’est un endroit où on s’éclate !

Rob : Qu’y-a-t-il de plus précieux que la liberté ? Surtout pour un artiste. Nous on n’est presque jamais libres. Au cinéma, tu travailles pour le film, quand on réalise un album c’est pour un artiste, et là, tout d’un coup, c’est comme si on avait créé un pré-carré où personne sur Terre n’a le droit de venir nous faire chier. C’est nous qui sommes les maîtres à bord. On l’a produit avec nos mains, ce studio, on est indépendants. On décide de tout et en plus on a été demandé à nos meilleurs amis, qui s’avèrent être de grands artistes, de travailler avec nous et tout le monde était partant ! Ça puait la liberté ce projet. C’est pour ça que c’est si chouette.

Jack : On est bien obligé de cadrer à un moment. Le label Pan European en tout cas est bien obligé de cadrer pour faire rentrer certains trucs dans des cases . Mais c’est le seul moment où on souffre.

Rob : Ils nous ont mis un cadre financier en fait. Après qu’on ait eu Natalie Portman pour le premier clip (réalisatrice sur le clip « Haute Saison », connue pour ses rôles dans Léon, Black Swan, Star Wars…), on voulait demander Alexandre Aja (réalisateur de Haute Tension, La Colline a des yeux...) mais il n’y avait pas les ronds. Dès que ça sort de notre domaine les moyens sont limités alors que dans notre domaine, avec notre studio, on peut mettre cet outil au service de nos projets et c’est budget illimité.

Jack : Je pense que le coût réel de Summercamp explose le budget de tous les albums faits en France aujourd’hui ! Personne n’aurait les moyens de faire ça. On a mis deux ans et demi à le faire, avec des gens partout dans le monde. Il y a peut-être Phoenix qui a atteint ce genre de budget.

Et vous n’aviez pas envie de faire une chanson instrumentale, vous deux, sans invité.e ?

Jack : Elle existe mais elle n’est pas sortie.

Rob : Elle sortira plus tard… Après, ça fait 20 ans qu’on produit des albums instrumentaux, parce que les BO sont souvent instrumentales donc le fantasme de la musique instrumentale est déjà pleinement assouvi. Avec Summercamp on voulait renouer avec un truc qui nous passionne depuis le début : l’émotion d’une chanson. De la pop musique, du format, du refrain, de la danse… D’un plaisir dansant en quelque sorte, même si c’est relativement mélancolique.

On ressent cette identité pop sur tous les morceaux, qu’ils soient en anglais, français, espagnol… D’où vient-elle ?

Jack : On est amoureux de ça, on vient de là. On s’est rencontré avec Rob quand il faisait son premier album (Don’t Kill). C’était un album de pop.

Rob : C’était de la pop instrumentale pour le coup. En fait, on ne sait pas ce qu’on fait. C’est le plaisir pur qui nous guide. C’est un album hédoniste. Tant qu’on kiffe, tant qu’on voit dans le regard de l’autre, du plaisir, de la joie, une tête qui ondule, un corps qui vibre alors on continue. On a remarqué qu’en mettant une voix on kiffait encore plus. Une voix dans un mix c’est merveilleux ! C’est de l’air, c’est de l’émotion, c’est des mots, c’est un sens et c’est aussi une présence qui nous échappe. On se connaît par cœur avec Jack et tout d’un coup avoir Vickie Chérie sur un morceau c’est un cadeau merveilleux ! Tant qu’on kiffe, on y va. A chaque fois qu’on kiffait plus, le morceau s’est cassé la gueule. C’est 100 % plaisir.

Y-a-t-il des artistes que vous vouliez que vous n’avez pas réussi à avoir ?

Jack : Oui il y en a deux-trois. C’est passé à côté. En même temps c’était des gens avec qui on était moins connecté donc quelque part c’est logique. 

Rob : Quand ça ne se fait pas c’est que ça ne veut pas se faire. On a jamais cherché à lutter quoi que ce soit, encore une fois : hédoniste.

Cela ne vous pèse pas d’être dans l’ombre ?

Jack : Là, le label nous pousse à ce qu’on se montre. Mais c’est pas trop notre truc.

Rob : En même temps, c’est le premier album qu’on sort sous notre nom propre, ensemble. J’ai fait des albums tout seul, Jack aussi, là c’est la première fois qu’on se retrouve tous les deux, en photo sur la pochette d’un disque. C’est une nouvelle sensation pour nous, rien que ça j’ai l’impression qu’on se met sur le devant de la scène. On se met en image, en position de dire « nous sommes des artistes qui vous proposons de la musique ». Jusque là, j’avais déjà fait ça dans ma jeunesse avec mes albums solo et je vis un peu ça à travers Phoenix sur scène mais ce qu’on fait ensemble, pour les autres, dans les albums ou au cinéma, je pense que ça a été la meilleure école pour nous.

En tant que producteurs de musique, on a appris à fabriquer de la musique, comment enregistrer un orchestre, comment construire une chanson, comment arranger un disque, comment enregistrer un piano… Ça nous a aussi martelé l’ego. Se rendre compte que quand on est au service de quelque chose, quand on est dans un travail de collaboration au service d’une œuvre plus grande que nous, il y a une saveur qui se dégage de ça, un plaisir. Cela nous a remis à notre place d’artiste, qui peut s’exprimer, mais au service de quelque chose d’autre. Aujourd’hui, on est là pour prendre du plaisir à faire ce qu’on fait. C’est pour ça que ce studio existe. Parce qu’on est des vrais amoureux de la production musicale.

Vous allez faire quelques dates ?

Jack : Ouais, l’idée c’est de promouvoir ce disque. Dès qu’on nous demande de jouer ; on va jouer. Essentiellement avec ceux qui sont proches d’ici. On va faire une petite fête pour la sortie du disque, on jouera probablement quelques titres. Mais c’est facile pour nous, on n’a qu’à se cacher derrière le featuring à chaque fois. On n’a juste quelques petits synthés à jouer, parce qu’on aime ça. On a redécouvert le plaisir de jouer ensemble. Ça fait 20 ans qu’on a produit peut-être 50 albums mais cela faisait longtemps qu’on n’avait pas joué ensemble en live.

Rob : A l’époque de Jack Lahana, son projet solo, on avait fait quelques concerts, j’étais à la basse et Jack chantait. C’était formidable. Funk, punk…

Jack : Hyper énervé !

Rob : Il y a peut-être quelques centaines de personnes sur Terre qui ont vu ce live et ils sont bien chanceux parce que c’était vraiment énorme. Il y en avait un au Pulp qui était mythique. Retrouver ce plaisir de jouer de la musique, ça nous surprend nous-mêmes. On est quand-même des musiciens, nous ne sommes pas que des producteurs. À force de fréquenter des musiciens, j’ai commencé à développer une forme de haine pour le musicien en général. Ce qu’on appelle le « zikos ». Qui, pour moi, est la personne qui tue la musique. C’est paradoxal. Aveuglé par son plaisir de jouer de son instrument, il oublie que la musique est un terrain d’expérimentation. J’exagère mais tu vois l’idée. Je suis anti-zikos et même quand je joue j’essaye d’être anti-zikos.

C’est le contraire quand tu es producteur je trouve. Mon plaisir me guide alors que quand je suis musicien j’essaye de faire passer la musique avant mon plaisir. Je n’ai aucune idée de la pertinence de ce que je suis en train de dire [rires] !

Quels sont les BO et albums dont vous êtes les plus fiers ?

Jack : Je pense que c’est plus facile de compter ceux dont je ne suis pas fier ! Ça ne concerne pas les BO. On a la chance d’être arrivés à un stade où on peut choisir ce qu’on fait et ce à quoi on participe. Les gens nous choisissent aussi et on choisit d’accepter ou pas parce qu’on sait qu’on veut le faire bien.

Rob : Depuis plus de 20 ans qu’on fait de la musique, il y a toujours eu une forme d’intégrité qui se dégage de ce qu’on fait. On a jamais fait de hits par exemple. Et c’est une chance. On a jamais eu à souffrir du succès. Les gens à qui ça arrive sont cristallisés dans ce succès, tu n’as plus le droit de faire quelque chose de différent. Le fait d’être intègre et de pouvoir choisir ce qu’on fait, on a rien à cacher. Il n’y a pas de projet honteux. Même quand on a fait Melissa Mars, qui était un des projets les plus commerciaux, on l’a fait avec tellement de cœur. On s’est tellement mis au service de cette jeune fille qui voulait faire une pop, acidulée, électronique qu’on a kiffé. 

Jack  : C’est le truc qui nous a vite réunis dans notre rencontre, de ne pas avoir de barrières et de limites. La musique nous touche ? Bah ça y est c’est bon signe. Que ce soit de la musique classique, du punk, du reggae, de tout quoi, on s’en fout. 

Rob : Notre album reggae n’a pas cartonné… [rires]

Sur Summercamp, comment s’est passé le processus créatif ? Les invité.e.s arrivaient-ils avec un texte, des idées ? Tout se faisait sur l’instant ?

Rob : Le principe a été le même pour tout le monde. A chaque fois, on a envoyé une instru et on a dit « fais ce que tu veux ». Textes, mélodies, structures…  Ils nous envoyaient une maquette et après on changeait tout ! [rires] 

Jack : Souvent on leur renvoyait encore une fois pour qu’ils finissent. Certains sont venus au studio, d’autres non. Certains sont venus avec rien et ont fait avec nous ici, d’autres ont tout fait de leur côté et nous ont même proposé des changements de structure qu’on a adopté.

Rob : C’est un vrai travail de collaboration, on est à 50-50 sur tous les morceaux. C’est collectif.

Vous avez réussi à saisir les influences et l’énergie de chaque artiste et à l’incorporer à la votre…

Jack : A partir du moment où le morceau nous faisait penser à quelqu’un qu’on aime, on se laissait aller mais à aucun moment on s’est dit « aller on fait un morceau pour Sébastien Tellier ! ». Ce qui est marrant c’est que dès qu’on se disait ça, cela nous influençait à le modifier et à l’amener ailleurs, à le faire évoluer.

Khruangbin à Primavera j’étais hypnotisé !

Rob

Vous travaillez déjà sur autre chose ?

Rob : On travaille sur plein de trucs oui. C’est la beauté de notre collaboration c’est qu’on travaille en permanence sur, je dirai, au moins 3 projets en même temps.

Jack : C’est tellement bon pour le résultat final de tous les projets !

Rob : On travaille actuellement sur l’épisode 8 d’une série qui va s’appeler Killer Coaster pour Amazon Prime. On vient de finir un film, Acide pour Just Philippot, qui avait réalisé La Nuée.

Jack : Je mixe l’album de Julien Barbagallo entre tout ça.

Rob : On vient de finir la musique d’un film, Quand tu seras grand, le prochain film d’Andréa Bescond et Eric Métayer. On démarre le prochain film de Nicolas Boukhrief, le prochain film d’Alexandre Aja. On travaille aussi sur le prochain album de León Larregui, qui est présent sur notre album.

Jack : D’ailleurs on a travaillé sur ce disque en tant que producteurs et les chansons sont devenues des hits énormes en Amérique latine ! Sans qu’on s’en rende compte. On ne savait pas qui c’était, il nous a été présenté par un ami. On a fait tout le disque avec lui, et une fois qu’il est parti et que c’était fini, tout s’est fait en un mois, un mois et demi, on s’est renseignés sur qui c’était. C’est là qu’on s’est rendu compte qu’il joue les morceaux dans des stades. Les morceaux qu’on venait d’enregistrer ! Avec des images de nous et du studio sur des écrans géants.

Rob : Entre les albums que Jack produit, des fois je joue un peu dessus, il les mixe, les BO que je compose, Jack qui produit avec moi, la tournée, Summercamp, la promo… On n’a pas le temps de s’ennuyer !

Y-a-t-il un artiste avec lequel vous aimeriez travailler ? 

Jack : Altin Gün. On leur avait proposé mais on s’est loupé, ça ne s’était pas fait. 

Rob : J’aurai aimé trouvé un artiste de hip-hop, peu importe d’où il vient. Mais ça va venir je pense. Dans le reggaeton et toutes ces saloperies il y a quand-même des trucs tellement bien en ce moment. Je pense qu’on n’est pas à l’abri, il y a une petite connexion avec Cuba, il y a peut-être des choses à faire de ce côté là…

C’est vrai que c’est un des rares styles musicaux que vous n’avez pas exploré…

Rob : Oui, alors que Jack a une grosse culture hip-hop. Quand on s’est rencontrés il ne faisait que des instrus de hip-hop. On a commencé comme ça ensemble.

Jack : J’étais beatmaker quand il n’y en avait pas beaucoup. Je faisais un hip-hop qui faisait peur à certaines personnes mais qui est actuel aujourd’hui. Il y a eu toute une période du hip-hop où c’était hyper sectaire. Tu avais le droit de faire des choses et d’autres non. C’était que du sample. Moi j’appelais ça le hip-hop universitaire. Il fallait rester dans les clous alors que j’adorais mélanger ! J’ai fait de la batterie, je jouais du AC/DC, j’adorais mélanger pleins de trucs ! J’étais plus Beastie Boys que Mos Def.

Rob : Et quelque part, l’importance du beat dans les morceaux de Summercamp, c’est Jack. 

Jack : C’est très dans l’air du temps aussi… Le rythme a une place prépondérante dans la musique, je trouve que dans tous les genres maintenant c’est plus présent. Quand t’écoutes Drake, il y a le beat et la voix. C’est tout. C’est hyper efficace. Des fois j’écoute des trucs de pop et je trouve que le beat a pris une place qu’il n’avait pas il y a 20 ans. Même dans les albums de Phoenix d’ailleurs. Le dernier album de Phoenix est vachement plus rythmé que les précédents je trouve. C’est ni mieux ni moins bien, c’est un constat, il y a des périodes, je suis sur qu’un autre cycle va arriver.

Quel est votre dernier concert marquant ?

Rob : Moi c’était Khruangbin. C’était à Barcelone, Primavera. J’ai adoré ! J’ai trouvé qu’ils étaient magnétiques, avec un son de ouf. Ils ont fait tout le concert, sans arrêt entre les morceaux, ils passaient d’un morceau à l’autre en faisant des variations de tempo. Ils ne reprenaient presque que des hits qu’ils jouaient en instrumental. Les meilleurs riffs de Marvin Gaye, le meilleur riff de Sugarhill Gang et tout ça comme une mixtape, en changeant de tempo, hyper lent… La bassiste en avant, ça défonçait ! En plus elle était en combinaison en dentelle avec son énorme jazz-basse, j’étais hypnotisé. 

C’était comment Primavera ?

Rob : C’est devenu le Coachella européen. Maintenant Coachella c’est mort, c’est là-bas. Il y avait tout. J’ai un regard particulier sur le festival parce que je ne suis pas client, je ne suis pas spectateur. Je viens juste pour faire mon show et j’ai la chance d’en voir deux ou trois autour. Les gens avaient l’air content, la drogue les aidait sans doute… Ils avaient l’air très satisfait [rires] ! Le lieu était vraiment génial. Il y a les scènes principales, ambiance festival, et il y a plein de scènes annexes. C’est un espèce de vieux village espagnol ambiance Zorro recréé pour l’exposition universelle de 19… Khruangbin là-dedans c’était de la tuerie. 

Et ton concert préféré Jack ?

Jack : Moi c’était le concert de Phoenix à l’Olympia. C’était quand-même quelque chose.

Quels sont vos derniers coups de cœur musique et cinéma ?

Rob : Musique c’est ce que j’ai écouté ce matin, la BO de The White Lotus. J’ai écouté celle de la saison 1, je crois que la musique est mieux que la saison 2.

Jack : Elle est bien aussi celle de la saison 2. Mais c’est bien parce qu’il y a la première c’est vrai.

Rob : C’est vraiment de la bombe absolue. La créativité, c’est vraiment fabuleux. Il est trop fort ce mec.

Jack : Moi c’est Kali Uchis mais je ne suis pas le seul ! Ça fait déjà 3 albums que j’adore d’elle et je comprenais pas pourquoi c’était pas énorme déjà. Ça l’était déjà un peu mais là je crois que ça y est. Niveau cinéma c’est Quand tu seras grand, un film sur lequel on a travaillé qui sort en avril. J’ai envie d’aller le voir avec plein de gens. J’ai envie de le revoir, d’emmener mes enfants. C’est un film super intelligent, super beau, simple. Plein de qualités.

Rob : Mon dernier coup de cœur c’est Pacifiction. Je trouve que c’est pas loin d’être un chef d’œuvre. La lumière, le rythme, la liberté, l’étrangeté et puis Benoît Magimel qui est, je pense, le nouveau Depardieu. Le nouveau meilleur acteur français. C’est une créature immonde et sublime à la fois. Il a un physique, c’est une espèce de masse étrange… C’est devenu un objet de cinéma à lui tout seul. Je suis fasciné. Maintenant tu peux aller voir tous les films avec lui. Que ce soit les Dupieux, Pacifiction, le film de Rébecca Zlotowski où il était génial aussi. C’est une bête. On dirait qu’il est en plastique, il a l’air complètement taré, il est génial.

Il y a un truc que tous les artistes disent, c’est qu’à partir du moment où tu as fini ton disque, et qu’ensuite il sort, c’est un jour comme un autre. Il ne se passe rien. Dans les semaines qui viennent, succès ou pas succès, en fait qu’est ce que ça change ? À partir du moment où ton disque est disponible, il ne t’appartient plus. Tout ce que tu as pu projeter, tes rêves, tes amours, tes fantasmes, tes idées, tout d’un coup ça ne t’appartient plus. Nous sommes des vieux de la vieille, on a cette expérience, et on sait qu’aujourd’hui, une foi que tu as donné ce que tu as à donner, tu dois lâcher prise. Tu ne dois plus y mettre, ni ton ego, ni ton affect, que les gens aiment ou pas, qu’est ce que ça change à l’expérience qu’on a vécu ? 

Jack : On est déjà sur d’autres projets donc on n’est même pas à se tourner les pouces et à attendre de voir s’il se passe quelque chose ou pas. L’étape qui nous plaît le plus c’est le moment où on le fait. Fabriquer quelque chose.

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