ART

William Forsythe sublimé par le Ballet de Lyon

Quintett © Jean Maurin

Jusqu’au 10 juin, le Ballet de l’Opera de Lyon présente à Chaillot un programme mixte de Fabrice Mazliah et William Forsythe. 

Les programmes mixtes sont des objets très pratiques pour les programmateurs de salle mais parfois délicats pour les amateurs de danse. Dans le meilleur des cas, ils permettent de panacher des oeuvres qui se font écho ou de découvrir de nouveaux talents tout en attirant avec un nom très connu. Dans le pire des cas, le résultat est décousu et inégal et le public ressort avec l’impression de s’être fait avoir. 

La soirée Mazliah/Forsythe proposée par le Ballet de Lyon est un parfait entre deux. La pièce d’ouverture, Sheela Na gig de Fabrice Mazliah, chorégraphe suisse, est clairement la plus faible des trois présentées ce soir là. 

A l’instar de son titre, qui évoque une sculpture féminine  aux traits volontairement grotesques que l’on retrouve sur certaines îles britanniques, la pièce déroute. Pendant quarante-cinq minutes, une dizaine de danseuses entonnent à capella une succession de chansons pop évoquant l’expérience féminine. Ce n’est pas inintéressant ni désagréable et c’est même parfois très efficace.

L’intention d’évoquer la condition féminine, ce qui permet de faire groupe, de se souder en tant que femmes est également intéressante. Mais la proposition chorégraphique et, surtout, le niveau d’exécution laisse à désirer. Le tout pêche enfin par sa longueur et son caractère bien trop répétitif. Mais ce qui porte le plus préjudice à cette pièce, c’est le fait qu’elle précède deux chefs d’oeuvre de William Forsythe. 

Sheela Na Gig © Agathe Poupeney

Génial Forsythe

La seconde partie du spectacle débute avec Quintett, une pièce pour cinq danseurs du chorégraphe allemand créée en 1993. La force de cette oeuvre repose sur sa composition esthétique. Des interprètes excellents vêtus de couleurs chatoyantes tels de délicieux bonbons et une musique répétitive et ensorcelante de Gawin Bryars. Tout le vocabulaire chorégraphique de Forsythe est réuni : vocabulaire classique, portés exigeants, travail sur l’équilibre et le déséquilibre, impératif de légèreté et virtuosité. On voudrait que cela ne s’arrête jamais. 

La deuxième pièce, One Flath Thing, repose sur un principe esthétique encore plus impressionnant et permet de conclure la soirée avec force. Au levé de rideau, dans un brouhaha total, vingt danseurs tirent autant de grandes tables blanches sur le milieu de la scène. Pendant vingt min, sur une musique de Thom Willems, ils vont danser avec cette contrainte folle . Plus théorique et exigeante, cette pièce stimule les danseurs de manière très originale et repense la notion de scène. On retrouve des interprètes de la première pièce de la soirée par Mazliah qui semblent ici sublimées par les pas de Forsythe. 

En somme, la majorité du public viendra voir ce programme mixte pour Forsythe et il repartira en ayant la convocation – si besoin était de la renforcer – qu’il s’agit effectivement d’un des chorégraphes les plus importants de l’histoire de la danse. 

Ballet de l’Opéra de Lyon/Fabrice Mazliah/William Forsythe, au Théâtre de Chaillot jusqu’au 10 juin 2022. Durée : 2h avec deux entractes. Prix : 8-43€. Informations et réservations : ici

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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