LITTÉRATURE

« Les gens de Bilbao naissent où ils veulent » – L’épopée des origines de Maria Larrea

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent
© éditions Grasset

Premier roman au ton singulier et plein d’autodérision, Les gens de Bilbao naissent où ils veulent raconte la quête de son autrice, la scénariste Maria Larrea, pour retrouver sa famille biologique.

D’un côté, il y a Victoria. Abandonnée puis reprise par sa mère biologique, cette jeune femme d’une grande beauté grandit difficilement en Espagne franquiste. Un jour, elle rencontre celui de l’autre côté, dans un bar, Julian, un jeune homme charismatique, lui aussi. Comme Victoria, Julian souffre. Sa mère est une prostituée, elle n’a pas souhaité l’élever. Elle le méprise et il le lui rend bien. Alors, pour mieux faire face au destin, Julian et Victoria s’enfuient ensemble. Ils quittent la mère prostituée de Julian et le père incestueux de Victoria, se marient, croient en leur chance, désirent un enfant. C’est à ce moment-là qu’intervient Maria, notre narratrice. Ses parents veulent un bébé mais, malgré leurs nombreuses tentatives, ne peuvent pas en avoir. Il faudra trouver un autre moyen. Quarante ans plus tard, à quelques milliers de kilomètres du Bilbao natal de ses parents, Maria, adulte et diplômée de la Fémis, se fait tirer les cartes. Elle apprend qu’elle a été adoptée. Une onde de choc, qui va la mettre sur la route, en quête de ses origines.

Ce premier roman au style singulier – Maria Larrea parle avec une franchise désarmante de ses « tarés » de parents – prend une forme hybride. On s’attend au début à lire une autobiographie familiale, sur la trajectoire de ces deux immigrés, nés au milieu de l’Espagne franquiste et débarqués en France pour reprendre une nouvelle vie, leur bébé sur les bras. Mais Maria Larrea surprend. Il y a sa franchise. La quadragénaire, scénariste et diplômée de la section réalisation de la Fémis, se crée sa propre langue, drôle et pleine d’autodérision. Avec sa carrière « au point mort » (elle enchaîne les propositions de films mais ne parvient pas à se faire financer), ses deux fils et sa « coupe de cheveux à deux cent balles », Maria bascule lorsqu’elle apprend qu’elle a été adoptée. Le roman aussi. Maintenant que tout son monde est bouleversé, l’autrice part en quête de réponse. Et ce qui semblait être un banal récit d’autofiction prend soudainement des airs d’enquête policière. Mais d’où vient donc le bébé ?

Enquête à rebondissement, récit comico-burlesque, réflexion sur ce qui fait la famille (le sang ou les liens affectifs ?), l’autrice emmène son lecteur, séquence par séquence, dans ce récit assez convenu sur le fond, mais novateur sur la forme. Maria Larrea parvient à trouver une voix, et à se faire entendre dans le tumulte des cinq cent livres parus en cette rentrée littéraire. On n’en attendait pas moins de la scénariste, qui réussit admirablement son transfert en littérature.

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent de Maria Larrea, éditions Grasset, 20 euros.

Journaliste

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