CINÉMA

Venise 2022 – « Master Gardener » : Profession horticulteur tourmenté

Bonnie Marquette

COMPÉTITION OFFICIELLE – Après The Card Counter, le mythique Paul Schrader s’adonne cette fois à un récit se voulant intrigant à première vue mais souffrant d’un scénario inefficace et surtout… incohérent.

Au cœur de ce thriller florissant, le cinéaste réunit un duo au sommet, avec Joel Edgerton, dans le rôle de Narvel Roth, et Sigourney Weaver en tant que Mrs. Haverhill. À ce duo, vient s’ interposer la jeune Quintessa Swindell dans le rôle de Maya, la jeune nièce de Mrs. Haverhill.

Au départ, Narvel est un horticulteur discret s’adonnant à une même routine constante. Il travaille pour le compte de Mrs. Haverhill, maîtresse de maison. Un jour, cette dernière le convoque pour lui annoncer que Maya, sa nièce tourmentée dont elle regrette les conflits avec sa mère, va devenir son apprentie. Le plot ainsi posé, Master Gardener avait tout pour relater une histoire accrochante. C’est du moins ce que semblait prédire l’atmosphère du début du film, angoissante et travaillée.

Soigner son intention de départ…

Master Gardener attise la curiosité dès le départ. Le générique de début, met en avant différentes variétés de fleurs, sur fond d’une bande son oppressante réalisée par Devonté Hynes. La mise en scène est quant à elle, soignée. Le jardin, principal élément de l’intrigue, pousse le spectateur à vouloir en savoir un peu plus sur l’univers que Paul Schrader décide d’explorer cette fois, après le casino dans The Card Counter.

Si l’on ajoute à cela l’ambiance mystérieuse qui règne dans l’ensemble de la première partie, Paul Schrader avait tout pour réaliser un thriller sortant de l’ordinaire. Jouant un horticulteur torturé par son passé face à une Sigourney Weaver toujours classy, Joel Edgerton réussit de son côté à livrer une prestation juste.

Il faut dire que son personnage, à première vue assez discret, est en réalité… un ex-nazi. Un secret que l’on découvre progressivement à travers de courts flashbacks peu compréhensibles jusqu’à la découverte du dos de ce dernier, rempli de tatouages nazis. Si l’on ajoute à cela l’arrivée de la jeune Maya et les problématiques l’entourant, le thriller avait toutes les clés en main pour enclencher une dynamique intrigante. C’est là, en vérité, que le film prend un virage peu désirable.

… mais se perdre dans son scénario

Comme s’il manquait d’inspiration, ou qu’il voulait montrer que chacun a le droit à sa rédemption, même d’anciens suprémacistes blancs, Paul Schrader n’a pas trouvé mieux que de créer une intrigue amoureuse mêlant une jeune fille métisse à un ancien nazi devenu horticulteur. Car si son passé est évoqué, son personnage est travaillé de sorte à ce que le spectateur lui voue une certaine sympathie.

Au départ, il est vu comme un protecteur de la jeune Maya, victime de mauvaises rencontres. À travers sa volonté de l’aider, le spectateur y voit d’abord une envie paternelle mais finalement, cela débouche sur une romance. Sans parler de l’incohérence de cette relation, notamment de la découverte par Maya du secret de Narvel, qu’elle expédie en quelques minutes avant de passer à autre chose et de retomber dans ses bras.

Une découverte qui aurait dû être à l’origine d’une fissure entre les deux personnages et pourtant, le film se transforme dès lors en une fresque pathétique, sans queue ni tête, faisant l’apologie de la rédemption d’une manière malsaine et inconcevable. En conclusion, malgré l’effort de sa mise en scène, Master Gardener ne vaut pas le coup d’œil.

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