À l’occasion du Prix BD des étudiants France Culture et Inrockuptibles, la rédaction littéraire décortique les albums en lice. Après la BD allemande Anna, c’est au tour de La Fête est finie d’être passée au crible.
Après avoir réalisé des fanzines et revisité le conte des musiciens de Brêmes (Les Animaux de Palm Spring co-écrit avec Iris Pouy aux éditions L’Agrume), Mathilde Payen réalise sa première BD en solitaire avec La Fête est finie. Elle y raconte la vie de Loane une ex-étudiante des Beaux-arts d’Angoulême perdue dans la « vie active » et nostalgique des fêtes d’école. Entre galères amoureuses et panne d’inspiration, le personnage principal nous fait part de ses états d’âme bicolores.
L’école est finie
Le code couleur de la BD est très simple : le violet renvoie au passé tandis que les planches vertes sont situées dans le présent de narration. Chaque chapitre alterne entre passé et présent. Si la période violette est insouciante, la verte est un peu plus morose, puisque Loane cherche sa voie (et aussi sa voix) en tant qu’artiste tout en travaillant dans une animalerie. Les échos entre les deux périodes permettent de nouer une continuité : si Loane n’est plus une ado, elle reste la même et ses galères amoureuses aussi.
La nostalgie est centrale dans La Fête est finie. Nostalgie des fêtes bien sûr, nostalgie des potes, nostalgie de l’enthousiasme aussi. En quittant son école d’Angoulême, Loane part s’installer à Paris. Comme Rastignac chez Balzac donc. Elle aussi fera face à ses illusions perdues : le collectif qu’elle a monté avec ses camarades de promo se délite et elle survit d’un job alimentaire. Même si elle tient à son mot d’ordre de jeunesse (« Tue-moi si un jour je deviens prof’ ! »), elle a honte de faire face à ses professeurs qui poseront l’éternel question : que faites-vous à présent ? Elle n’a qu’une peur, échouer et devenir cynique aux dents longues comme beaucoup d’artistes (et comme Rastignac).
Bonbon pop
Malgré son titre déceptif, La Fête est finie reste une BD légère. Chaque chapitre s’ouvre ou se clôt par une page de pub parodique ou une référence à la pop culture. On y retrouve Scream, les Tortues Ninja, Ghostbusters, The Walking Dead etc. Même l’ambiance entre collègues au sein de l’animalerie rappelle parfois le film Adventureland (2009) avec Kristen Stewart et Jesse Eisenberg. Le contraste entre période passée et période présente est saisissant. Au présent Loane s’amuse moins même s’il elle essaie de conserver son âme de jeunesse. Avec un certain recul, l’autrice porte un regard à la fois nostalgique, lucide et critique sur les écoles d’art et ce qu’elles promettent.
Il est dommage qu’il n’y ai cependant rien de bien original dans ce récit d’apprentissage. Même s’il est plaisant de suivre la vie du personnage principal, on ne peut s’empêcher d’être déçu. Mathilde Payen revisite le thème inépuisable de la panne d’inspiration et du début de l’âge adulte. Son dessin énergique et son humour maintiennent la curiosité. Mais une impression de déjà-vu persiste. La principale qualité de cette BD reste son humour et son autodérision.
La Fête est finie par Mathilde Payen, éditions Sarbacane, 208 p.,26€