QUINZAINE DES REALISATEURS – Pour son premier long-métrage, El Agua, la réalisatrice Elena López Riera se penche sur l’héritage d’une légende frappant les femmes d’un village espagnol. Un fleuve débordant d’amour, trois générations et une passion brûlante enrobés d’un puissant lyrisme.
De tout temps, à travers les mythologies, l’eau est un élément indissociable du féminin. Nymphes, sirènes, symbolique de la maternité… Rares sont les films qui parviennent à aborder aussi subtilement toutes ces métaphores, ici liées au liquide, sans perdre le fil de sa narration. Le scénario d’El Agua, co-écrit par la cinéaste et Philippe Azoury (qui y fait par ailleurs une apparition en acteur), s’attache à raconter le temps d’un été, le légende ancestrale du village dont est originaire Elena López Riera, Orihuela.
Des séquences documentaires en plans fixes entrecoupent la fiction sous la forme d’interviews de femmes développant des histoires vécues ou entendues sur ce mythe mystérieux. Celui d’un fleuve tombant amoureux de jeunes filles, s’immisçant en elles pour les retenir si elles ont le malheur de vouloir vivre une histoire avec un autre que lui. La colère du cour d’eau se mue alors en puissante cru, menaçant d’emporter le village sur son passage et de faire disparaitre les femmes qui sont traversées par cette eau.
Mais El Agua, c’est d’abord l’histoire d’Ana (troublante Luna Pamies), une jeune fille vivant un été comme un autre entourée de ses amis à danser toute la nuit et paresser sur les bords de berge sous la chaleur pesante. Elle vit avec sa grand-mère et sa mère, propriétaire d’un café dont on ne voit jamais aucun client, ce qui insuffle une atmosphère l’étrange à cette maisons abritant trois générations de femmes qui portent en elles, l’héritage de la malédiction selon les villageois. Quand Jose revient au village, l’attraction entre lui et Ana semble évidente.
Les corps se rapprochent enflammés par le désir et ils vivent les prémisses d’une histoire alors même que sa mère fait de nouveau l’expérience d’un premier amour adolescent. Dans sa mise en scène, la réalisatrice joue de cette opposition des éléments là où le feu de la passion et de l’été s’embrase, la tempête et l’eau se préparent à s’abattre. Il en émane quelque chose d’organique saisissant nos sens. Par ce prisme de la fleur de l’âge où se pose la question de s’échapper du lieu dans lequel on grandit, Elena López Riera saisit dans chaque plan le danger invisible rodant autour des jeunes gens dans un premier long métrage féministe d’une maîtrise impressionnante.