LITTÉRATURE

« Chelsea Girls » – Le souffle d’Eileen Myles embrase les seventies

Chelsea Girls
© éditions du Sous-Sol

Dans ce premier texte, l’autrice et poétesse américaine Eileen Myles revient sur sa jeunesse dans une série de fragments autobiographiques. Tout y passe : le sexe (lesbien), son amour de l’écriture, la drogue, la religion. Sa liberté de ton est déconcertante.

Le grand vent de liberté qui a soufflé sur les États-Unis grâce à cette Américaine que rien n’arrête gagne enfin l’Hexagone. Réjouissons-nous ! Le premier texte de l’écrivaine et poétesse lesbienne Eileen Myles, Chelsea Girls, est enfin traduit aux éditions du Sous-Sol. Ce classique de la littérature lesbienne aura mis trente ans à arriver en France. Au commencement de cette épopée, il y a Eileen Myles, à peine la trentaine, qui décide de quitter sa campagne pour gagner New-York et vivre la vie d’artiste.

Un désir de liberté

Elle enchaîne les petits boulots, commence à écrire pour la première fois, surtout des poèmes. Dans une série de courts chapitres, Myles revient sur différents épisodes de cette jeunesse qu’elle s’est appliquée à brûler par les deux bouts. Il y a son addiction à l’alcool, les soirées débridées, les soirées lesbiennes, les nuits au Chelsea Hotels avec des filles, des garçons, parfois les deux, la drogue. C’est son désir de liberté totalement assumé, sa franchise, aussi, qui lui valent parfois d’être comparée aux garçons de la Beat Génération. Kerouac était leur artiste maudit ; Myles, elle, est l’artiste maudite de toutes les filles.

« J’ai regardé la fumée sortir en volutes par les fenêtres de la maison au bord de la mer et je suis devenue extrêmement intelligente, pleine d’esprit comme c’était souvent le cas quand je me trouvais en compagnie d’autres filles, sans craindre après deux verres de leur faire honte par mon côté excessif. Elles étaient excessives, elles aussi. C’était un grand secret pour tout le monde et on le cachait bien (…). »

Eileen Myles, Chelsea Girls

Ce qui est sidérant, avec Chelsea Girls, c’est sa franchise et l’acuité violente avec laquelle l’autrice décrit sa jeunesse. En fin de compte, le texte est moins importé pour ses qualités littéraires – les textes sont d’une franchise sidérantes et ne s’embarrassent pas à faire du style – que pour la force de caractère de son écrivaine. C’est une Myles plus vieille qui s’est décidée à raconter cette jeunesse débridée. Cette jeunesse des années soixante-dix durant lesquelles on ne pouvait pas se permettre grand chose.

Une jeunesse semblable à celles de nombreux autres artistes de cette époque, ponctuée de misères, de problèmes. Myles assume tout. Et ouvre la voie. Son lesbianisme, revendiqué. Ses petites amies, ses amantes, leurs embrouilles, les problèmes d’addiction, les violences sexuelles – les fois où elle a été violée. Eileen Myles, sans aucun pathos, raconte tout. Parce qu’elle n’a peur de rien, parce qu’elle n’a honte de rien. Parce qu’il n’y a pas de raison d’avoir honte. À lire absolument.

Chelsea Girls d’Eileen Myles, éditions du Sous-Sol, 23 euros.

Journaliste

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