CINÉMA

« Peter von Kant » – Cinéma à l’allemande

Peter von Kant © Diaphana Distribution
Peter von Kant © Diaphana Distribution

Plus de vingt ans après Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, François Ozon signe de nouveau un hommage au grand Fassbinder. Précieux et féroce, son Peter von Kant est habité par la présence de Denis Ménochet et d’un jeune acteur prometteur, Khalil Garbia.

François Ozon est un cinéaste fétichiste. En vingt films, le réalisateur français a revisité de nombreux genres du cinéma avec une minutie qui lui est propre. De la comédie musicale (8 Femmes) au thriller sulfureux (L’Amant double) en passant par le mélodrame en costumes (Angel) ou la fable fantastique (Ricky), chez lui, rien n’est laissé au hasard.

Grand cinéphile, François Ozon ne propose pas uniquement des réinterprétations de grands genres du septième art. Son cinéma peut également se lire comme un hommage à différents maîtres du cinéma. Et dans sa filmographie, l’un figure en bonne place : Rainer Werner Fassbinder.

En 2000 avec son troisième long-métrage, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, François Ozon se penche pour la première fois sur l’œuvre du réalisateur allemand. Gouttes d’eau sur pierres brûlantes est l’adaptation d’une pièce de théâtre que le cinéaste d’outre-Rhin a écrit à l’âge de dix-neuf ans, mais qu’il n’a jamais mis en scène, que ce soit au théâtre ou au cinéma.

Lors de sa sortie, le film connaîtra un succès assez relatif puisque n’attirant que 62 051 spectateurs dans les salles obscures. Mais il imposera François Ozon comme un cinéaste à suivre, en digne héritier de Fassbinder. Comme le maître allemand, le cinéaste partage un certain goût pour la sensualité, la jeunesse et une réflexion commune à bien des égards sur le sexe.

Un film sur le cinéma

Présente en filigrane dans un certain nombre de ses films, l’ombre de Fassbinder ne fait pas que planer sur Peter von Kant, son vingt-et-unième long-métrage. Elle est un personnage à part entière, et même peut-être le personnage principal. Peter von Kant (Denis Ménochet) est un cinéaste allemand dont le physique et le tempérament ressemblent à s’y méprendre à ceux du réalisateur de Lola, une femme allemande.

Dans son appartement au kitsch seventies (l’action se passe en 1972), Peter partage son temps entre écriture de futurs films et séances d’humiliation sur Karl (Stefan Crépon), son énigmatique et mutique assistant.

Aussi raffiné que décadent, le cinéaste a peu de personne qu’il porte en estime, à l’exception peut-être de sa mère Rosemarie (Hanna Schygulla) et de sa meilleure amie Sidonie (Isabelle Adjani), une grande actrice au sommet de sa gloire.

Un jour, cette dernière lui présente Amir (Khalil Gharbia), un beau jeune homme d’origine modeste qui souhaite se lancer dans le cinéma. Peter tombe instantanément sous le charme du bel éphèbe et se met en tête de lancer sa carrière. C’est le début d’une passion dévorante qui ne sera pas sans conséquences pour les deux amants. Et en particulier pour Peter…

Un hommage à Fassbinder

Après Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, François Ozon adapte ici Les Larmes amères de Petra von Kant, autre texte bien connu de Fassbinder. Écrite par l’artiste allemand en 1971, cette pièce de théâtre fut ensuite adaptée par ses soins au cinéma en 1972. Dans le film d’origine, il était question d’une romance lesbienne entre une créatrice de mode et son modèle.

Une histoire d’amour qui finissait par être totalement destructrice. Avec Peter von Kant, François Ozon évoque la relation entre deux hommes dans le milieu du cinéma, un pygmalion et un jeune espoir, mais avec le même schéma dramatique. L’acteur ambitieux va peu à peu se servir de la duplicité de son maître pour arriver à ses fins et ainsi prendre le dessus sur ce dernier.

Si Peter von Kant peut parfois désarçonner en raison de son apparence assez théâtrale (le film se passe essentiellement dans l’appartement du personnage de Denis Ménochet), il n’en demeure pas moins intense. En virtuose de la mise en scène, François Ozon insuffle de la tension et du mystère aux longues scènes qui composent son nouveau long-métrage.

Film stylistiquement proche de la perfection, Peter von Kant regorge de belles idées comme cette apparition de Hanna Schygulla, actrice fasbinderienne par excellence.

En cinéaste dépassée par ses émotions et victime de son extrême sensibilité, Denis Ménochet brille dans l’exercice du contre-emploi. À ses côtés, le jeune Khalil Garbia, à la beauté dangereuse, s’impose comme l’un des acteurs qu’il va falloir surveiller ces prochains mois. Avec peut-être un César du meilleur espoir masculin à la clé  ? Affaire à suivre…

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