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Rencontre avec Rozi Plain – « Cet album représente le fait d’essayer d’être clair »

Crédit Yoshino Shigihara

Tout en douceur, Rozi Plain, de son vrai nom Rosalind Leyden a pris le temps d’échanger avec Maze pour nous parler de Prize, son dernier album, sorti ce 13 janvier 2023.

La chanteuse originaire de Winchester débute sa carrière en 2008 avec Inside Over Here, une compilation d’enregistrements faits maison qui posent d’office les bases de son univers folk aux ondes hypnotiques venues du jazz et d’ailleurs. Elle dévoile aujourd’hui son cinquième LP, intime et hypnotique. Accompagnée par Jamie Whitby-Coles (également présent dans le groupe This Is the Kit) à la batterie, Amaury Ranger à la basse et Gerard Black aux synthés, Plain livre ici un projet sonore brumeux, sur lesquels ont également été invités le saxophoniste Alabaster DePlume, le manipulateur de synthés Danalogue et la harpiste Serafina Steer. Un album suspendu dans le temps, dans lequel Plain livre un regard déconcertant et subtile, au gré de la chaleur vibrante des dix morceaux qui composent ce dernier album.

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire de la musique ?

J’ai commencé par beaucoup écouter la musique de Sam, mon grand-frère. Il avait une immense collection d’enregistrements quand on était adolescents. C’est lui qui m’a appris à jouer mes premiers accords à la guitare. Ensuite j’ai beaucoup joué avec Kate Stables dans le groupe This is the Kit, dans lequel je continue a jouer. Kate est de Manchester, on est amies depuis que j’ai environ 12 ans. J’ai commencé à jouer avec elle, et puis mon frère avait l’habitude d’aller faire des open mics dans les pubs, donc on a commencé à jouer là-bas. À 18 ans je suis partie m’installer à Bristol pour faire des études d’art à l’université. J’y ai rencontré beaucoup de monde, et c’est comme ça que j’ai commencé à jouer pour d’autres projets musicaux.

Quel est votre processus d’écriture de chansons ?

J’écris beaucoup de choses, beaucoup de notes, tout le temps, même si ça n’est pas nécessairement des textes que j’imagine en musique dès le début. Je commence à jouer de la guitare à partir de ces pensées et de ces petites phrases, et c’est souvent à ce moment là que l’inspiration arrive. Il y a vraiment quelque chose qui se passe quand la guitare vient accompagner ces bouts de notes, qui me donne envie de continuer à jouer.

Souvent ce que j’écris, bien avant d’être des chansons, ce sont des choses que je veux retenir qui se font ensuite absorber par ma musique.

Pourquoi avoir appelé votre dernier album Prize  ?

Et bien, Prize est un mot qui vient de «  Painted the room », une chanson de l’album. Généralement, quand je nomme un album, le nom vient de l’un des titres. Une fois que l’album est finalisé, j’entame une phase de relecture des paroles, je les lis en boucle, jusqu’à sentir que l’une d’elles me transperce. C’est souvent cette parole bien précise, qui s’est démarquée des autres, qui donne son nom à l’album.

Prize, parle beaucoup de … – j’essaye de trouver la formulation pour dire ça d’une manière pas trop compliquée (rires). Cet album parle beaucoup des incompréhensions, des quiproquos, et du fait d’essayer en permanence d’être clair avec les autre. Faire en sorte que les envies, les sens, soient clairs, parce que dans les interactions entre les gens, dans la vie de tous les jours, il y a beaucoup de confusion. On essaie seulement de se faire comprendre, et pourtant, parfois, une discussion peut finir par ressembler à d’une compétition, comme si les gens essayaient de prouver quelque chose à l’autre. Je pense que Prize représente le fait d’essayer d’être clair. C’est une façon très compliquée et très confuse de le dire. (rires)

L’univers de votre dernier album parle beaucoup de votre environnement et de la façon dont il vous donne l’impression d’être dans le présent. Comment avez-vous dessiné les courbes de cet imaginaire ?

Je pense qu’en effet, il y beaucoup de ça. Dans Prize, il y a quelque chose de très intime dans les paroles, qui donne l’impression de se rapprocher de plus en plus. Je ne sais pas si c’est plus proche de moi, ou plus proche dans le temps, mais je pense que What a Boost, (avant-dernier album de Rozi Plain sorti en 2019), était plus distant, dans tous les sens du terme.

Qu’est-ce qui vous a inspiré lors de la création de votre dernier album ?

J’y réfléchis beaucoup en ce moment. Cet album tourne beaucoup autour de l’idée de l’interaction, avec moi-même comme avec d’autres personnes. C’est intéressant parce que j’ai beaucoup travaillé sur Prize pendant la pandémie, c’était un temps très introspectif et très fermé. J’imagine que cela se ressent probablement dans les paroles.

Pouvez-vous m’en dire plus sur votre expérience dans le groupe This is the Kit ?

Bien sûr ! Je joue avec Kate (Kate Stables, chanteuse et musicienne) depuis l’adolescence, et j’ai été bassiste avec elle dans le groupe This is The Kit pendant ces dix ou douze dernières années. Jamie Whitby Coles, qui est à la batterie dans mon groupe, joue aussi dans This is the Kit. C’est une partie très importante de moi en tant qu’artiste, j’y ai beaucoup appris, c’est aussi une expérience qui s’est incorporée dans le projet Rozi Plain. J’ai toujours beaucoup aimé faire les deux. En général j’adore jouer avec d’autres personnes, et je sens que c’est très important pour ma propre musique, j’aime m’en éloigner pour mieux y revenir.

Êtes-vous sur d’autres projets en ce moment  ?

Je joue surtout pour Rozi Plain, mais aussi beaucoup avec mes amis, comme Alabaster Deplume, avec qui j’ai collaboré sur Prize. Il travaille avec beaucoup de gens, j’adore travailler avec lui, c’est une expérience très différente, parce qu’on fait beaucoup d’improvisation, et c’est un gros challenge pour moi. J’ai beaucoup d’estime pour lui, parce que l’exercice me rend nerveuse, mais d’un autre côté j’en tire beaucoup. C’est vraiment un super challenge.

Où avez-vous enregistré votre dernier album  ?

On en a enregistré une partie dans le sud de la France, et quelques titres à Londres, dans un studio appelé le Total Refreshment Centre. Certains autres à Glasgow. On a aussi fait beaucoup d’additions, des extras de guitares, de chants, de plein de choses, dans plein, plein de lieux différents.

Quelle influence est-ce que ça a eu sur l’album, d’enregistrer dans autant d’endroits différents  ?

Ça a exercé une influence, c’est difficile de dire laquelle, mais ça en a eu une, définitivement. D’un autre côté c’est un processus plutôt normal pour moi parce que tous les membres du groupe vivent dans des endroits différents  : je vis à Londres, Jimmy vit à Bristol, Gerard Black, qui est au synthétiseur, vit à Glasgow, Amaury Ranger, à la basse, habite à Paris… Quoique l’on fasse, les projets évoluent toujours dans des endroits différents. Et donc c’est mon environnement de travail naturel, mais c’est aussi très vrai dans ma vie, d’être tout le temps en mouvement, de bouger beaucoup.

Pour réaliser le clip de votre chanson « Help », vous avez choisi l’artiste Noriko Okaku. Qu’est-ce qui vous a plu dans son travail ?

Je connaissais son travail car elle a fait beaucoup de choses pour le groupe Vanishing Twin, et aussi pour mon amie Yoshino Shigihara , qui a un groupe qui s’appelle Yamawarashi. Elles ont travaillé ensemble, et par la suite, Yashino m’a suggéré de travailler aussi avec Noriko. Je suis entrée en contact avec elle, et j’ai adoré, elle est très sensible, elle arrive à capter plein de petits trucs, de petites émotions. Dès qu’on travaillait ensemble, elle remarquait de nouvelles petites choses. Et elle a un œil incroyable pour imaginer, pour tout mettre à la bonne place. Elle arrive aussi à laisser de l’espace, et j’adore cet espace qu’elle laisse. J’aime la simplicité que cela dégage, mais il y a aussi quelque chose de très profond. Pour moi cette vidéo est incroyable, je n’arrive pas à croire qu’elle l’ait vraiment fait. Je l’adore.

Quels sont vos derniers coups de cœur artistiques ?

Cette question me fait toujours paniquer (rires), j’ai toujours un blanc. Hier, j’ai écouté cet album brillant, qui s’appelle Skylla. J’ai acheté le CD pour pouvoir l’écouter dans ma voiture. C’est le projet d’une fille qui s’appelle Ruth Goller, c’est une bassiste géniale, et l’album est incroyable. Il y a trois chanteuses qui l’accompagnent, c’est très trippy. Sinon j’ai commencé à regarder une super série qui s’appelle Reservation Dogs, je la trouve brillante.

Comment s’annoncent vos prochains mois ?
Et bien je pense qu’ils vont être très occupés, on a beaucoup de concerts à faire pendant les deux prochains mois, puis avec l’arrivée de l’été on aura aussi des festivals. Il y aura aussi un nouvel album de This is the Kit qui va bientôt sortir, je pense que ce projet va me prendre pas mal de temps. Donc voilà, je vais être bien occupée !

Vous venez à Paris bientôt je crois, pour faire un concert  ?

 Oui oui tout à fait, je crois que c’est le 11 février  !

Rozi Plain sera en concert à Paris au Hasard Ludique le 11 février, au VIP à Saint-Nazaire le 12, aux Pies Chicaillent à Rennes le 14 et au Blonde Vénus de Bordeaux le 15.

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