CINÉMA

« Les Banshees D’Inisherin » – Une satire rocambolesque

©SEARCHLIGHT PICTURES

Quatorze ans après ses Bons Baisers de Bruges, Martin McDonagh a rappelé son duo fétiche pour une tragi-comédie sur fond de folklore irlandais. En salle depuis fin décembre, Les Banshees d’Inisherin est le film parfait pour démarrer l’année. 

Depuis son second film Sept psychopathes, le cinéaste britannique d’origine irlandaise avait délaissé pendant quelque temps le récit satirique pour se concentrer sur des fables plus dramatiques. Pari réussi puisque son dernier film, Three Billboards : Les Panneaux de la Vengeance est reparti en 2017 avec plusieurs prix prestigieux, dont celui du meilleur scénario et du meilleur film dramatique lors des Golden Globes. Cinq ans après, le cinéaste revient à ce qu’il sait faire de mieux : la tragicomédie. Retrouvant Collin Farell et Brendan Gleeson dans les rôles principaux, le cinéaste s’est fait plaisir en juxtaposant les genres et en nous offrant une fable plus jouissive que jamais. 

On prend les mêmes….

C’est dans une contrée irlandaise que le cinéaste a choisi de dérouler son intrigue, sur l’île d’Achill plus précisément. Située au large de la côte ouest, cette contrée vertigineuse regorge de possibilités pour le cinéaste. En effet, bien que l’on voit très souvent les personnages circuler d’un endroit à un autre, le récit se passe principalement entre trois lieux : le pub et les maisons des deux personnages principaux. À la manière de Bons baisers de Bruges, une triade se constitue. Ce n’est pas un huis-clos mais pourtant les mouvements se limitent à ces trois lieux parfaitement sélectionnés pour constituer l’atmosphère du film

Si l’on ajoute à cela un travail remarquable sur les personnages, le résultat devient aussi satisfaisant que le premier film du cinéaste. Dans Les Banshees d’Inisherin, Colin Farell joue un rôle qui lui sied à la perfection, celui d’un homme du nom de Padraic, un peu bébête et naïf mais sincère et touchant. En face de lui, un Brendan Gleeson campant le personnage de Colm, toujours aussi froid, rude et imperceptible mais au cœur tendre. Le duo se fait face du début jusqu’à la fin du film et évolue par la même occasion. Les deux acteurs sont d’ailleurs parfaitement épaulés par Kerry Condon dans le rôle de Siobhan, la sœur de Padraic et par Barry Keoghan dans celui d’un jeune un peu lent mais rêveur. En somme, le casting est plutôt bien trouvé pour un film plutôt bien scénarisé. 

… et on recommence ! 

La réussite de ce film provient principalement d’un scénario à priori simple mais finement élaboré. Cela part d’un problème simple, presque banal, celui d’une relation compliquée entre deux amis, pour déboucher peu à peu sur un drame inattendu. Colm ne souhaite plus parler à Padraic, son partenaire de toujours. Ce dernier refuse que son ami lui fasse la tête et ne va rien lâcher. Le problème simple devient peu à peu une énorme lutte sanguinaire entre deux personnages qui ne souhaitent pas en réalité se faire du mal. L’ambiance vacille peu à peu de la comédie au drame et enfin à la tragédie. Le rythme est, quant à lui, parfaitement maîtrisé, laissant la tension monter peu à peu sans savoir où cela va mener et sans penser que l’issue puisse finalement être aussi terrible.

Car le drame n’était pas aussi visible en premier lieu. On pourrait croire à une mauvaise blague au départ mais rien n’est une blague dans les dires de ses personnages. Tout est finalement si grotesque, inattendu mais lourd de sens. Puisqu’en plus de la satire et de la tragédie, le cinéaste ajoute un ingrédient final : la leçon de vie. Sous ses airs de vieillard aigri ne souhaitant rien savoir, Colm a surtout peur de ne pas laisser de trace après sa mort. L’horloge tourne, ses heures sont comptées et finalement l’ambiance n’est plus à la fête mais au travail afin de laisser quelque chose aux générations futures. Une attitude qui permet de changer complètement sa vision du personnage et de l’ensemble des protagonistes plus généralement, qui sont chacun attachés à quelque chose qui leur permet de tuer le temps sur une île sans vie. 

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