LITTÉRATURE

« True Story » – Kate Reed Petty explore le pouvoir des histoires

© Gallmeister
© Gallmeister

Avec son premier roman Kate Reed Petty balade habilement ses lecteur·ices entre vérités et mensonges. Toujours intrigant et captivant, True Story est avant tout un livre sur le pouvoir des histoires.

Cette soirée de fin d’année est une nuit de beuverie comme une autre pour Nick et ses amis de l’équipe de crosse du lycée. Un moment « marrant » pour une « fête légendaire ». Pourtant ce soir là, tout bascule lorsque deux de ses amis, Richard et Max, ramènent en voiture une fille du lycée privé chez elle. Que s’est-il passé sur la banquette arrière ? Est-ce que ce que racontent les deux joueurs de crosse est une mauvaise blague ou la vérité ? La rumeur se répand en tout cas très vite, détruisant la vie de plusieurs personnes, et surtout celle de la fille du lycée privé, Alice, qui était inconsciente ce soir-là.

Le constat est dressé au sein du livre même : il s’agit d’un mélange habile entre « un thriller, un livre d’horreur, une autobiographie, un roman noir ». Kate Reed Petty joue avec les codes et les voix pour mieux brouiller les pistes. Le résultat est bluffant : le roman est ce qui s’appelle outre-Atlantique un « page turner » difficile à lâcher et intrigant.

C’est un peu douloureux – mentir est un art que tu as peaufiné au fil de tes nombreuses années passées à cacher ton problème d’alcoolisme aux gens qui te sont chers – mais c’est tout de même plaisant d’exercer un talent.

Kate Reed Petty, True Story

L’art du récit

Parce qu’elle n’arrive pas à se souvenir de ce qui s’est passé ce soir-là, Alice doit prendre pour acquis ce qu’ont raconté les joueurs de crosse. Elle essaie donc tant bien que mal de mener sa barque le plus loin possible de son passé, à Barcelone. Et parce que sa voix n’a jamais été entendue (elle a été privée de sa version des faits par les circonstances), elle raconte la vie des autres en étant écrivain public. Son seul lien avec cette histoire, c’est son ancienne meilleure amie, Haley, qui est maintenant cinéaste. Au lycée, Haley sortait avec Nick, lui-même très proche de Richard et Max, les deux joueurs qui conduisaient.

Plus qu’en simples chapitres, True Story se divise en véritables parties liées entre elles par le spectre de ce souvenir. Chaque nouvelle partie remet habilement en question nos croyances. Rumeur ? Histoire vraie ? Jusqu’à la fin, le doute est gardé.

J’ai choisi les genres de l’horreur et du roman noir en partie parce qu’ils ont été traditionnellement associés au «  masculin  » dans notre société ; je voulais jouer en montrant comment une œuvre de fiction féministe pouvait se glisser entre les lignes des structures de ces histoires et les plier sous un angle inhabituel.

Kate Reed Petty, interview du 1er mars 2021, Fiction Writers Review

Kate Reed Petty parvient en effet à plier son récit sous un angle inhabituel et passionnant. Ce sont notamment les pastiches de Raymond Chandler et Stephen King qui donnent tout son intérêt au récit. La sortie en poche de True Story est donc l’occasion de remettre à l’honneur ce roman, qui n’est pas sans rappeler Milkman de l’irlandaise Anna Burns et la série Anatomy of a scandal (2022).

True story de Kate Reed Petty, traduit de l’américain par Jacques Mailhos, éditions Gallmeister, 432 p., 11,50€

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