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« LVVI La Vieille Vierge Insomniaque » – Un tragi-grotesque désuet ?

© "LVVI La Vieille Vierge Insomniaque" Théâtre Garonne

À la manière d’un vaudeville, LVVI La Vieille Vierge Insomniaque joue avec les genres théâtraux, le jeu poussé des comédiens et deux réalités distinctes sur le papier mais qui se confondent avec absurdité au plateau.

Deux familles s’opposent et se nourrissent l’une l’autre, la sainte famille et celle d’artistes. Nous retrouvons trois personnages baignés dans le flou de deux réalités : celui de la Vierge qui est en fait une bourgeoise insomniaque et des parents artistes aussi ogre et ogresse. Puis il y a le fils, à la fois Jésus, fils de la Vierge, et martyr de ses parents trop gourmands à son égard. Ces personnages fictionnels sont prétextes pour faire de l’intime l’universel.

L’ intérieur modeste auquel nous faisons face, s’apparente aux intérieurs de nos grands parents : une grande armoire, un lit-cage, une table en bois et une grosse horloge accrochée au mur. Le décor intimiste du foyer contraste avec les gradins voyeuristes en arrière plan.

Grotesque à son paroxysme

La scénographie sobre contient les éléments nécessaires à la mise en place d’un théâtre de vaudeville, celui dont le planché et les portes grincent et claquent. Jouant avec le caché et le révélé pour créer des effets comiques. Ici, pas d’illusion théâtrale, le fond ouvert de l’armoire est révélé.

Avec humour et grossièreté, la pièce dévoile les atrocités de ce monde tels que l’inceste, le viol et un cannibalisme imagé. Mêlé à cet humour brut de décoffrage et parfois lourd, une poésie tragique des mots contraste avec des gestes barbares. L’aspect vieillot du logis ne situe pas pour autant la pièce dans un temps précis. Le spectacle jongle avec les époques par le langage.

C’est un choix audacieux qu’est celui de revenir aux essences du théâtre en cette ère du théâtre contemporain qui cherche toujours du plus neuf que neuf. Loin du réalisme contemporain, les personnages sont incarnés de manière caricaturale. Accentuant les traits des personnages à l’aide de costumes et maquillage, le grotesque est mené à son paroxysme. La Vierge a une forte poitrine rembourrée, l’ogre a des sourcils dessinés et les joues rouges, l’ogresse a un corps frêle.

Vers un nouveau théâtre ?

En revanche, le spectacle n’est pas si poussiéreux qu’il n’y paraît et n’est pas seulement de l’ordre du divertissement. Il aborde avec et souvent sans subtilité, les rouages du patriarcat. L’envie dévorante qu’a l’homme de vouloir tout posséder.

Le choix du personnage de la vierge n’est pas anodin, elle est symbole de vie et de « mère-nourricière » mais aussi au cœur du champs politique et social contemporain. Son lit-cage suggère une sorte d’ enfermement, bloquée dans son appartement, dans son éveil perpétuel et victime de viol. Vie et mort, tragique et grotesque sont mêlés avec absurdité et on ne sait plus si on doit rire ou pleurer.

Le spectacle passe de l’élitisme des références théâtrales et catholiques à un langage et un comique plus populaires. Et les spectateurs se retrouvent parfois désemparés de ne pas avoir les clés en main pour comprendre. Peut-être cela fait-il partie de l’intention d’un théâtre absurde. Et pour cause, l’absurdité est bien présente quitte à s’y perdre. Du moins, il n’est pas donné à tout le monde d’en saisir le sens.

En effet, beaucoup de références sont contenues dans cette pièce. Le metteur en scène Dominique Collignon Maurin s’inspire de grands noms du théâtre du XIX° siècle. Notamment d’Alfred Jarry dans le choix de prendre des personnages ogres comme dans Ubu. On pourrait reprocher au spectacle de ne pas assez tenir la main du public et de ne cibler qu’un type de spectateur.

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