En ouverture de la 28e édition du Festival du film de Lama, l’acteur et réalisateur Louis Garrel a présenté le 30 juillet 2022 son nouveau film, L’Innocent. Plus qu’une simple comédie, le long-métrage agrège plusieurs genres, et aboutit à une proposition originale et sensible.
Corse par alliance, d’un village l’autre, Louis Garrel a semble-t-il apprécié l’invitation à venir présenter son nouveau film au Festival de Lama et ses projections substellaires. L’équipe de l’évènement a choisi cette année encore d’ouvrir l’édition avec une comédie ; du moins un film qui a fait rire les spectateurs de La Piscine, l’un des trois sites de projection du festival.
Une seule étiquette serait en effet trop peu suffisante pour cette œuvre qui embarque rapidement le public. Les dialogues, rythmés et burlesques, donnent immédiatement un ton théâtral au film. Les personnages, archétypés, rappellent le vaudeville.
Le fils, Abel, interprété par Louis Garrel, lassé et suspicieux, s’inquiète pour sa mère Sylvie (Anouk Grinberg) qui s’est pour la énième fois entiché d’un ex-détenu, Michel (Roschdy Zem) et s’est mariée avec lui en prison. Il cherche alors secours et conseils auprès de sa meilleure amie, Clémence (Noémie Merlant), qui semble bien plus intéressée par sa vie sexuelle et sentimentale.
Un film de braquage
Abel se méfie de ce repenti trop parfait, qui promet à sa mère un apport financier des plus honnêtes pour l’ouverture de leur boutique de fleuriste en plein cœur de Lyon. En cherchant comment tourner hors de la capitale qu’il connaît trop bien, Louis Garrel a choisi la capitale des Gaules pour ses rues et ses reliefs qui se prêtent bien à l’intrigue crapuleuse de son film.
L’acteur et réalisateur le reconnaît volontiers : au départ, il souhaitait faire un film de braquage. C’est en partie cet univers que l’on retrouve aussi dans le film, au fur et à mesure des filatures d’Abel. Parfois aidé de sa comparse évidemment maladroite Clémence, il fouille les affaires de son nouveau beau-père, le suit au café ou sur son lieu de travail et surprise : il travaille.
Dans la mise en scène, Garrel mêle assez subtilement les comiques de situation et les procédés des films policiers : le split screen, les plans rapprochés lors des filatures. À ce propos, le réalisateur assume avoir évidemment eu en tête Vertigo d’Alfred Hitchcock lors du tournage des scènes.
L’Innocent ou Ocean’s 69
L’intuition d’Abel semble être la bonne ; mais dans le même temps, il se rend bien vite compte qu’il pourrait être intéressé par ce que manigancent Michel et ses complices. Une intrigue se dessine alors autour du caviar beluga iranien. Une thématique qui serait venue à Louis Garrel en entendant des histoires de malfrats dans quelque bar corse.
Au-delà du mythe, l’inspiration de ce long-métrage est surtout biographique. La mère de Louis Garrel, Brigitte Sy, a animé pendant une vingtaine d’années des ateliers de théâtre en prison. C’est d’ailleurs sur un atelier de ce type que le film démarre et lance le récit très rythmé de cette rencontre entre Abel et Michel.
L’une des réussites de ce film, mais aussi une partie de l’explication du bon fonctionnement de son ressort comique, se trouve dans le casting, plutôt à contre-emploi. Roschdy Zem et Louis Garrel sont plus habitués des registres dramatiques. Il en va de même pour Noémie Merlant, peut-être plus encore.
Le réalisateur confie avoir demandé à l’actrice de pousser son jeu, elle qui avait semble-t-il peur de ne pas être crédible dans son rôle de soutien grandiloquent et maladroit. Marchant subtilement sur un film entre comédie burlesque et film de braquage crédible, L’Innocent laisse le champ au spectateur d’y trouver ce qu’il souhaite.
C’est une œuvre drôle, simple et originale, trop rare dans le cinéma français, que propose Louis Garrel réalisateur, mais aussi acteur. Pour son personnage, encore une fois prénommé Abel, il s’est écrit un rôle de médiateur dans un aquarium. « Les poissons aussi sont en prison ».