LITTÉRATURE

« Vieille fille » – Une vie à soi

Vieille fille
© éditions La Découverte

Vieille fille dans son livre et à la ville, la journaliste Marie Kock mêle récits intimes et recherche documentaire sur cette figure repoussoir du patriarcat. Une exploration sensible de ce que pourrait être la vie des femmes.

Marie Kock a eu 38 ans cette année. Elle est journaliste. Comme Mona Chollet, journaliste et autrice d’un ouvrage sur les sorcières, qu’elle réhabilite comme de grandes figures féministes, Marie Kock se définit plutôt comme une midinette. C’est-à-dire qu’elle a longtemps attendu l’amour. Et compris, tardivement, que cette relation avec un homme dont elle avait toujours rêvé n’arriverait pas. Marie Kock est une vieille fille.

Dans ce récit, qui alterne anecdotes personnelles et recherches quasi universitaires sur la figure tant honnie de la vieille fille, l’autrice dresse un bilan d’étape de ce que signifie, en 2022, être une femme seule. Il y a les loyers et les vacances qui sont très chers pour le budget d’un individu qui ne peut pas les partager avec quelqu’un, la certitude que si elle meurt, emportée par le courant dans une des calanques de Marseille, personne ne sera là pour donner l’alerte. Et puis il y a la liberté. Une forme d’aliénation que l’on s’évite, du temps pour soi, un autre rythme de vie, dans lequel le surmenage permanent et l’oubli de soi ne sont pas la règle.

« Moi, je n’ai pas envie de demander moins. De renier mes standards élevés, presque impossibles à atteindre. Parce que sinon, à quoi ça sert ? En vivant seule longtemps, j’ai appris à être ma meilleure compagne. À être indépendante, à me respecter, à m’aimer. Je ne suis plus dans l’attendre d’être complémentée. Je suis déjà entière. »

Marie Kock, Vieille fille

Chemins de traverse

La figure de la sorcière se voulait subversive, celle de la vieille fille est absolument révolutionnaire. Dernière née détestée du patriarcat, elle est haïe parce que profondément improductive. La vieille fille ne remplit pas son rôle de femme – n’enfante pas et n’est la femme de personne -, capte un héritage qui ne sera pas transmis.

Autant de données intolérables pour la société libérale qui s’amorce dès le XIXe siècle, où les jeux d’héritage dessinent déjà la société capitaliste à venir. Intolérable également parce qu’une femme sans homme est une femme qui n’a pas de valeur.

Et pourtant, ce qui se dessine en filigrane de chacune des anecdotes égrainées dans l’ouvrage, c’est l’incroyable richesse de son autrice. La journaliste, dont le temps libre l’oblige à méditer sur le sens de l’existence, multiplie les expériences, apprend à se connaître, à s’écouter, pour atteindre une forme de sérénité rare, celle de ceux qui savent vivre seuls. Arrêter de chercher un homme, en sus d’être «  une révélation », comme le dira l’autrice, c’est aussi commencer à se chercher soi, à réfléchir à ce que l’on aime, et aux voies que l’on désire emprunter.

Le hashtag #MeToo vient de fêter ses cinq ans, seulement cinq ans, et les oeuvres féministes continuent de gagner du terrain, en librairie et ailleurs. Autant de livres comme autant de chemins nouveaux à emprunter, à mille lieues d’un modèle familial éculé qui a toujours oublié les femmes. Espérons que de nombreuses autres autrices et lectrices explorent ce chemin si prometteur.

Vieille fille de Marie Kock, éditions La Découverte, 19 euros.

Journaliste

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