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Rencontre avec Bibi Club : « On sculpte la musique »

Bibi Club par Dominic Berthiaume

Nous avons rencontré Adèle et Nico sous le nom de scène Bibi Club. Le duo tout droit du Québec a sorti sont premier album Le Soleil et la Mer, un disque chaleureux, doux et qui rassemble. Un écran et quelques heures de décalage nous séparant, nous avons parlé de l’univers du groupe.

Comment allez-vous depuis la sortie de l’album ?

Adèle : Ça va bien, on a des super bons retours sur l’album, on a des petits mots qui nous touchent. J’ai l’impression que cet album résonne autour de nous, donc ça fait vraiment plaisir qu’il soit lâché dans l’univers.

Nico : On a hâte de jouer aussi, de faire des concerts parce qu’on se sent bien, on en a qui arrive tranquillement. Sentir les gens, la réaction des gens à la musique quand on la joue, c’est quelque chose qu’on a hâte de faire.

Quelles sont les prochaines dates ?

Nico : C’est pas encore annoncé mais on va être au MaMA à Paris début octobre. On a des shows en France un peu en octobre à Dijon, à Grenoble. On se promène, on fait des premières parties et des shows. On joue vendredi à Québec et puis à Montréal dans le festival qui s’appelle Pop Montréal. On fait comme un concert de lancement le 29 septembre ici.

Ça va être la première fois que vous défendez l’album en concert ?

Nico : Depuis qu’il est sorti oui, on a eu la chance de jouer plusieurs de ses chansons en concert dans la dernière année. On est venu à Paris en avril, on a joué dans une des soirées que les Inrockuptibles ont fait à la Boule Noire, c’était vraiment cool parce qu’on jouait entre deux artistes de Paris. Personne ne nous connaissait, tout le monde était dans le fond de la salle quand on a commencé et on a vraiment réussi à convaincre des gens à la fin. C’est quand même cool d’avoir cette réaction là, d’être un peu les « Underdog » et puis de réussir à convaincre les gens, réussir à les capter c’est génial. 

Est-ce qu’il y a une différence entre la scène française et celle québécoise ?

Adèle : Depuis que notre projet existe on a fait qu’un spectacle en France donc c’est difficile de vraiment savoir mais je pense que si on se base sur cette seule expérience là, comme le dit Nico, c’était hyper rafraîchissant pour nous de performer devant une salle complètement inconnue, donc de sortir des sentiers habituels ou juste devant les amis la famille les connaissances. Ça nous permet de nous re-définir aux yeux de quelqu’un. C’est rafraîchissant aussi pour le projet, je pense que pour la suite ça va être très enrichissant de pouvoir se promener dans des villes où l’on n’a jamais joué. Il y a vraiment de la fraîcheur, il y a du renouveau donc je suis super excitée. 

Nico : On essaie tout le temps de jouer le mieux possible devant les gens, d’essayer de provoquer des émotions, des feelings. Je ne sais pas à quel point les publics sont différents d’un lieu à l’autre mais en tout cas là tout le monde était chaleureux. Il y avait des gens qui nous parlaient après le concert, c’était intéressant de voir comment ils voyaient notre musique, les références qu’ils nous donnaient. C’est toujours cool parce que même si on est tous liés maintenant grâce à l’accès à l’information rapidement, il y a quand même quelque chose qui se passe où les gens physiquement s’influencent entre eux aussi quand il y a une proximité réelle et non juste virtuelle. 

Comment réagissez-vous par rapport aux influences que les spectateurs, les journalistes, vous donnent ?

Nico : J’essaie de rester ouvert, en général. Je trouve ça assez positif pour le moment, les références. Parfois ce sont des artistes que l’on ne connaît même pas. C’est intéressant d’aller les découvrir puis de voir ce qu’ils ont vu dans cette référence là mais je pense que lorsque tu lances un album ou que tu joues ou que tu présentes ta musique, il y a quelque chose qui ne t’appartient plus d’une certaine façon. C’est vraiment nourrissant d’avoir le retour des gens de comment eux perçoivent, ça devient plus grand que toi.

Parfois, je donne des références à des groupes et ils me disent qu’ils n’y avaient vraiment pas pensé du coup je me demande s’ils le prennent toujours bien ou pas. 

Adèle : Je pense que c’est signe que c’est relatif à chacun aussi la réception de la musique, c’est comment tu l’écoutes toi, comment tu la ressens. On peut donner des références mais au final tant qu’on a un regard positif, chacun a le droit d’avoir ses propres références. C’est très personnel.

En général quand c’est un spectateur ou quelqu’un qui a écouté ton album qui donne des références, souvent s’ils vont jusqu’à te les donner et t’en parler c’est souvent avec enthousiasme. C’est assez dur de voir ça comme quelque chose à négatif parce que s’ils ont pris la peine de venir en parler, c’est qu’ils sont excités par ce qu’ils entendent et que ça a raisonné en eux. 

Qu’est-ce que c’est Bibi club, pouvez-vous me raconter l’histoire ?

Adèle : On cherchait un nom de projet, il y a quelques années. On a des enfants à la maison, le soir après avoir mangé, souvent dans la routine on met de la musique dans le salon. Les enfants dansent, on danse ensemble. Ils se déguisent, il y a comme une fête qui se crée malgré nous, une espèce de moment où tout le monde sort le fou qui est en lui. Un soir, on était chez nous et je suis allée dans notre chambre à coucher pour avoir un petit moment à moi parce que j’avais besoin de calme. Finalement, il y a eu quelque chose de très beau d’entendre au loin dans le salon toute cette espèce de chaos festif. Entendre les enfants chanter ce chamailler tout ça, c’était très beau et puis ensemble, on en a parlé avec Nico. On essayait de trouver des noms et Bibi ça fait référence au petit mot affectueux en arabe qui veut dire « chéri ». Ma tante qui est marocaine m’a toujours appelé comme ça quand j’étais jeune tout ça donc ça fait partie de mon vocabulaire. J’appelle les gens que j’aime mes « bibis ». Le Club, je pense que c’est pour faire référence à notre clan à la maison. C’est notre petit clan de tous les jours avec qui je partage mon quotidien, avec qui je vis pleins d’émotions. Le Bibi Club c’est notre petit clan.

Nico : Il y a un côté communauté qu’on aimait bien. C’est un peu comment on vit notre vie au quotidien. 

C’est un projet assez intime du coup, vous partagez votre vie au quotidien et vous le présenter à des inconnus, est-ce que c’est compliqué ?

Nico : Ce n’est pas si compliqué. Ça fait longtemps qu’on fait de la musique ensemble même avant d’être un couple et la musique fait vraiment partie de notre vie. C’est vraiment pas difficile pour nous de travailler ensemble sur la musique. Ça a toujours été très naturel au niveau de la composition. C’est certain que l’album a un aspect très intime parce qu’on l’a appelé Le Soleil et la Mer. Pour nous c’était quasiment plus un lieu dans notre imaginaire qu’un lieu réel, c’est venu pendant la pandémie d’être tout le temps ensemble. Puis dans le quotidien pour nous, le soleil et la mer c’est la lumière.

L’album parle de ce qui était beau dans notre quotidien, il y a quelque chose de très quotidien dans les paroles, de proximité. Je pense que ce quotidien là résonne chez les gens. Il nous le renvoie mais on dirait qu’il nous en parle par rapport à leur perception et ce que ça leur amène donc il y a quelque chose qui n’est pas envahissant. Ça crée justement un esprit de communauté, le feedback qu’on a par rapport aux paroles ou à album c’est comme si ça résonnait dans une espèce de weird tension entre deux mondes.

Il y a quelque chose d’un peu inexplicable. Donc ce n’est pas envahissant. On arrive à, dans la mesure du possible, séparer le quotidien et la scène. Je trouve ça touchant quand les gens sont touchés par des trucs qui nous concernent. 

L’art plastique a une place importante dans votre projet, avec beaucoup de texture par exemple sur la pochette d’album. Pourquoi est-ce aussi omniprésent ?

Adèle : C’est intéressant, depuis qu’on écrit ce projet-là, le visuel a un apport très important. Le projet a démarré en étroite collaboration avec une amie, une artiste visuelle, c’est d’ailleurs, elle qui a fait la pochette de l’album. Elle s’appelle Megan Vogel, elle a été super et très importante dans le démarchage de ce projet-là au tout début parce qu’elle avait un œil très sensible face au projet puis elle nous a permis aussi de toujours de ramener le visuel. Le visuel est hyper important.

Nico : Sur la pochette, c’est une photo d’Adèle quand elle jouait dans des groupes qui faisaient des cover de Metallica lorsqu’elle jouait de la batterie. On a envoyé cette photo à Mégane et elle est revenue avec quelque chose de plus texturé. Je pense que ça résonne vraiment avec la musique. Notre façon de faire de la musique à un côté un peu art and craft où l’on sculpte la musique, on essaie de garder ça simple en ayant une profondeur. Comme tu disais des textures, il y a vraiment un lien entre le visuel et la musique à ce niveau-là.

Ce qui est lumineux peut cacher quelque chose de plus sombre derrière, lier à la nostalgie ou la mélancolie. Au niveau des vidéos, on a travaillé avec Léa Taillefer qui a fait tous nos clips vidéos. Elle tourne juste avec des pellicules donc là encore, c’est tout le temps une question de chance pour le moment du clip, c’est tellement cher la pellicule que tout est semi réfléchi, instinctif. Je pense aussi que c’est un projet dans lequel il y a beaucoup de femmes impliquées, à part moi à tous niveaux. Cet aspect là, je trouve qu’il pourrait être chez n’importe quelle personne mais il y a quelque chose chez Léa, Mégane et Adèle ont un aspect très instinctif dans leur façon de travailler.

C’est comme une espèce de mélange entre instinct et réflexion. En plus Adèle avait étudié en art plastique !

Adèle : C’est intéressant que tu amènes ça. Je n’avais jamais vraiment réfléchi au côté plus arts plastiques, comme tu dis, je trouve intéressant. 

Nico : Mais ça fait définitivement parti de notre vocabulaire quand on travaille en studio de parler de textures, ça part d’un feeling finalement mais avec ça justement, tu le sens instinctivement.

Le titre de l’album Le Soleil et la Mer sont des éléments aussi qui existent vraiment ce ne sont pas des concepts. On connaît le soleil, on connaît la mer.

Nico : C’est un truc, quand on travaille les chansons, les paroles et quand on fait les prises de voix dont on est vraiment conscient. Ça fait du sens avec la façon qu’elle a de chanter les paroles. Il y a pas de métaphore ou de tournure de phrases complexes en général, il faut que ça soit direct même dans le son. On essaie de ne pas cacher la voix derrière des tonnes d’effets, c’est quelque chose qu’on essaie volontairement de rendre très direct dans la musique.

Adèle : Très art plastiques ! 

Nico : Quand on comprend quelque chose on peut arriver à lui donner une résonance plus grande. Quand tu racontes ce qui se passe dans ta cuisine le matin, il y a quelque chose que tout le monde comprend, ça peut raisonner et donner une espèce de sous-texte plus fort. C’est quelque chose de plus universel.

Oui, ça n’aurait pas de sens de parler de choses du quotidien qui sont simples et de d’apporter pleins de fioritures.

Ensemble : Mais peut-être pour d’autres !

Comment en êtes-vous venus à la musique ?

Adèle : En fait, la musique existait déjà au moment où j’étudiais l’art plastique, ça a été une façon pour moi au niveau scolaire d’essayer de me mettre ranger ailleurs parce que je n’étais pas trop certaine de vouloir faire de la musique dans la vie de façon professionnelle. Je me posais des questions à ce moment-là, j’étais encore jeune mais la musique fait partie de ma vie depuis que je suis né. J’ai des parents musiciens qui m’ont donné le goût, la curiosité de la musique donc de façon professionnelle, la question s’est posée plus tard mais j’ai fait de la musique toute ma vie. 

Nico : J’ai toujours aimé la musique mais je pense que ça vient de l’école au secondaire, l’école entre 12 et 17 ans. Je pense peut-être aussi de jouer de la musique avec les amis dans les groupes. J’ai décidé de continuer à étudier en musique. J’ai étudié en jazz puis j’ai terminé en électro-acoustique qui m’a permis de comprendre mieux l’enregistrement. Ça fait partie de ma vie, c’est un langage que je comprends, j’essaie de rendre mon langage le plus unique possible, c’est quelque chose qui fait du sens.

Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?

Adèle : Tellement de choses !

Nico : Dans la dernière année, j’ai beaucoup aimé l’album de Dry Cleaning. On est allé les voir en show. C’est étrange parce qu’il y a comme un mélange de références hardcores en guitare, d’un bassiste qui a l’air de jouer dans Motorhead mais aussi la voix de cette femme-là, super lumineuse. C’est quelque chose de très accessible en même temps stimulant si tu vas creuser plus « deep » dans la musique.

Adèle : On écoute beaucoup de jazz 

Nico : Moi j’ai découvert MoOre Mother que je connaissais pas qu’une artiste américaine qui a sorti un album vraiment cool cette année, c’est comme du jazz pour spoken word mais vraiment ouais contemporain, il y a comme tout un travail aussi sur l’histoire des Afro-Américains tout ça, il y a beaucoup de layer dans son travail puis très communautaire aussi. J’ai beaucoup aimé L-Rain. 

Adèle : Elle vient de Brooklyn. Encore là, il y a plein de références culturelles dans sa musique, des arrangements vraiment impressionnants. 

Nico : C’est un disque sur le deuil qui va par moment dans les moments très dark mais c’est aussi très lumineux dans la voix et dans sa façon d’interpréter les chansons. C’est vraiment rafraîchissant comme musique, c’est vraiment unique. Je n’ai pas l’impression d’avoir entendu ça souvent avant. En général on est attiré par les trucs uniques et en même temps on écoute beaucoup de Stereolab chez nous, on adore ! 

Adèle : Ça revient beaucoup !

Nico : C’est de la bonne musique lorsque tu fais manger ou que tu es avec des amis d’ailleurs !

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