Théâtre

« La Douleur » – Et Dominique Blanc devint Duras

La Douleur
© Simon Gosselin

Depuis plus d’une décennie que la comédienne rejoue, avec talent, le texte de l’illustre écrivaine dans la mise en scène de son complice Patrice Chéreau.

Toutes les pièces n’ont pas le luxe d’avoir une si longue histoire. Pour l’interprétation de La Douleur de Marguerite Duras par la comédienne Dominique Blanc (de la Comédie-Française), l’aventure a commencé en 2007. C’est son complice depuis plus de trente ans, le metteur en scène et directeur du théâtre des Amandiers-Nanterre Patrice Chéreau, aujourd’hui décédé, qui lui propose de se lancer dans une lecture de texte en duo.

Finalement, c’est l’autre metteur en scène Thierry Thieû Niang qui propose La Douleur. La comédienne s’entiche du texte. Demande à Chéreau de le jouer, elle, seule, après tout le roman est un monologue, on est toujours mieux seul pour évoquer la solitude.

Dominique Blanc apporte ses propres vêtements pour jouer la pièce, un moyen pour elle de créer une continuité entre le vingtième siècle et notre époque. Joue le spectacle une première fois en France, puis fait le tour de l’Europe, du Japon, du Vietnam puis remporte le Molière de la meilleure comédienne en 2010.

Fidèle à elle-même et à ce qui ressemble au texte d’une vie, Dominique Blanc chausse de nouveaux les souliers de Duras, depuis l’Athénée théâtre, dans le neuvième arrondissement de Paris.

Une vie en suspens

Elle se tient donc là, Dominique Blanc, seule au fin fond de la salle mal éclairée de ce petit théâtre aux sièges de velours rouges. Silence de mort dans la salle, silence de mort de l’actrice elle-même, qui retient son souffle pour nous faire revivre la douleur de Duras, qui donnera ensuite son titre au roman.

Dans son texte, Marguerite n’est pas encore devenue Duras. Seulement une femme, qui attend avec désespoir le retour de son mari, Robert Antelme, des camps de concentration où il a été déporté par les nazis. Blafarde, Dominique Blanc raconte l’attente, le désarroi, la tristesse, l’impossibilité de vivre une vie restée en suspens.

La comédienne, magistrale au cinéma – tout particulièrement dans le dernier long-métrage de Sébastien Marnier -, est tout aussi magistrale sur les planches. On se glisse dans la peau de Duras. Ses mots crus écorchent, elle dit la tristesse, la peine, le mari qui revient et qui pèse à peine quarante kilos.

Sous les phrases courtes et froides il y a encore le traumatisme de la guerre. La mise en scène sobre, concentrée sur l’attente de Duras – qui vit déjà une autre histoire d’amour avec Dyonis Mascolo à l’époque – veut mettre le pathos à distance. Pour ne laisser que l’impression, de vivre dans sa chair, le temps d’un instant, un terrible moment de l’histoire de France.

La Douleur, texte de Marguerite Duras, mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang, interprété par Dominique Blanc.

Journaliste

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