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« Inoxydables » – La migration imaginaire

Inoxydables
© V. Arbelet

Un an et demi après sa mise en scène virtuose de 7 minutes de Stefano Massini, Maëlle Poésy déçoit avec Inoxydables, le récit de fuite inutilement obscur d’un couple de musiciens.

Pour comprendre notre déception autour d’Inoxydables, il faut revenir sur le parcours de Maëlle Poésy. On avait laissé la directrice du théâtre de Dijon-Bourgogne avec l’excellente pièce de Stefano Massini, 7 minutes, programmée à la Comédie-Française. Sur scène, sept femmes s’écharpent pour savoir si elles doivent ou non céder sept minutes de temps de travail gratuit supplémentaire chaque jour à leurs patrons, au nom du sauvetage de l’entreprise. Une pièce puissante sur le conflit et la domination sociale en entreprise. Entre temps, Maëlle Poésy s’est fait un nom dans le théâtre « de la confrontation » – c’est du moins ainsi que la décrit le site internet du Festival d’Avignon, qui l’a programmée l’été dernier. Son spectacle, Anima y rencontre un écho largement positif. C’est parce qu’on a apprécié son travail que l’on a du mal à comprendre ce que Maëlle Poésy est venue chercher dans ce nouveau texte.

Barbarie du monde

Sur un plateau à plat – les spectateurs sont disposés sur des chaises autour des comédiens, disposés en carré – la mise en scène commence sur une scène de boîte de nuit. Point de décor, seulement quelques objets, dont une basse. Le personnage masculin, Sil, est musicien. Il joue en boîte de nuit, croise le regard enflammé et embrumé par l’alcool de Mia, qui ne voit que lui dans la salle. Habituellement, les bassistes ne repartent jamais avec les filles, précise-t-il en s’adressant au public. Les deux comédiens dansent sur scène, tenue de ville et jeu de lumière qui suit à peine. L’ensemble fait un peu factice. La pièce, écrite par Julie Ménard, prend un virage un peu surprenant lorsque d’un coup, ce couple qui n’aurait pas dû durer mais qui dure, se retrouve sur les chemins de l’exil. Mia et Sil, pour des raisons qui demeurent mystérieuses, deviennent migrants. Se retrouvent à marcher dans les forêts pour passer des frontières, essaient de changer de pays, de retrouver leurs amis – les autres membres du groupe de rock de Sil – et de se construire une nouvelle vie.

Si le texte est inspiré d’une relation amoureuse de l’autrice avec un migrant, il perd sa portée politique lorsqu’il est mis en scène. La migration de ce couple d’acteurs blancs – et Français, de ce que l’on comprend – n’est jamais justifiée. Difficile dès lors de comprendre en quoi ce couple de jeunes incarne « la résistance de la jeunesse face aux barbaries du monde ». De barbarie, il n’est jamais question. C’était pourtant le cœur de ce spectacle.

Inoxydables, un texte de Julie Ménard mis en scène par Maëlle Poésy au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Du 4 au 29 janvier 2023.

Journaliste

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