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« Somnole » – Un retour en enfance tout en sifflant

©Simon Gosselin

Somnole est un solo du célèbre chorégraphe Boris Charmatz. De la chorégraphie à sa réalisation en passant même par l’air, ce spectacle est une pure création personnelle.

Entre sommeil et éveil, Somnole propose une atmosphère quasi religieuse qui apaise comme trouble. Le corps est ici le seul instrument, aucune scénographie et aucun artifice n’est présent, si ce n’est celui de la lumière. Seul au milieu du grand espace qu’offre la salle de spectacle du Théâtre Garonne (à Toulouse), Boris Charmatz s’emporte dans la danse et la musique auto-générée. Les sifflements viennent d’un souvenir d’enfance du chorégraphe qui aimait siffler dans la cours de récré.

Une vulnérabilité palpable

La danse et les sifflements sont ici outils de recouvrement des souvenirs. Vêtu de sa jupe en patchwork, il tente de recoller les morceaux de sa mémoire. Entre découverte de son corps, renfermement, sauts et course, les pas englobent tous les niveaux. Les pieds souvent entrelacés à la manière d’un bébé, il nous livre sa vulnérabilité.

Dans une logique de montrer l’effort de danse pour qu’elle soit plus organique que spectaculairement technique, le son de ses respirations nous fait rentrer dans son intimité. Le public, haletant, peut aussi sentir son souffle coupé. La musique et le mouvement ne font plus qu’un avec la respiration, tout est danse.

Cet aspect enfantin contraste quand il y a (enfin) interaction avec le public. À la limite de l’érotisme et avec un humour gestuel et rythmique, le danseur tente de faire corps avec la première rangée. Les rires s’esquissent aussi lorsque les airs sifflés sont connus, ces moments comiques éveillent au milieu de cette somnolence.

Une petite bulle difficile à percer

Ce spectacle est la création la plus personnelle de Boris Charmatz. Le chorégraphe a habituellement un goût pour le militantisme et les spectacles ou performances qui choquent et bouleversent les codes. Ici, la forme originale du sifflement traduit son aspect novateur. En revanche, la portée semble plus singulière qu’universelle et nous le sentons dans l’attitude renfermée du danseur. Non pas que ses chorégraphies se doivent d’avoir des formes radicalement nouvelles ou un fond militant, il apparait quand même que c’est un spectacle pour le danseur, avec lui et sur lui.

© Simon Gosselin

Dans ce spectacle, malgré la prouesse technique, le fond est quelque peu indiscernable. Il ferme souvent les yeux et parait dans son monde. Le public peut se sentir mal à l’aise car de trop. D’un autre côté il est beau de voir quelqu’un aussi emporté par ce qu’il fait. Dans la logique de danse comme état de somnolence, ces choix sont compréhensifs. Il n’empêche que la sensation d’être importun des spectateur·ices est présente.

Les sifflements ont un effet lyrique et ressemblent quelques fois à des cris de plainte. Un ailleurs, atmosphère calme. L’atmosphère est très agréable car la plupart du temps, c’est calme. Il y a un aspect quasi ancestral dans cette création. Le corps du chorégraphe, à semi-découvert, fait allusion aux sirènes, les sifflements ayant une portée aquatique et envoûtante. L’immensité de l’espace fait écho à celle de l’océan, le spectacle est quelque peu vertigineux.

Le spectacle présente plusieurs pans humoristiques comme dans les reprises d’air connus ou encore dans les interactions avec les spectateur·ices.

Somnole, Boris Charmatz : le 29 et 30 mars 2023 au Trident Scène Nationale à Cherbourg-en-Contentin , le 6 avril 2023 à la Maison de la Danse à Lyon.

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