Le premier recueil de Simon Johannin, avait une odeur de poppers et un bruit de techno stridente. La dernière saison du monde, paru en mai, n’a pour sujet ni la jeunesse et sa frénésie, ni l’atmosphère des soirées sous LSD. Les seules sirènes de ce recueil sont celles de l’eau paisible de la Méditerranée, celles qui apaisent et portent chance.
Paru aux éditions Allia, le recueil a la couverture flash et généreuse, du même rose qui traverse le recueil comme une obsession. Ça commence par des vêtements de marque et un vernis criard au milieu d’un paysage de collines au bord de l’eau. Du luxe à bon marché – une poésie qui cherche à capturer « tout le précieux d’une vie bon marché » – de la sobriété pimpante. Au milieu de l’opulence il y a cependant une frustration, un manque, qu’il ne servirait à rien de chercher à combler : il suffit de s’en nettoyer, pour toucher et ressentir la vie au plus près de son corps. Mais comment se purifier ?
Tout ce rose en elle
A fait vriller ma têteRose des joues et des plaies
Rose la bouche et les paupières
Rose la chambre tout autour
Quand dans sa bouche
A glissé mon prénom,
Rose de sa langue
Et mouillé de ses lèvres
En apprenant à être nu au milieu des autres. En se débarrassant de ce qui fait ombre. Lentement, petit à petit, comme lors d’une balade au bord de la mer, au gré du soleil tapant, on se dénude. Le corps se confond avec le paysage, la peau devient un ensemble de prairies (« chacune des prairies / De ma peau »)…
Tendresse d’une nature enchantée à ta vue
Tendresse d’une eau se désirant bijou
Si tu es nue
C’est que la Terre tourne encore
Une poésie nue
Dans ce recueil, il ne cherche pas à se perdre, ni à se résigner, ni à se noyer, mais seulement à trouver son salut et sauver par l’écriture un peu de la force des sensations qui le traversent. Ses obsessions : la bouche, le coton, le soleil, le thème du corps liquéfié par la beauté, par l’amour et la puissance des sensations. Toute la matière change au contact de la poésie : les peaux sont du coton, les fleurs sont de la chair…
Dois-je me baigner dans ces sensations qui me soulèvent ?
Parfois mystique, sa poésie se fait incantation, évoque des serpents qui s’enroulent, la puissance des astres, des chats qui se mettent mystérieusement en file indienne. Le poète se demande quelle amulette pour sortir du chaos, quel diamant pour mieux voir, quelle pierre pour retrouver son chemin… La part de lumière s’est imposée face à l’écriture plus sombre de ses précédents ouvrages. Les dernières traces de trash et de macabre, qui marquaient chaque page de son premier roman L’Été des charognes, ont presque disparues : la poésie de Simon Johannin est plus sensuelle que jamais.
« Comment fais-tu pour vivre / Après tout ce qui fut vécu », interroge-t-il. À l’image de ce débordement du passé et du présent, beaucoup de poèmes perdent en beauté dans leur densité, ce que l’on peut regretter. Et pourtant, d’autres sont remarquables par leur simplicité et leur sincérité – comme dans le vers « J’ai peur que le désir que nous avons l’un pour l’autre s’efface ». Peut-être est-ce là une autre façon de concevoir la poésie : dire avec limpidité, comme l’eau claire dans laquelle il se baigne.
La dernière saison du monde de Simon Johannin, Editions Allia, 10euros.