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« Out of the blue » – L’océan en péril

Out of the blue
© Loes Geuens

Spectacle entièrement numérique aux ambitions résolument écologiques, Out of the blue fait le récit d’une immersion dans les fonds marins, mis en péril par les forages en eaux profondes et notre désir incessant de prédation sur l’environnement.

Lorsque l’on pénètre le petit studio du Théâtre de la Ville, les artistes ne sont pas encore installés sur scène. Ils ont cependant laissé derrière (ou devant eux, c’est selon) leur table de travail telle quelle : un grand bureau sur lequel fourmille matériel informatique en tout genre, deux ordis dont les fichiers, encore ouverts, sont projetés de part et d’autre du mur au fond de la scène.

L’un deux s’appelle « Ocean ». On tient notre point de départ. Après quelques minutes, Silke Huysmans et Hannes Dereere entrent. Ils s’assoient face au public, ne prononcent pas un mot, se retournent en silence et pianotent sur leurs ordinateurs.

© Loes Geuens

L’heure que dure Out of the blue ne sera faite que de ça : le spectacle est la restitution du parcours d’activistes de Greenpeace. Entre témoignages vidéos, images de synthèses, textes explicatifs et musiques d’accompagnement, cette vaste enquête explique au commun des mortels les conséquences du « deep sea mining » (exploitation des fonds marins) sur la biodiversité et l’océan.

Cette pratique, peu connue du grand public, consiste à extraire des métaux lourds, souvent introuvables ailleurs sur terre, en creusant le fond des océans sur des profondeurs qui peuvent dépasser les 300 mètres. Une fois extraits, ils deviennent les composants de nos batteries, de nos téléphones portables, de nos appareils électroniques.

À l’assaut du vivant

C’est là que le bas blesse : récolter ces minerais rares implique de tout détruire au passage. La biodiversité, les formes de vie qui s’y trouvent. Entre vidéos de poulpes (très intelligents et proches de l’homme) et animations de sensibilisation, Silke Huysmans et Hannes Dereer articulent arguments et témoignages. Ils rendent cette destruction, sensible qui se poursuit chaque jour dans l’indifférence générale.

Le spectacle, à thèse certes, n’en livre pas moins un point de vue intéressant sur le rapport que nous entretenons à ce que nous ne voyons pas. L’intolérable est-il plus tolérable lorsqu’il est invisible ? Comment valoriser des formes de vie, celles des animaux sous-marins, que nous ne pouvons nous représenter, faute d’image ? La démonstration, intelligente et agréable à regarder – les morceaux joués sont formidablement choisis, de Jean-Sébastien Bach à Billie Eillish – interroge également, de manière plus sous-jacente, le rapport qu’entretient l’être humain à la nature. En ces temps de crise climatique et d’extinction de masse des espèces, on a envie de demander, un brin cynique : le dernier iPhone en vaut-il la peine ?

Out of the blue de Silke Huysmans et Hannes Dereere au Théâtre de la Ville à Paris, du 12 au 15 septembre 2022. En tournée au festival Actoral à Marseille, les 20 et 21 septembre.

Journaliste

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