CINÉMA

« Tori et Lokita » – Itinéraire de deux exilés

Tori et Lokita © Les Films du Fleuve
Tori et Lokita © Les Films du Fleuve

Avec Tori et Lokita, les frères Dardenne ont de nouveau bouleversé le public du Festival de Cannes, où le film était présenté en compétition. Le tandem est reparti avec un prix spécial à l’occasion des 75 ans du festival. Une récompense amplement méritée.

Lorsque les frères Dardenne présentent un nouveau film à Cannes, leurs concurrents frémissent. En effet, quasiment toutes leurs œuvres présentées sur la Croisette sont reparties avec des prix. Cela va du prix du scénario (Le Silence de Lorna) à la double Palme d’or (Rosetta, L’Enfant) en passant par le prix de la mise en scène (Le Jeune Ahmed) et le grand prix (Le Gamin au vélo). Tori et Lokita, leur dernier film, ne fait pas exception à la règle. Une fois de plus, le duo belge a fait chavirer le festival de Cannes, à partir de l’une de ces histoires, des plus simples, dont eux seuls ont le secret.

De nos jours, quelque part en Belgique. Tori (Pablo Schils) et Lokita (Joely Mbundu) sont deux adolescents venus d’Afrique. Leur vie n’est pas simple, puisqu’ils se retrouvent exploités de part et d’autre par plusieurs individus peu scrupuleux (un restaurateur, un dealer, un voyou…). À l’heure où d’autres profitent avec insouciance de leur jeunesse, Tori et Lokita, eux, ne pensent qu’à survivre dans un environnement hostile. Leur amitié indéfectible reste leur bouée de sauvetage. Jusqu’au jour où leur destin prend une tournure nettement plus dramatique.

Filmer les invisibles

Comme bien souvent dans leurs œuvres, les frères Dardenne filment des invisibles. En l’occurrence, ici, des migrants que l’on appelle également les «  MENA  » pour «  Mineurs Étrangers Non Accompagnés  ». Les fidèles du cinéma dardennien retrouveront évidemment l’appétence du tandem pour le naturalisme, hérité de leurs débuts dans le documentaire. Toutefois, et c’est justement ce qui fait toute la singularité de leurs films, plusieurs genres viennent se télescoper au fur et à mesure de la progression du récit. Le scénario fait rapidement songer à un film noir en mêlant les deux héros au sombre univers du trafic de drogue. Puis, dans sa dernière partie, c’est clairement vers le thriller que le long-métrage lorgne jusqu’à un final choc, qui sonne comme un véritable uppercut cinématographique.

Si les frères Dardenne ont quelquefois fait appel à des stars pour leurs films (Cécile de France, Marion Cotillard, Adèle Haenel…), ils ne sont jamais aussi bons que lorsqu’ils filment des acteurs qui ne sont pas professionnels. Ils le prouvent de nouveau ici avec les jeunes Pablo Schils et Joely Mbundu, dont les visages et les silences s’impriment durablement dans la tête des spectateurs. À coup sûr, l’un des films les plus forts de 2022.

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