LITTÉRATURE

« Utopia Avenue » – Les Swinging Sixties ne meurent jamais

Utopia Avenue
© éditions de l'Olivier

Dans un roman-fleuve de plus de sept cent pages, l’écrivain britannique David Mitchell réinvente l’histoire du rock’n’roll autour d’Utopia Avenue, groupe fictif et comète qui aurait percuté l’industrie musicale des swinging sixties.

Elles n’en ont pas fini de ressusciter, les Swinging sixties. L’époque a pourtant changé, la contre-culture est passée du côté du rap, tandis que les musiques alternatives d’autrefois tombent doucement en désuétude. Certains s’accrochent plus que d’autres à la précieuse époque et ses incarnations, comme à autant de reliques d’un temps qui ne reviendra pas. Alors qu’il y a un an à peine, le chanteur du groupe italien Maneskin hurlait sur la scène de l’Eurovision que « Rock’n’roll never dies », en 2022, c’est David Mitchell qui redonne vie à feu le rock’n’roll avec Utopia Avenue, fresque tentaculaire qui retrace l’histoire de ce groupe de rock fictif, qui aurait frayé avec les plus grands avant d’entrer dans la légende.

Tout commence dans les rues crasseuses de l’Angleterre du vingtième siècle avec Dean Moss, minet et amoureux du rock qui vient de quitter le domicile familial pour se lancer dans la musique. Contrairement à sa famille ouvrière, le gamin d’à peine vingt ans ne fait pas le choix de la sécurité. Il tente d’intégrer plusieurs formations pour faire son nid et devenir bassiste, tant pis si pour cela il doit mener la vie de bohème.

Odyssée du rock

Au gré des aventures qui lui tombent dessus, Dean fait la rencontre de Levon Frankland, manager sans groupe à manager, canadien et homosexuel – un drôle d’oiseau pour les standards de l’époque. Frankland lui propose de monter un groupe. L’autre accepte, reste plus qu’à se trouver des coéquipiers. Finalement, ils volent la vedette à un autre minet-chanteur durant un concert, et Dean se retrouve à jouer avec Griff et Jasper, respectivement batteur et guitariste. Quelques semaines plus tard, ils rencontreront Elf – contraction d’Elisabeth Frances, une chanteuse et claviériste dont le groupe qu’elle formait avec son petit ami vient d’exploser. Le groupe n’a pas encore de nom mais l’aventure d’Utopia Avenue est en marche.

Quand on prend la peine d’écrire un livre de sept cent cinquante page, on peut se perdre de tout dire. David Mitchell ne s’en prive pas. De la genèse de ce groupe indéfinissable – rock psychédélique ou folk, c’est selon – jusqu’à leur ascension difficile sur les scènes rock de l’époque, c’est de la vie et de la mort de l’avenue des utopies dont on parle. Cette aventure se lit comme on regarderait une bonne série.

Mitchell transpire d’amour pour ses personnages, revisités selon les standards plus tolérants de notre époque. Quitte à faire renaître les Sixties, l’auteur convoque tous les héros – véritables, cette fois – qui ont marqué l’époque, de David Bowie à Syd Barret en passant par John Lenon et Janis Joplin. Pas plus qu’il ne se prive, en véritable virtuose des lettres, à de gausser des genres et des étiquettes, passant du roman d’aventure au Sci-Fi fantastique d’une page à l’autre. Utopia Avenue, avec Dean, Elf, Jasper et Griff, accompagne son lecteur, avant de le laisser un peu attendri, un peu ému, un peu grandi par la belle aventure qui se termine.

Utopia Avenue de David Mitchell, éditions de l’Olivier, 25 euros.

Journaliste

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