Fruit d’un vaste projet d’écriture réalisé avec le Samu social de Paris et le personnel de la Pitié-Salpêtrière, Olivier Fredj signe une mise en scène agréable à partir d’un texte très convenu.
Presque 1 600 personnes dans la salle, et ça s’entend. C’est rare de le dire d’une salle de théâtre, et pourtant, c’est une joyeuse pagaille, ce soir du 6 septembre 2022, lorsque l’on se rend au théâtre du Châtelet, à Paris, pour assister à la dernière de Watch, qui ne jouait que trois soirs en ce début de saison.
Trois soirs seulement pour cet ovni théâtral, qui a sûrement occupé son auteur, Olivier Fredj, pendant plusieurs années avant de voir le jour. Le metteur en scène, accompagné du directeur du théâtre, se rendent sur scène pour remercier le public et les partenaires avant le début de la pièce. Parmi les remerciés, les membres du Samu social et le personnel de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, dont les témoignages ont servi à écrire certaines parties du texte qui sera récité sur scène durant la soirée.
C’est à partir des témoignages de malades, de médecins et d’aidants, que s’ouvre la pièce, qui se veut être une réflexion sur le temps. Watch, c’est la montre, c’est l’horloge qui tourne. C’est aussi le temps que nous avons et que d’autres n’ont plus. Le temps que les malades n’ont pas parce qu’ils vont mourir, que les vieux n’ont plus parce que leur vie est finissante, que les détenus – qui sont aussi les comédiens de la pièce – se voient confisquer par la société.
Feel good théâtre
Les comédiens, chacun leur tour, déclament donc ces fragments, ces mots recueillis par les marginaux du temps long. Pour agrémenter la mise en scène et créer une cohérence d’ensemble, Olivier Fredj a articulé ces moments autour des séquences plus philosophiques sur ce qu’est le temps. L’auteur tente, en parallèle, de questionner de manière peu subtile la manière dont la société de consommation et l’économie de l’attention nous le grignotent, nous empêchent de l’apprécier pleinement.
Il y a beaucoup de choses dans cet ensemble que les comédiens qualifient avec malice de « théâtre social ». La performance des acteurs est de bonne facture, mais ne parvient pas à rendre cohérente ce trop large objet d’étude.
Parler du temps, c’est prendre le risque de parler de rien. Les séquences et les témoignages s’emboîtent de manière artificielle et, malgré l’énorme budget de la pièce, les décors sublimes et des musiciens fantastiques, l’impression de rester très en surface persiste. L’ensemble laisse toutefois un vague sourire aux lèvres quand, au bout de deux heures, la pièce s’achève. Olivier Fredj vient d’inventer le feel good théâtre, à consommer en temps troublés.