Clips du moisMUSIQUE

CLIPS DU MOIS – Novembre #2

clips du mois
Crédits Guillaume Lacoste

Deux fois par mois, la rédaction vous offre une sélection de clips qui ont fait l’actualité musicale. Pour cette deuxième sélection du mois de novembre : Vestes, Thérèse, Martin Luminet, Zaho de Sagazan, Since Charles, Flavien Berger, Joesef, Rozi Plain, Murgida et Bolivard.

Vestes – laisser couler réalisé par Jules Gaubert et Simon Dumottier

Pour leur tout premier single, laisser couler, le groupe Vestes s’offre un clip ruisselant d’images de chefs-d’œuvre du cinéma. Le montage rythmé se compose d’un délicieux mash-up où différents fluides coulent : des larmes au sang, des jets de la douche aux pluies diluviennes, ne dévoilant quasiment jamais de visages. Simon Dumottier (guitariste de Beach Youth), Jules Gaubert et Léo Houët laissent couler pour nos yeux De Palma, Scorsese, Spike Lee, Hawks ou Carax (pour ne citer qu’eux).

Tandis qu’à nos oreilles leur douce pop-rock prend son temps dans une ambiance musicale très new-wave sauce eighties, le texte, lui, évoque une forme de désillusion amoureuse en toute simplicité, une invitation à laisser tomber. Au contraire, ce premier morceau de Vestes, déjà évocateur et très prometteur, n’appelle qu’à être écouté en boucle avant de découvrir la suite du projet.

Diane Lestage

Thérèse – Mala Diva réalisé par Thomas Wood

Deux mois après Jealous, Thérèse abandonne l’excentricité fluo qui la caractérise. On la retrouve en survêtement neutre dans sa chambre pour une plongée intimiste et presque onirique révélant sa maladie, longtemps gardée secrète. Par ce joli jeu de mots, Mala Diva (Mauvaise Diva) lui rendant la « Vida Loca », elle la personnifie comme un double sans visage, comme un intrus s’immisçant chez elle et avec lequel elle doit composer. « D’où tu chantes sous ma douche, j’voulais pas d’coloc. T’as envahi ma bouche de tous tes médocs », confie-t-elle. Apprendre à prendre le temps.

Finalement, en abordant ce sujet tabou, en montrant le corps à nu grossi par le poids du foie, Thérèse continue d’explorer les sujets dont on n’ose pas parler, ou peu. Avec ces maux personnels, la chanteuse livre une sublime ballade mélancolique teintée de R’n’B – toujours co-composée avec Adam Carpels – arrachant larmes et frissons.

Diane Lestage

Martin Luminet – Deuil réalisé par Valerian Marguery et Martin Luminet

En septembre, Martin Luminet annonçait son futur premier album, avec une nouvelle chanson, Revenir. Il enchaîne avec un second titre, toujours en un mot : Deuil. Cette chanson n’aurait pas dû voir le jour, puisque le sujet en est une perte ou plutôt deux mêlées, la mort d’un être cher et la fin d’un amour. Et pourtant, Martin Luminet va puiser dans ce chagrin pour livrer une forme d’«  autopsie  » des sentiments, comme une confession dont la pensée se structure en musique. Ici, le visage du chanteur est capturé en noir et blanc, filmé en huis clos, le regard perdu dans le vague. On voit apparaître sur son visage des collages, comme autant de souvenirs reliés à son intimité dévoilée de l’image au texte.

Accompagnant cette cartographie visuelle de morceaux de vie, Deuil apparaît comme un morceau surprenant par sa complexité, divisé en plusieurs parties comme autant d’étapes de reconstruction, flirtant avec des sonorités rock, (basse/batterie) tandis que le texte y est scandé, répété, chanté – les dents évidemment «  serrées  » pour se relever. Les différents deuils deviennent des sublimations d’une pulsion vitale, d’une énergie libératrice, pulsée par les battements du cœur, dans un élan musical projeté vers l’avenir. Une date comme direction, celle de la sortie de l’album attendu : 10 février 2023.

Diane Lestage

Zaho de Sagazan – Les dormantes réalisé par Jacques Frantz

Le 25 novembre, c’est, en France et partout dans le monde, la journée de lutte contre les violences faites aux femmes. C’est également le jour où est sortie Les dormantes, la dernière mélodie de Zaho de Sagazan, accompagnée de son clip de papier, réalisé par Jacques Frantz. Dans son dernier opus, Zaho, autrice, compositrice et chanteuse originaire de Saint-Nazaire, y dénonce les rouages froids et pervers des amours ravageurs, «  vendu[s] à des sensibles par des putain de vicieux  ».

Jack Frantz rythme le poème par ses découpages, animés en stop-motion, tout de couleurs primaires, de noirs et de blancs, comme pour appuyer l’extrême dualité de cet amour qui ronge, qui fait mal, qui tue. C’est actuel, indispensable, à voir sur YouTube et à écouter sur toutes les plateformes de streaming, urgemment. 

Eglantine L’Haridon

Since Charles — Langueure réalisé par Théo Sixou

Since Charles n’est qu’un seul homme. Un homme qui nous transmet le sentiment éternel qu’est l’amour avec cette chanson, Langueure, en parlant du désir à l’adolescence. Ces premières effluves de cette sensation unique, Since Charles nous les procure à travers ses machines, ses synthés et ses paroles douces et tendres. Un mélange à la Muddy Monk ou encore Malik Djoudi, avec une certaine touche de Daho. Le clip nous enlace de ce premier regard qui ne trompe pas, ici on revit à l’infini avec les mots et les notes moelleuses de l’artiste. Un voyage intime qui sera complet avec la sortie de son premier EP, Portamento, prévu pour mars 2023.

Thomas Soulet

Flavien Berger – D’ici réalisé par Robin Lachenal

Flavien Berger revient avec un nouveau single poétique et sensible à la guitare à contre-temps dansante : D’ici là. Quatre ans après le surprenant et acclamé Contre-Temps, le trentenaire n’a pas chômé, entre B-O de film (Tout le monde aime Jeanne, 2022), des compiles de démos et autres instrumentales (De la friche, 2021 ; Radio contre-temps (2019) , ainsi que la composition d’albums avec d’autres artistes, comme celui de Pomme sorti en novembre. Mais ici, Flavien revient avec ce premier single annonciateur d’un troisième effort et tape fort dans un style où on le reconnaît bien.

Le clip, filmé en stop motion et dans un style délicieusement contemporain, nous emmène des quais du métro aux couloirs de la Maison de la Radio, en passant par les catacombes et ses nuits parisiennes, tout ça bercé par la musique colorée et rêveuse du musicien. On sifflote, comme dans ce morceau romantique, en se baladant dans la vie afin de faire passer le temps avant la parution de ce prochain bijou fleuri, attendu au printemps.

Thomas Soulet

Joesef – Just Come Home With Me Tonight réalisé par Luis Hindman

L’artiste écossais Joesef frappe encore fort de sa soul attendrissante avec son dernier single sucré, Just Come Home With Me Tonight. Cette balade portée par des bribes de violons et ce riff de guitare à la Snow Patrol nous emmènent dans le désir de l’artiste de ramener ses amants avec lui le soir. Le clip nous montre Joesef dans un club où il rencontre les lèvres d’un homme, tout d’abord par un échange de cigarette, puis finit par l’embrasser torridement dans une cabine téléphonique.Un titre incandescent et qui pousse au vice, car on y voit le musicien rentrer chez lui après cet échange brûlant, où son véritable homme l’attend.

Un single sur les désirs impulsifs et parfois incontrôlables, afin de nous rendre fous sur ce slow ardant. Encore un peu plus d’un mois à attendre avant la sortie très attendue de son nouvel album Permanente Damage, prévu pour le 13 janvier 2023.

Thomas Soulet

Rozi Plain – Help réalisé par Noriko Okaku

Des touches de harpe viennent épouser le battement d’un tambour régulier ; tandis que le saxophone de Cole Pulice mime les cordes ascendantes, les guitares jouent les accordéons rêveurs. Après Agreeing for Two, avec Alabaster DePlume et Kate Stables, et Prove Your Good, Rozi Plain nous livre Help, le troisième single en vue de la sortie de son prochain album PRIZE, le 13 janvier 2023.

Alors que la chanteuse anglaise triture et dissèque les émotions et la manière dont l’esprit les conceptualise, les synthés s’épanouissent et nous invitent à nous délecter du calme et de l’abstraction. Rozi Plain questionne le sentiment, mouvant, dont la nature est si éphémère. La production riche et texturée souligne habilement la difficulté d’articulation sentimentale à laquelle la musicienne s’attaque. Comme pour appuyer son propos, la vidéo qui accompagne le morceau, entièrement réalisée par Noriko Okaku, met en scène une main qui répète inlassablement le même geste de vouloir attraper une boule qui lui échappe sans cesse.

Saisir « le sentiment » est pour la réalisatrice un voyage intérieur, qu’elle cherche à matérialiser par le collage, la peinture et l’animation. Elle emprunte, adopte et recycle des images existantes pour explorer les diverses avenues de la perception, de l’éclectisme et de l’étrangeté qui sous-tendent les objets et les actions du quotidien. Sur un savant mélange, quoique difficile à cerner, de blues, de folk et de synthés expérimentaux, Rozi Plain pose une nouvelle composition intime à la fragilité magnétique.

Romane Fragne

Murgida – Mafia réalisé par Johan Rosigue

À mi-chemin entre Toscane et voie lactée, Murgida fait parler son univers avec le titre Mafia. Enivrant et ensoleillé, oscillant entre rap, pop urbaine et hip-hop, l’artiste prône la vie de château. Le clip, réalisé en images de synthèse par Johan Rosigue, nous plonge littéralement dans une campagne italienne paisible avant d’entrer de plein fouet dans divers éléments phares de la culture du territoire transalpin.

Avec Mafia, issu de son premier EP 3007, Murgida surprend. De la même manière que Michel et Pierre Demaere avant lui, Murgida détonne en venant inscrire sa singularité dans un milieu hypercodé en termes d’image et de musique.

Romane Fragne

Bolivard – Tout le monde réalisé par Bolivard

« Tu es comme tout le monde » : c’est comme d’habitude avec humour et distance que Bolivard nous appelle cette fois à faire preuve d’un peu d’humilité. Entre autodérision et un certain dramatisme qui semble parfois converger vers le nihilisme, c’est toujours difficile de savoir s’il déteste ou non ses contemporain·es  ; ce qui est certain en revanche c’est qu’iels l’obsèdent. 

Pour réaliser son clip, pas d’humain·es, Bolivard a confié toutes ses idées à l’intelligence artificielle : les logiciels Dall-E et Stable Diffusion, à qui il suffit de demander des choses, comme ici par exemple « Peinture hindoue de Jésus, Krishna et Mickey Mouse », pour obtenir ce qui ressemble à des tableaux ou des photos, plus ou moins absurdes, dans des styles complètement différents. Là aussi l’humour un peu grinçant est prédominant, cet enchaînement de toiles créant une ambiance de fin du monde, sur un rythme qui malgré tout nous donne envie de danser. Peut-être n’est-ce pas incompatible ? En tout cas, ce sera avec M. Bolivard, nom du nouveau personnage et titre de son nouveau mini-album à venir, le 27 janvier prochain.

Kevin Dufrêche

You may also like