MUSIQUE

« The Car » – The Rise and Fall of Alex Turner and his Arctic Monkeys

The Car
Crédits Matt Helders

Comparés ici à Ziggy et ses Spiders from Mars de David Bowie, les Arctic Monkeys reviennent avec leur très attendu 7ème album The Car. Un album aux effluves bowiesques et à la perfection presque trop frappante qui a chamboulé la rédaction.

Alex Turner n’a jamais aussi bien chanté. Cela semble bête à dire, mais c’est pourtant central sur ce nouveau disque. Pour la première fois de l’histoire du groupe, il n’y a quasiment pas d’effet sur sa voix. Elle est pure, classe, fragile parfois, aiguë souvent. Et là où Alex Turner, entraînant alors tout le groupe avec lui, avait tendance à en faire trop, c’est désormais la justesse qui domine : justesse de la voix, des arrangements, des choix, rien n’est de trop, tout est dans le bon tempo. Si Alex Turner reste la star, il est cette fois à l’exacte bonne place. Leur producteur historique James Ford, quasiment le cinquième membre du groupe, n’y est pas étranger. Et puis le lien de parenté avec David Bowie déjà perceptible sur l’opus précédent est désormais une évidence. C’est même un hommage sur I Ain’t Quite Where I Think I Am qui semble débarquer de l’époque Young Americans du maître britannique.

Comme chez Bowie, le cinéma est omniprésent dans leur musique et plus que jamais sur ce disque : Sculptures Of Anything Goes pourrait être la chanson d’ouverture d’un James Bond ; The Car semble tout droit sortie d’un western ; Big Ideas semble emprunter des pièces sur la voiture de Ramin Djawadi, compositeur de la bande-originale de la série Westworld ; sans oublier qu’Alex Turner est passé derrière la caméra en réalisant le très joli clip de There’d Better Be A Mirrorball.

Seul bémol : cet opus est sans aucun doute trop sage. La seule véritable explosion a lieu sur le génial Hello You mais on en voudrait plus. Comme leur idole affichée David Bowie, qui semble être partout sur ce disque, les Arctic Monkeys vont devoir à nouveau se réinventer. Le coup des balades sixties enrobées de cordes à tomber par terre est magnifiquement réussi, mais il ne marchera pas une fois de plus. Mais y aura-t-il seulement une fois de plus ? The Car laisse un drôle de goût, une étrange sensation, qui ressemble à un au-revoir. « So if you wanna walk me to the car / You oughta know I’ll have a heavy heart  », « Alors si tu veux m’accompagner à la voiture / Tu dois savoir que j’aurai le cœur lourd » chante Alex Turner dans le titre d’ouverture de The Car. Cette voiture, il y monte seul.

Kevin Dufrêche

Les Arctic Monkeys évoluent et muent encore une fois. Toujours dans la veine de leur dernier opus Tranquility Base Hotel & Casino sorti en 2018, les musiciens d’Alex Turner nous délivrent un album sublime orchestré au diapason. Piano, guitare wah-wah, orgue, orchestre de cordes, envolée lyrique de voix de tête par Mr Turner, The Car transcende la musique de cette nouvelle décennie par sa perfection. Dès les premières notes de ce 7ème opus, nous ressentons que le voyage sera magique.

Avec There’d Better Be A Mirrorball, premier titre de l’album, nous sommes transportés dans cette romance déchue portée par les cordes dignes de la bande son d’un James Bond. Puis une funk soul cintrée entre en jeu avec des riffs de guitare wah-wah, comme sur I Ain’t Quite Where I Think I Am, ou encore le groovy et lancinant Jet Skis on the Moat. Un style rempli de nouvelles curiosités qui s’essaye à la musique des années 70. L’album AM n’est tout de même jamais très loin, comme on peut l’entendre dans la sombre Scultpures Of Anything Goes, où les synthétiseurs aux notes graves et ténébreuses font face aux envolées de tête du frontman, nous rappelant presque le sublime I Wanna Be Yours.

On le sait, Alex Turner est un vrai parolier et sur ce nouvel effort il ne déroge pas à la règle. Aucun refrain, juste les contes emplis de romances et d’amertume de père Turner, sublimés par le travail du 5ème singe, leur producteur James Ford. Puis la référence à Bowie devient de plus en plus flagrante, que ce soit dans les intonations de voix du chanteur, dans les paroles de la balade acoustique Mr Schwartz où l’on entend « Smudging dubbin on your dancing shoes », ou encore sur le parfait Body Paint où le temps de deux accords au milieu de la chanson, on entendrait presque Moonage Daydream de Ziggy. Il est clair que les influences du caméléon Bowie ont eu leur importance dans la création de ce nouveau bijou.

L’album ne décolle jamais vraiment, aucun tube distinct, juste une longue promenade ou virée en voiture parsemée de moments beaux et délicats. « It’s been a thrill » (Ce fut un plaisir ) comme chantera Alex Turner sur Big Idea, l’un des titres les plus brillants de ce 7ème effort, presque comme un au-revoir. Un album qui prendra de l’ampleur avec le temps et qui marquera l’histoire du groupe, où l’on finira par se rendre compte comme sur l’ultime morceau de The Car « It makes perfect sense ».

Thomas Soulet

Le bassiste Nick O’Malley nous avait prévenus : « Ce n’est définitivement plus seulement quatre personnes qui jouent de la musique indie. » Dès les premières mesures de There’d Better Be a Mirrorball, le ton est donné. L’atmosphère feutrée est posée par la cymbale jazz et les violons qui composent l’orchestre présent tout au long de ce septième album. L’absence de ligne de basse éminente et de riff à la guitare donne, après s’y être habitué, un fond sonore idéal pour se délecter des textes poétiques de Turner. 

Sur fond de thème dramatique, un Alex Turner transformé en crooner existentialiste dissèque l’amour et la vie de rock star. Nous sommes saisis. La plupart des chansons de The Car dégoulinent de violons et de violoncelles qui s’épanchent, en exprimant tour à tour chagrin d’amour, regret et mélancolie. Un tournant artistique est définitivement pris, et vient séparer pour toujours le tumultueux Tranquility Base Hotel & Casino de The Car.

À la première écoute, les ballades, composées par Turner en piano solo puis suavement emballées de cordes, se succèdent sans qu’aucune mélodie distincte n’émerge vraiment, au risque de paraître répétitives d’un titre à l’autre. Il faut un peu de persévérance et quelques replays pour finir par s’attacher aux subtilités qui émanent de ce nouvel album, impeccablement réalisé. Les effusions rock laissent place à un climat truffé d’inspirations (parfois cinématographiques) ; à commencer par le titre éponyme The Car, qui, empruntant directement au western spaghetti d’Enrico Morricone, nous emporte avec lui sur les terres arides et sauvages de l’Ouest américain. 

Des notes de falsetto rappelant David Bowie à Big Ideas et son orchestration déchirante, librement inspiré du tube gainsbourien Initials B.B, il y a dans cet album de multiples flashs et références aux inspirations artistiques des AM. L’identité de chaque piste de l’album semble être entourée par un ensemble de cordes vite rattrapées par des instruments électriques, qui s’effacent pour laisser place à la voix lounge de Turner. 

On ne peut manquer de s’attarder sur les textes, d’autant plus que le chanteur britannique, fidèle à sa plume, continue de nous enivrer avec des paroles regorgeant de virelangues. Il écrit ainsi des chansons ouvertes à l’interprétation, souvent obtuses et riches, parfois frôlant l’insondable. The Car incarne un nouveau paysage musical superbement orchestré, défie les attentes et arrive (encore) à nous surprendre, en nous offrant  certaines des performances vocales les plus abouties et renversantes de la carrière d’Alex Turner.

Romane Fragne

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