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Prix BD des étudiants France Culture-Inrockuptibles #5 – Hound dog

Nicolas Pegon © Denoël Graphic
Nicolas Pegon © Denoël Graphic

À l’occasion du Prix BD des étudiants France Culture et Inrocks, la rédaction littéraire décortique les albums en lice. Et pour faire suite à La fête est finie et clôturer la série, place à Hound dog.

Après Les os creux, la tête pleine, publiée aux éditions Réalistes, Nicolas Pegon signe sa deuxième BD, Hound dog aux éditions Denoël Graphic. Et on a très envie que cela soit le départ de toute une longue carrière de bédéaste  ! On apprend déjà à apprécier sa patte : un cadrage souvent assez rapproché (ce qu’on appelle plan américain), des couleurs ternes qui jouent sur le contraste aussi bien que le noir et blanc, peu de texte, des personnages plutôt typiques au service d’une intrigue simple mais efficace. Un auteur qui semble pouvoir nous amener où il veut sans avoir recours à quelque artifice : tout tient par la puissance narrative.

Enquêteur malgré lui

Le début fait penser à l’intro du film d’action L’Arme fatale, avec un trentenaire chevelu à poil dans sa piaule miteuse, et un chien qui traîne dans un coin. C’est le personnage type du marginal un peu fainéant mais dont se dégage une force tranquille. L’anti-héros au vrai sens du terme, car à aucun moment le personnage principal ne semble être mis en avant par rapport aux autres autour desquels plane davantage de mystère. César, dont on apprend le nom qu’au bout de la cinquante neuvième page, est embarqué dans une histoire qui, l’air de rien, finira par le dépasser  : il cherche à rendre un chien à celui ou celle qui devrait en hériter, mais pour cela il faut résoudre l’énigme de la mort de son propriétaire.

Avec son voisin Alex, ils se lancent dans une enquête comme s’il s’agissait d’une activité comme une autre, sans se presser, sans se prendre la tête. Comme si résoudre l’énigme était un besoin naturel à accomplir sans urgence, avec la volonté de ceux qui n’ont pas grand chose d’autre à faire. Tout se passe comme si rien d’autre n’existait : on ne s’éloigne de l’action que de manière contemplative, le temps d’observer lentement quelques détails constituant le décor. Cela crée un étonnant contraste entre rythme de croisière et léger suspense.

Un thriller tranquille

La bonhomie des personnages et leur côté un peu blasé ou fatigué, la présence quasi fatale du chien et de son regard toujours égal, les conversations creuses ou conventionnelles, les visites régulières chez différents médecins venant découper le récit comme des chapitres … Tout participe à installer une atmosphère lourde mais pas vraiment pesante, une tension très supportable qui nous amène lentement mais sûrement vers un dénouement certain. On a l’impression que rien ne peut ébranler le quotidien un peu morne de César et Alex, pas même un meurtre à élucider.

Les couleurs sont peu nombreuses et les variations plutôt discrètes, mais elles reflètent toujours avec justesse les émotions des personnages et l’importance des enjeux. Elles participent surtout à dresser un décor pré-apocalyptique, comme le dit très justement l’éditeur dans sa note : il s’agit d’une Amérique sur le point de sombrer dans le chaos, dont les personnages vivraient lentement la chute sans se défaire des habitudes de leur vie d’avant. Mais le chaos ne vient peut-être pas de cet horizon funeste – et les vieux travers de l’humain ressurgissent plus vite que ne le voudrait une histoire toute tracée.

Hound dog par Nicolas Pegon, éditions Denoël Graphic, 204 p, 24€90

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