Images-forêts : des mondes en extension de Léa Habourdin est une des nombreuses expositions proposées dans le cadre du festival des Rencontres de la photographie d’Arles qui se tient du 4 juillet au 25 septembre 2022. L’artiste y présente des photographies délicates et monochromes du monde végétal en constante mutation.
Après s’être formée à l’estampe à l’école Estienne, Léa Habourdin intègre l’ENSP, École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Elle pratique le collage, le dessin et la photographie. L’artiste raconte que cette série d’images-forêts est née suite à la lecture d’un article consacré au phénomène de la disparition des forêts primaires en France.
Il s’agit de parcourir des forêts intouchées, d’en ramener une image qui ressemble à ces rêves qu’on en fait, de ce qu’on pense être un endroit vierge, de ce qu’on appelle le sauvage.
Léa Habourdin
À partir de ce constat, Léa Habourdin explore et documente les forêts françaises encore protégées et mêle ce travail aux images fantasmatiques de forêts qui habitent nos imaginaires. Les images aux teintes pastel nous placent devant un geste artistique tendre.
Sérigraphie et anthotype
Pour réaliser ces images sensibles, l’artiste utilise des pigments naturels. Elle représente ces espaces boisés à l’aide des feuilles des arbres qu’elle met en image. L’extraction des jus de végétaux lui sert à imprimer ses images selon deux procédés de tirage : la sérigraphie et l’anthotypie.
La sérigraphie consiste à imprimer une image sur une feuille à l’aide de pigment appliqué au travers d’un pochoir. L’anthotype est une technique simple et naturelle d’impression photographique. John Herschel, père du cyanotype, l’invente en 1842.
Pour réaliser ses anthotypes, Léa Habourdin glâne des plantes puis les broie pour en retirer le jus. Elle cueille des feuilles de bouleau, de mûrier ou de l’écorce de chêne et chaque végétal révèle une couleur particulière. L’artiste enduit ensuite des feuilles de papier épais de ces jus. La chlorophylle qu’ils contiennent est photosensible et se modifie donc en fonction de son exposition au soleil. Elle superpose ensuite à ces feuilles imbibées, des papiers transparents sur lesquels a été imprimé l’image, en positif, des forêts. En plaçant ces tirages au soleil, l’image apparaît par décoloration. Les zones transparentes deviennent plus claires par l’effet de l’insolation alors que les zones imprimées restent de couleur vive. L’image apparaissant est une image monochrome où les contrastes de tons font naître le motif.
Cependant, une fois l’image révélée, celle-ci ne se stabilise pas mais continue de se métamorphoser. Cette fragilité de l’image est particulièrement sensible dans l’œuvre de l’artiste pour qui, de la même manière que les fleurs sèchent et que les forêts disparaissent, l’image anthotypique éclot puis se fane.
Image-périssable
La prise de conscience de cette fragilité est d’autant plus sensible dans son installation Images Sénescentes. Deux anthotypes sont dissimulés derrière des volets en bois bleu ciel. Une inscription nous informe que l’exposition de ces images à la lumière accélère leur processus de dégradation et d’effacement. Cette technique souligne le caractère évolutif de la matière, amenée à se métamorphoser, se dégrader et se modifier sans cesse au contact du temps.
L’exposition de l’image aux ultraviolets de la lumière naturelle accélère la destruction de l’œuvre. Le choix est donc laissé à celui ou celle qui visite l’exposition : ouvrir les volets pour pouvoir voir l’image en accélérant sa dissolution, préférer ne pas regarder l’image cachée derrière cette fenêtre. L’artiste explique son geste : « Plus on la regarde et plus elle meurt ».
Site de l’artiste ici