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« Fantasmagoria » – Séance de spiritisme

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Philippe Quesne, ancien directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre récemment nommé à la Ménagerie de Verre, signe une série de trois spectacles dans le cadre du Festival d’Automne à Paris (Cosmic Drama, Fanstasmagoria et Le chant de la terre). Au Centre Pompidou, il présentait Fantasmagoria, une variation sur les attractions visuelles populaires crées par Etienne-Gaspard Robertson au lendemain de la Révolution. 

Il y a parfois des coïncidences qui amusent. En ce moment à Paris, trois oeuvres sont crées autour de pianos jouant tous seuls. A la Collection Pinault, on peut découvrir le Take Over d’Anri Sala, une oeuvre filmée dans laquelle s’entrecroise sur un piano les airs de La Marseillaise et de L’Internationale. Au même endroit, quelques étages plus haut, My room is another fish bowl de Philippe Parreno fait aussi la part balle à un piano mécanique (et des ballons de poissons gonflés à l’hélium). Au centre Pompidou, c’est donc Philippe Quesne qui investit l’espace avec Fantasmagoria et pas moins de quinze pianos. On se contentera de constater cette redondance plutôt rigolote et on vous épargnera une analyse sur la portée métaphysique éventuelle de ces instruments livrés à eux-mêmes…  

Dans la création de Philippe Quesne, les pianos sont les seuls «  acteurs  ». Le metteur en scène s’est inspiré des Fantasmagories créées après la Révolution qui plaçaient le public face à des illusions d’optiques. À l’époque, la mode est au spiritisme et on aime jouer à se faire peur dans les premières fêtes foraines. On pourrait dire que c’est là que débute le «  théâtre d’image  » qui laisse de côté les acteurs et les intrigues au profit des machines et des effets visuels qu’elles sont à même de produire. Sur scène donc, des amplis et quinze pianos plus au moins déglingués. Par moment, une voix qui semble tout droit sortie d’outre tombe et aux propos mystérieux. À d’autres moments, des squelettes en 3D envahissent la scène, entreprenant un ballet macabre, mais pas morbide. 

Pas de prise de risque 

L’idée de départ est intéressante. Dans notre société, qu’on dit (trop) pleine d’images, il y a effectivement quelque chose à proposer au public, une manière de le déstabiliser en créant des effets visuels. Malheureusement, Philippe Quesne reste trop timide dans les outils utilisés. Certes, il se sert de technologies plus modernes qu’aux XVIII ou XIXᵉ siècles, mais les images conçues sont en revanche assez similaires. 

Les Fantasmagories de l’époque fonctionnaient car le public était réellement surpris par ce qu’il voyait. Même s’il se doutait qu’il y avait des «  trucs  », ceux-ci n’étaient pas apparents, ce qui créait le frisson. Ici, tout est visible, en particulier les nombreux projecteurs utilisés. On regrette que Philippe Quesne n’aille pas chercher des technologies plus sophistiquées ou des effets de scène plus élaborés. Les pianos jouent tous seuls, certains prenant feu et d’autres fuyant, mais tout demeure très mécanique et ne parvient pas vraiment à créer la poésie recherchée. 

Seule la fin du spectacle, plus rythmée et audacieuse, séduit. Et fait regretter la retenue des cinquante minutes qui précèdent. On est quand même heureux de retrouver Philippe Quesne dont le départ des Amandiers de Nanterre s’était fait dans des conditions difficiles. On attend avec impatiences ses premières propositions en tant que directeur de la Ménagerie de Verre. 

Fantasmagoria de Philippe Quesne, à Annecy leu 16 au 19 novembre 2022, à Zurich du 22 au 26 février 2023 et à Roubaix les 2 et 3 juin 2023. Durée : 55 minutes. Spectacle en français.  

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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