Deux fois par mois, la rédaction vous offre une sélection de clips qui ont fait l’actualité musicale. Pour cette première sélection du mois d‘octobre : Puma Blue, Gabriels, Mathieu Tessier, Pierre Lapointe et Fishbach, Eggs, Ghost Woman, Pomme, Michelle et Les Garçons, Bree Runway, et Yoa.
Puma Blue – Hounds réalisé par Jak Payne
Il erre entre les rocs, semble désœuvré, comme en lutte permanente contre lui-même. Puma Blue revient avec Hounds, son premier single de 2022.Nocturne et vibrant, le clip réalise par le cinéaste Jak Payne retranscrit fidèlement la dualité poétique de ce projet, où un noir et blanc contrasté vient relater les tourments de l’artiste londonien. À l’instar de ses précédentes compositions, les influences sonores qui ont marqué son enfance font partie intégrante de Hounds ; jazz hybride, cordes et groove lancinant se confondent, émanent du morceau écrit et imaginé autour d’une ligne de basse.
Jak Payne se présente en maître des déformations et altérations de l’image ; le clip prend des allures de photogramme, et le paysage semble incarner le subconscient de Puma Blue. La solitude règne en maître(sse) dans ce rêve stérile, directement inspiré des univers du Testament d’Orphée de Jean Cocteau et du Stalker d’Andrei Tarkovsky. Enregistré en une seule prise avec la production additionnelle d’Andrew Sarlo (Bon Iver, Big Thief) et Sam Petts-Davies (Warpaint, Thom Yorke), ce single s’éloigne des fragments plus soul et jazzy de ses albums précédents. Empreint d’une texture imprenable et mystérieuse, le clip est parsemé de significations et de symbolique propres à l’artiste, soumises à l’interprétation de chacun. Hounds est le signe d’un cycle nouveau pour l’artiste bluesy, qui s’annonce résolument expérimental et séduisant sur le plan sonore.
Romane Fragne
Gabriels – Angels & Queens réalisé par Clarys Biagi
Le trio soul de Los Angeles Gabriels accompagne avec la sortie de leur premier album Angels & Queens – Part I un clip esthétique rempli de nuances de noir sexy réalisé par la mannequin et danseuse française Clarys Biagi. Le titre éponyme Angels & Queens obtient enfin sa vidéo afin de mettre des images sur ce single groovy et funky porté par la voix vibrante du frontman Jacob Lusk. Critiquant le monde de la mode, le trio chante une relation entre un certain Michael et sa « baby girl » qui veut devenir mannequin.
Perdu dans le groove de la basse indécente des couplets et les envolées célestes des choristes sur le refrain, nous nous retrouvons qu’a ne vouloir qu’aider ce roi en train de perdre sa reine. Jacob laisse de côté sa robe de pasteur pour un costard élégant où les danseurs autour de lui mélange casting de mode et défilé chorégraphié tout ça dirigé sous l’oeil attentif de Clarys. Hymne au temps qu’il faut donner à l’amour et à la réussite personnelle, Gabriels prouve encore une fois qu’ils sont les anges et reines que l’ont attendait.
Thomas Soulet
Mathieu Teissier — Je Me Souviens réalisé par Bob Jeusette
Mathieu Teissier, jeune artiste français perdu à Bruxelles, nous présente sa balade tendre et nostalgique Je Me Souviens. Nouvelle signature du label belge The Ffamily, Mathieu amène de la fraicheur dans la pop française envahie en ce moment par la funk et le disco. Accompagné d’un piano doux, une guitare acoustique élégante et d’un riff de guitare dégoulinant l’amour, le chanteur nous attendri par sa promenade musicale. Cette douceur acoustique est accompagné d’un clip voyeuriste poétique où le musicien est suivi par lui-même mais portant une tête en papier mâché lui ressemblant. Une façon subtile et délicate de représenter le souvenir, ici maître et ancre de ce morceau affectueux.
Thomas Soulet
Ghost Woman – Broke réalisé par E. Uschenko et I. Van Dessel
À peine un an après la sortie de son excellent premier album éponyme, Ghost Woman, projet psychédélique d’Evan Uschenko, revient marteler à coup de guitares distordues et de solos kaleidoscopiques la nouvelle année avec son 2ème album Anne, If. Quoi de plus exaltant de nous présenter le premier extrait de ce nouveau bébé avec Broke, morceau rolling stonien parsemé de voix à la Black Angels.
Le clip, complètement barré, nous montre le quotidien d’une marionnette en forme de lapin au pelage léopard (surement le coté rock de la bête) qui craque face à la solitude. Prise de drogues, whisky à gogo, malbouffe et pétage de câble sur une guitare au manche transparent, voici le remède destructeur après une rupture. Ushcenko nous balance avec ce titre psychique une drogue sonore pour âme brisée.
Thomas Soulet
Bree Runway – THAT GIRL réalisé par Ruth Hogben
Bree Runway est une chanteuse londonienne d’origine ghanéenne. Avec THAT GIRL, elle sort le grand jeu comme l’annonce déjà le titre tout en majuscules. Inspirée par le rap des années 2000 ainsi que par la musique pop extravagante de Lady Gaga, Bree Runway réconcilie tradition et modernité. En parfait écho à la fashion week du mois dernier, le clip nous renvoie directement à l’univers des photoshoots et à la vie trépidante des modèles. Le nom de scène de la chanteuse ne trompe pas : Runway. La rappeuse surjoue son personnage pour un résultat électrisant. Avec son instru électro et son rythme effréné, THAT GIRL nous rappelle non sans nostalgie les hits d’Azelia Banks & Co des années 2010 …
Marion Bauer
Pierre Lapointe et Fishback – L’ Origine du mal réalisé par Sébastien Marnier
Générique de fin illustrant le film éponyme, L’Origine du mal, troisième long métrage du cinéaste Sébastien Marnier – sorti en salle le 5 octobre dernier – cette chanson réunit Pierre Lapointe qui en a composé la bande-originale dans un duo avec la chanteuse Fishbach. Le réalisateur a lui même mis en scène ce titre à la sensualité vénimeuse jusque dans les deux voix chaudes des interprètes. Ici, l’une en moto, l’autre en voiture, roulent à pleine allure dans un tunnel brumeux séparés par un split-screen s’attardant sur des détails magnétiques. Comme envoutés l’un par l’autre, ils s’aimanteront dans leur tenue de cuir pour s’aimer jusqu’à la terre dans un érotisme passionné qui n’est pas s’en rappeler Crash de Cronenberg.
Diane Lestage
Eggs – How It Was Before
Avec Eggs, Paris ressemble à une petite ville colorée tout droit sortie d’un dessin animé. C’est avec How It Was Before que le groupe d’indie rock parisien revient d’une longue pause. Une musique aux riffs de guitares nostalgiques et au saxophone chantant. Le titre nous fait tout de suite penser au groupe Belle and Sebastian, aux deux voix qui se croisent. C’est dans une balade toute naïve et fleurie que le groupe nous emporte, superposition de fleurs séchées et des paroles découpées. Un clip DIY qui met du baume au cœur et nous permet de voir autrement la capitale, d’une manière plus joyeuse grâce aux plans de vacances.
Eva Duc
Michelle et les Garçons – Bizarre réalisé par Sarah Dumesnil
Entrez dans l’hôtel envoûtant de Michelle et les Garçons, il se pourrait bien que vous y trouviez ce que vous cherchez. C’est dans une demeure que le trio nous reçoit en tenue de fête et nous invite à les suivre dans leur folie pailletée. Sommes nous drogué ou est ce la la captivante Michelle qui nous fait tourner la tête ? Entourée par les festivités, les convives aux tenues extravagantes, tous.tes les yeux rivés sur nous, spectateur.ices inconnu.e.s. La pop du trio est tout à fait originale, elle nous entraîne et nous fait penser parfois aux Rita Mitsouko dans la voix et dans l’énergie.
Eva Duc
Pomme – jardin réalisé par Claire Pommet et Hugo Pillard
Dans son titre jardin, issu de son troisième album consolation, Pomme dresse un portrait mystérieux d’une jeunesse qu’elle ne parvient pas à oublier. Au travers d’un champ de maïs peuplé de créatures étranges, l’artiste nous dévoile son jardin secret, un labyrinthe dans lequel elle a grandi et qui aujourd’hui encore habite son cœur et son esprit.
Aux confins de ce lieu atypique en proie à l’irréel, une femme âgée et une enfant errent, main dans la main. Pomme nous les présente comme son passé et son futur, deux versions d’elle-même qui fuient les hallucinations de son inconscient. Rapidement, toutes deux finissent par converger vers leur présent, représenté sous les traits de la chanteuse elle-même, qui nous apparaît comme une source de réconfort dans ce huis clos oppressant.
Porté par une voix et une mélodie qui se veulent apaisantes, le clip renferme pourtant une infime part d’inquiétude et pose ainsi avec subtilité un regard poétique sur ce qui constitue l’enfance. En douceur, il nous permet de lâcher prise et d’accepter nos peurs pour une réconciliation honnête du passé, afin de mieux anticiper l’avenir.
Daniela Zepka
Yoa – chanson triste réalisé par Earvin (Un Café Crème)
C’est dans la pénombre de sa chambre que Yoa nous dévoile chanson triste, son dernier single en date. Isolée entre quatre murs, la chanteuse nous invite à plonger dans son univers personnel. Elle nous partage ses passe-temps et ses doutes, ses déceptions et ses occupations parfois scabreuses qui soulignent la nostalgie désenchantée d’un moment absent.
Sous bien des aspects, le morceau s’inscrit aussi bien comme un livre ouvert que comme une introspection aux allures de journal intime visuel, sur lequel on aurait apposé une mélodie presque palpable. Si les sonorités douces semblent traduire une sensibilité certaine, le texte aux paroles parfois crues témoigne quant à lui d’une mélancolie brutale, dénuée de toute pudeur.
Au travers d’une esthétique vaporeuse, Yoa nous livre ainsi avec brio ses confidences nocturnes, exposant ouvertement ses fantasmes érotiques, ceux qui se bousculent dans sa tête et l’enferment malgré elle dans une forme sacrée de solitude.
Daniela Zepka