CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2022 – « Les Huit Montagnes » : Le chemin de la vie

Le Otto Montagne © Pyramide Distribution
Le Otto Montagne © Pyramide Distribution

SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION Avec Les Huit Montagnes, Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen adapte le roman de Paolo Cognetti dans un film au lyrisme bouleversant. Une ode à la vie, à l’amitié, à la reconstruction.

Les Huits Montagnes est un film singulier, proposant trois duos d’acteurs qui incarnent successivement (et brillamment) le même rôle : deux hommes, amis depuis l’enfance. En quatre volets, l’histoire de Bruno et Pietro se délie. De leur enfance dans les montagnes d’Italie, innocente et heureuse, aux désillusions de l’adolescence, jusqu’à l’âge adulte, le spectateur plonge dans le récit de leurs chemins intimes et de leur amitié, bousculés par des rapports familiaux agités.

Au coeur de ces destins liés, se tient une promesse que les réalisateurs n’atteignent jamais vraiment. Reste comme une attente, l’expectative d’une éclosion qui n’arrivera jamais. Ce qui pourrait apparaître comme une promesse ratée est peut-être l’un des points les plus intrigants du film. En choisissant de ne pas clôturer toutes les routes qu’ils esquissent, les réalisateurs capturent quelque chose de plus vraie, de plus réaliste, et parlent finalement de la vie telle qu’elle est : pas un conte, mais bien une succession de chemins commencés, qui n’arriveront pas tous à destination.

Pourtant, le film ne perd pas en poésie, seulement en fluidité. Le chemin de ces deux hommes, au rythme de leur amitié et de leurs vécus, ralentit tout à coup pour garder les personnages à l’âge adulte, où le temps s’allonge. Bruno et Pietro portent le poids de leur passé, qui, comme suspendu après le deuil d’un père, se heurte violemment à la réalité. Les blessures et les choix qui alourdissent leurs pas paraissent subitement insurmontables, bloquant le récit dans une lenteur en opposition totale avec la première partie du film.

Un récit initiatique en plusieurs temps

Ce changement de rythme annonce un changement en profondeur des deux protagonistes, à l’heure où il paraît pourtant impossible d’aller de l’avant. C’est là l’attrait de ces Huits Montagnes : ce portrait sans concession de l’âge adulte comme l’héritage d’une enfance, entre joie et douleur, mais aussi comme la rupture avec ces années fondatrices au travers d’un voyage intime profond. Ce conflit intérieur, tout autant source de souffrance qu’il est la clé vers la (re)construction, est au coeur de Les Huit montagnes.

Les réalisateurs ont porté ce récit initiatique dans un écrin absolument splendide. À l’écran, l’image est parfaitement travaillée, chaque plan pensé comme un hommage à cette nature omniprésente, véritable palette de couleurs que les personnages traversent comme ils traversent la vie. La modernité de certains plans, mélange subtil entre les costumes d’époque et une mise en scène beaucoup plus contemporaine, est frappante. Cette dualité ancre les personnages dans une intemporalité certaine, donnant ainsi du relief à un récit résolument universel.

Les Huit Montagnes est débordant de beauté, comme si la nature toute entière accueillait ces deux personnages pour porter leur récit. Leurs chemins de vie se mélangent à leurs longues marches dans les montagnes, cette question toujours accrochée à leur pas : quel route choisir ? On ne peut qu’admirer le travail et le talent nécessaire à la réalisation d’un film au coeur d’une nature sauvage, indomptable, s’accordant pourtant parfaitement à cette narration lente et stratifiée. Une belle réussite visuelle, pleine de poésie, qui laisse sa marque dans les esprits.

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