CINÉMA

« Trois Nuits par semaine » – Le Jeune Homme et la Reine

Pablo Pauly dans Trois Nuits par semaine
© Pyramide Films

Trois Nuits par semaine est un premier long métrage doux et séduisant, réalisé par Florent Gouëlou. L’histoire d’une rencontre, puis d’un amour entre deux hommes, dans le milieu du drag français.

Photographe légèrement apathique, Baptiste (Pablo Pauly) vit en couple avec sa copine, Samia (Hafsia Herzi), depuis huit ans. Au cours d’une permanence de prévention contre le SIDA, il fait la rencontre de Cookie Kunty (Romain Eck), reine du drag parisien. Le coup de foudre est évident.

Regards entendus, introspection, tendres étreintes, obstacles extérieurs… Florent Gouëlou reprend, avec un plaisir non feint, les meilleurs ingrédients de la comédie romantique. Trois Nuits par semaine n’a certainement pas l’ambition de renouveler le genre – à l’exception de celui des amoureux. Légère variation sur thème que l’on pourrait trouver bien gentillette si le sort que réserve le cinéma aux romances gays ne relevait pas le plus souvent du drame.

Cookie Cunty et Pablo Pauly dans Trois Nuits par semaine
© Pyramide Films

Trois Nuits par semaine est donc avant tout l’histoire d’une rencontre amoureuse et d’un désir partagé. Si Baptiste, on le comprend à travers sa relation avec Samia, s’est construit comme hétéro, le réalisateur prend le parti de ne pas s’appesantir sur l’éveil du désir gay. Il ne s’agit pas pour autant de gommer l’homophobie, pas si latente, de la société française. Mais en ne faisait pas du coming out et du douloureux rejet de ce désir des passages obligés de sa romance, Florent Gouëlou s’émancipe de la forme du récit individuel d’émancipation.

Pour ce faire, il peut s’appuyer sur des personnages secondaires bien loin d’être de simples clichés. Samia, par exemple, à laquelle il sait rendre toute la complexité de la personne quittée. L’alliance amoureuse ne s’évanouit jamais vraiment – en tout cas, elle perdure au-delà de l’artifice de la rupture. Trois Nuits par semaine célèbre donc l’amour dans l’une de ses plus belles formes. Celle d’une alliance enthousiasmée et, surtout, enthousiasmante pour ceulleux qui entourent les protagonistes.

L’Art de la joie

Car le premier long du réalisateur est aussi un bel hommage rendu à la force du collectif. Grâce à Cookie Kunty, Baptiste découvre, fasciné, un monde auquel il ne connait rien  : celui du drag. Par ce procédé simple mais efficace, Florent Gouëlou entraîne les spectateur·ices dans cet univers plus si secret. La superbe image du directeur de la photographie, Vadim Alsayed, y sublime les corps tout en couleur et en lumière des reines.

Ce procédé immersif permet aussi au cinéaste de montrer l’envers d’un milieu où la confiance en soi relève plus de posture physique que de l’état d’esprit. Car Baptiste ne tombe pas seulement amoureux de Cookie Kunty, mais aussi de Quentin, le jeune homme derrière la reine. La construction narrative du film permet ainsi à son réalisateur de déjouer les risques de fétichisation des drag queens.

Cookie Cunty dans Trois Nuits par semaine
© Pyramide Films

Lui-même drag sous le nom de Javel Habibi, Florent Gouëlou s’emploie donc à rendre hommage aux artisan·nes de ce qui est un véritable art. Dans les coulisses, ce sont des hommes, des femmes, cis, trans, non binaires, qui créent des espaces pour de grands moments de célébration de ces identités queers.

Pour autant, Trois Nuits par semaine n’oublie pas les violences homophobes, les rivalités et autres réalités brutales dont sont victimes toustes celleux qui s’éloignent de la norme hétéro, blanche et patriarcale. Mais Florent Gouëlou nous offre un ensemble de représentations en forme de contre point, dont la portée politique ouvre un réjouissant espace d’espoir  : en célébrant la joie d’un collectif traversé de toutes ces différences, ce n’est plus du sang mais bien des paillettes qui tomberont du sceau, comme le suggère la reprise que fait Florent Gouëlou de cette scène célèbre de Carrie (Brian De Palma, 1976).

Retrouvez les photos de tournage réalisées par Calypso Baquey, du 4 au 24 novembre à la Galerie Cinéma à Paris.

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