La période des tops de fin d’année est arrivée ! Pour cette année 2022, voici une sélection toute subjective du meilleur de l’année en BDs, comics et manga. 2022 aura été fourmillante en BDs indépendantes, en nouveaux horizons ou en retrouvailles !
En 2022, les auteur·ices de BDs ont pris à bras-le-corps les problématiques existentielles. Réflexion sur l’art, bilan d’une vie, réflexion sur l’héritage, le deuil, le temps qui passe ou encore l’anthropocène, sont autant de thèmes que l’on a retrouvés tout au long de l’année. Bien sûr, l’aventure pure demeure aussi, preuve que le septième art est à la fois plastique et inventif. De l’Italie au Québec, en passant par le Japon et la France, voici les œuvres retenues par nos rédacteur·ices.
Hawaï solitudes – R. Kikuo Johnson
Un homme vient s’installer dans la famille de sa sœur, Charlène, après le décès de son père. Bouleversée par le deuil, elle lâche son job d’infirmière, délaisse son fils et reprend ses études de médecine. Le môme, peu affecté par la mort du vieillard, égare son chat. Rien d’incroyable en apparence dans cette tranche de vie aux accents mélancoliques signée par l’illustrateur au New York Times R. Kikuo Johnson. La mise en scène, drôlatique, un peu cruelle parfois, montre avec une finesse rare les petites et grandes solitudes qui nous traversent tous.
Emma Poesy
Le poids des héros – David Sala
Tout commence par une fuite à cheval. L’un des grand-pères de l’auteur échappe de justesse à la mort dans l’Espagne franquiste. L’autre survit aux camps de l’Allemagne nazie… Quand on a un tel héritage, comment se construire ? Mêlant rêves, visions et souvenirs, le bédéiste revisite son passé et celui de sa famille avec force couleurs et motifs. Il y a du Gustav Klimt chez David Sala, dans ses parterres de fleurs et ses dorures, mais aussi du fauvisme dans ses couleurs chaleureuses. Une palette qui rappelle la beauté d’une autre BD, Le Dieu vagabond (2019) de Fabrizio Dori. Entre Seconde Guerre mondiale, récit autobiographie, récit de filiation et réflexion sur l’art et la famille, David Sala a magnifiquement ouvert l’année 2022.
Le poids des héros de David Sala, éditions Casterman, 176 p., 24 €
Anaïs Dinarque
La louve boréale – Núria Tamarit
Si vous cherchez une bande-dessinée à la fois divertissante, intéressante et profonde, il faut vous offrir La Louve Boréale. À la fois conte philosophique, BD d’aventure et fable écologique, l’œuvre embrasse plusieurs genres pour faire réfléchir et voyager. Sublimée par des dessins innovants et sublimes, le livre de l’autrice espagnole Núria Tamarit est l’une des meilleures bandes-dessinées de l’année.
La louve boréale par Núria Tamarit, éditions Sarbacane, 216 p., 28€
Basile Hervé
Le secret de la force surhumaine – Alison Bechdel
Avec Le Secret de la force surhumaine, Alison Bechdel revient plus en forme que jamais ! Celle que l’on ne présente plus dans le milieu du roman graphique nous offre son premier vrai récit autobiographique. Dans Les gouines à suivre, elle mettait en scène ses ami·es et son alter ego ; dans Fun Home, elle parlait de son père, tandis que dans C’est toi ma maman ?, sa mère était au centre. Ici, Bechdel fait le bilan de ses soixante années en convoquant la Beat Generation, les transcendantalistes et en gravissant aussi bien littéralement que métaphoriquement des montagnes.
Anaïs Dinarque
Perpendiculaire au soleil – Valentine Cuny-Le Callet
En septembre, nous nous entretenions longuement avec Valentine Cuny-Le Callet à propos de son roman graphique Perpendiculaire au soleil. Superbe somme à la fois politique et visuellement très inventive, cette BD raconte la rencontre épistolaire et l’amitié naissante entre l’autrice elle-même et Renaldo McGirth, prisonnier dans le couloir de la mort dans l’état de Floride. Valentine Cuny-Le Callet joue avec les symboles, les structures, le noir et blanc pour conjuguer fond et forme. Cette BD est une belle collaboration à quatre mains, porteuse de grands enjeux.
Perpendiculaire au soleil de Valentine Cuny-Le Callet, éditions Delcourt/Encrages, 436 p., 34€95
Anaïs Dinarque
Saga T.10 – Fiona Staples et Brian K. Vaughan
La suite de Saga est enfin là ! La série de comics qui s’était vu imposer une pause pour cause de maladie de sa dessinatrice dévoilait son tome 10 en octobre de cette année. Space-opera foisonnant dans lequel les robots sont (littéralement) rois, les tueurs à gages pétris de bonnes intentions et les chats des êtres maléfiques, l’univers de Saga est éminemment politique, satirique et jouissif. On en veut toujours plus !
Saga tome 10, de Fiona Staples et Brian K. Vaughan, éditions Urban Comics, 176 p., 19 €
Basile Hervé
Frieren T.4 – Kanehito Yamada
C’est d’un trait délicat que Kanehito Yamada dessine l’elfe Frieren dans sa quête. Loin des codes parfois très rigides du genre, le manga Frieren s’autorise des pas de côté et des escapades parallèles. La quête de Frieren est depuis des décennies révolue. Elle et ses compagnons (depuis devenus des vieillards ou disparus) sont des héros dans tous le royaume pour avoir terrassé le roi des démons. Pourtant, il semblerait que la quête de l’elfe ne soit pas totalement finie. S’intéressant à ce qui se passe une fois l’aventure (presque) terminée, ce manga remplace le tout aussi beau Demon Slayer sur nos tables de chevet.
Frieren tome 4, traduit du japonais par Géraldine Oudin, éditions Ki-oon, 7,90€
Anaïs Dinarque
Virginia Woolf – Liuba Gabriele
C’est une biographie lumineuse que propose Liuba Gabriele avec Virginia Woolf. Après avoir réalisé les dessins d’une première biographie sur Amy Winehouse, elle s’est ensuite attelée à dessiner la vie d’une autre artiste britannique d’envergure. À travers une série de chapitres denses et fleuris, l’artiste italienne rend délicatement hommage à Virginia Woolf. Elle choisit de mettre au cœur de son récit la relation entre l’écrivaine et l’autrice Vita Sackville-West.
Virginia Woolf, Liuba Gabriele, traduction Paloma Desoille, éditions Des ronds dans l’O, 20€
Anaïs Dinarque
Bien sûr, Monsieur Proust T.1 – Chloé Cruchaudet
Voilà maintenant 100 ans que Marcel Proust a disparu. L’occasion partout en France de célébrer le patron des écrivains, notamment à Cabourg, dans son lieu de villégiature. C’est par un angle original que Chloé Cruchaudet aborde à sa manière l’auteur, puisqu’elle choisit de le présenter par le prisme de son amie, la gouvernante et secrétaire Céleste Albaret. Jeune provinciale débarquée à Paris pour suivre son mari, Céleste, qui ne sait rien faire de ses dix doigts, se retrouve au service de celui qui n’est pas encore devenu le grand Marcel Proust. L’occasion pour Chloé Cruchaudet, que l’on connaît pour sa trilogie Ida (2009-2013) ou encore Mauvais Genre (2013) de s’amuser avec les planches et les cases de son œuvre. Un beau dialogue entre les arts et les artistes.
Anaïs Dinarque
Adieu triste amour – Mirion Malle
Après C’est comme ça que je disparais en 2020, Mirion Malle revient dans notre top des meilleurs livres de l’année avec Adieu triste amour. Cléo semble très heureuse avec son copain, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle ne le connaît pas vraiment. Alors elle prend le large, et de Montréal atterrit au hasard d’un trajet en bus dans une petite ville. Mirion Malle présente à nouveau un récit de reconstruction sororale très juste et touchant.
Adieu triste amour, par Mirion Malle aux éditions La ville brûle, 20€
Anaïs Dinarque