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FESTIVAL D’AVIGNON – « Le Nid de cendres », la grande aventure de Simon Falguières

Le Nid de Cendres
Le Nid de Cendres de Simon Falguières © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Avec sa pièce fleuve de treize heures, Simon Falguières propose une relecture ingénieuse de plusieurs grandes odyssées théâtrales et signe le spectacle le plus en vue de cette édition 2022 du festival d’Avignon.

Le mieux, pour parler du Nid de Cendres, c’est de commencer par ce qui fâche. Contrairement aux autres spectacles du « in » (le festival officiel), tous pleins à craquer, il est encore possible de prendre sa place pour aller voir la pièce de Simon Falguières la veille des représentations. Dans la salle, les sièges du fond peinent à se remplir, et les spectateurs les plus mal assis peuvent aisément s’avancer de quelques rangées de sièges après le début des festivités. Et pour cause, la pièce, sobrement intitulée « épopée théâtrale », dure treize heures (début le matin à onze heure et fin le soir-même, à minuit).

Encore plus ambitieux que Le Passé de Julien Gosselin, pièce de quatre heures vingts jouée à l’Odéon l’automne dernier, et qui avait découragé votre serviteur de s’y rendre. Cette fois-ci, les plus téméraires doivent être encore plus téméraires – le théâtre peut aussi se changer en Koh Lanta. D’ailleurs, entre chaque pause annoncée par les comédiens, un membre de la troupe, présent sur scène, compte les spectateurs restant. Et se réjouit qu’ils n’aient pas tous fuit en courant.

Grande odyssée

En treize heures, on a le temps de tout faire, et c’est bien là le but. « Puisqu’on a déjà tout mis dans ce spectacle, on peut bien en rajouter encore un peu ! », hurle une comédienne, l’air goguenard sur scène. Et pour cause, Simon Falguières, avec Le Nid de Cendres, propose pour la première fois la version complète de sa pièce, déjà jouée en version plus ou moins longues (deux heures, cinq puis six heures), jusqu’à aboutir à cette création réalisée tout spécialement pour le festival d’Avignon. Comme sa durée, tout est tentaculaire : dix-sept comédiens sur scène qui interprètent plus de 60 personnages pour pas moins de 200 costumes.

Il faut bien ça pour raconter une histoire de cette taille. Le Nid de Cendres parle de la séparation de deux mondes, le monde des contes et des rêves ; le monde de l’actualité. Ils sont séparés et ne se souviennent pas de l’existence de l’autre. Dans le monde de l’actualité, les feux ravagent la capitale et la changent en tas de cendre. Deux parents qui fuient la catastrophe sont contraints d’abandonner leur fils qui vient de naître. Gabriel.

Le Nid de Cendres de Simon Falguières © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

De l’autre côté du monde, une reine met au monde Anne, la princesse Anne, dernière née d’une fratrie de trois enfants. La reine, qui s’ennuie, est emportée par Le Temps (un personnage). Elle s’endort et sortira de son long coma seulement si les deux mondes sont réunis. Pour cela, il faut retrouver le sauveur du monde d’en face. Un certain Gabriel.

Fresque tentaculaire

Avec Le Nid de Cendres, Simon Falguières déploie sa fresque tentaculaire, qui se regarde comme on lit un roman d’aventure. Les influences, multiples et facilement reconnaissables, vont de l’Odyssée d’Homère, à Sophocle, en passant par Shakespeare et les Contes de Grimm. L’écriture, à des années-lumières de la pompeuse grandiloquence de son titre (et de ses références), brille par son éclectisme.

On l’a déjà dit, mais tout y est : tragédie, humour, série à rebondissement, fantastique. Si l’on cherche bien, on trouvera même quelques blagues sur François Hollande et une réflexion sur le théâtre, et sa capacité à sauver le monde de l’abîme. On ne s’ennuie pas une minute devant les comédiens – tous excellents – qui jouent leurs partitions, on n’a pas le temps.

À la fin de la journée, peu de spectateurs ont quitté le navire en cours de route. Le pari était audacieux, mais il est bien tenu et toute la troupe, emmenée par Simon Falguières déguisé en Zeus (lui-même déguisé en expert comptable), aussi usés par leur performance et les températures caniculaires que les spectateurs, reçoivent un tonnerre d’applaudissement. Un petit miracle, après un autre, long de treize heures.

Le Nid de cendres de Simon Falguières, à la Fabrica, 45 euros.

Journaliste

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