Superorganism dévoile le 15 juillet un deuxième album de pop futuriste et boosté aux collaborations aussi géniales qu’inattendues.
C’est fin 2017 que Superorganism explose avec le clip de Something For Your Mind. Les 8 membres du groupe ne se sont jamais rencontré.e.s mais grâce à Skype et WeTransfer, ils composent quelques morceaux qui font rapidement le tour d’Internet et des rédactions du monde entier. Superorganism a plusieurs points forts qui font qu’on se souvient du groupe : un univers coloré et rempli de références à la pop culture, aucune barrière de style et une chanteuse atypique, désabusée mais charismatique.
L’interconnexion entre l’univers visuel et musical fait du groupe un véritable OVNI. Propulsé, ils dévoilent leur premier album éponyme, Superorganism en mars 2018 et réussit l’exploit de confirmer ce que les singles présageaient : le groupe ne veut pas choisir son camp. Narguant franchement du côté de l’électro tout en ayant une âme pop et des influences punk, le groupe se lance alors dans une tournée qui deviendra rapidement mondiale.
Passé complètement sous les radars avec la pandémie, le groupe est de retour en ce 15 juillet 2022 avec un deuxième album, World Wide Pop. Plus ambitieux et abouti que le premier, l’opus continue d’installer Superorganism sur la scène internationale. À l’occasion de leur venue parisienne, on rencontre une partie du désormais quintet dans les locaux parisiens de Domino Records (label de Arctic Monkeys, Franz Ferdinand…). Orono, chanteuse du groupe et Harry, guitariste, nous accueillent en fin de journée, alors qu’ils enchaînent les promos. On discute de leur prochain album évidemment, mais aussi de concerts et de cinéma.
Votre nouvel album, World Wide Pop, sortira le 15 juillet. Comment s’est passée la composition ? À quel point ce second album est-il différent du premier ?
Harry : Il y a une multitude de similarités et quelques différences avec le premier album. Nous avons d’abord planté des graines qui allaient ensuite devenir des arbres, d’ailleurs, certaines chansons ont mis plusieurs années avant de devenir de grands arbres. Nous avons composé le premier album entre des chambres d’hôtels et des appartements, tout autour du monde. Tout a été fait à distance. Arnold enregistrait les vocaux au Japon et nous les envoyait à Londres. Nous avons fait l’entièreté du premier album comme ça. Pour le deuxième, plusieurs chansons sont nées d‘improvisations instrumentales en studio ou ailleurs. C’est différent du premier album, une autre façon de faire. La façon dont nous abordons généralement les choses est qu’on commence avec une démo et elle devient éventuellement une chanson par la suite. Certains groupes vont composer un album entier, et après, aller en studio etc. On ne fait jamais ça.
Superorganism se veut transnational et apatride, comment faites-vous pour marier les influences et envies de tous les membres du groupe ?
Harry : Grâce à Internet, nous pouvons tous grandir avec les mêmes influences.
Orono : Moi, je n’ai pas grandi avec beaucoup de musiques japonaises.
Harry : De toute façon, nous finissons toujours par trouver le point médian. Tout le monde se montre des trucs, des éléments auxquels nous sommes tous connectés et qui deviennent le commencement et la fin. Nous essayons différentes choses mais à la fin ce qui compte c’est ce sur quoi nous sommes tombés d’accord. Ce que nous aimons tous. Sinon ça ne passe pas.
L’album regorge de featurings : Stephen Malkmus, Pi Ja Ma, CHAI, Gen Hoshino… Comment s’est passée la collaboration avec toustes ces artistes ?
Orono : Super naturellement ! Stephen Malkmus est mon héros mais malgré son statut il est venu. Ce n’était pas un problème. On lui a proposé, l’air de rien : “hey, tu veux être sur une de nos chansons ?” et il a tout de suite été partant. C’était naturel.
Harry : Les gens qui sont entrés en contact avec notre univers, ça semble logique de les amener à l’intérieur. Pi Ja Ma par exemple, nous avons tourné avec elle de nombreuses fois sur le premier album. Quand nous jouions à Paris, elle faisait notre première partie et on l’aime tellement qu’on lui a redemandé de venir avec nous en tournée. Nous avons probablement joué 20 ou 30 concerts avec elle et son groupe. On se connaît très bien, on est de très bons ami.e.s. Après ce n’est qu’une question d’agendas ! C’est arrivé très naturellement, elle a intégré notre monde.
Vos clips sont toujours très colorés et travaillés. Composez vous les chansons en ayant déjà des images en tête ?
Harry : Les chansons viennent généralement en premier. Nous sommes très intéressé.e.s par toutes les formes de créativité et nous voulons explorer beaucoup de pistes différentes avec ce que nous créons. Du coup, on a toujours ça en arrière pensée.
Orono : Mais nous ne sommes pas le genre de personne à voir des couleurs en écoutant de la musique !
Harry : Oui, ce n’est pas du tout ça. Nous travaillons à ce que nos chansons provoquent des émotions, qu’elles stimulent l’imagination. C’est pourquoi nous utilisons beaucoup de samples. On essaye de faire penser à quelque part, un monde dans lequel les gens peuvent se perdre. Dans ce sens, les vidéos sont la prochaine étape. On crée des chansons que vous pouvez mettre dans vos écouteurs et vous perdre dedans. On crée ce petit monde pour que vous alliez dedans, disparaître pour un moment.
Orono tu avais dis il y a longtemps que tu voulais collaborer avec Stephen Malkmus, c’est désormais chose faite. Qui est le prochain ?
Orono : J’ai trois héros : Stephen Malkmus, Rivers Cuomo et Ben Kweller. Ils sont tous les trois super cools et exactement comme je les imaginais. Pour cet album, j’ai voulu essayer de rencontrer plus de gens avec des métiers spécifiques et intéressants. J’essaye de me retenir de donner des noms comme beaucoup de gens le font. J’adorerais aussi rencontrer Lance Bangs qui est producteur et réalisateur, il a réalisé le documentaire sur Pavement. Il a également été cameraman pour les Jackass, a travaillé avec Spike Jonze… Il est un de mes réalisateurs préférés, j’aimerai vraiment le rencontrer, d’une façon ou d’une autre. Je pense que je me dirige peut-être autre part que sur la voie de la musique, parce que j’ai le sentiment d’avoir conquis la musique. J’aimerai aussi rencontrer Kanye mais on le veut tous [rires] ! Et Kanye ne voudrait pas me rencontrer.
Harry : La créativité générale est notre intérêt, nous ne sommes pas un groupe dans le sens traditionnel. Nous sommes des nerds (passionné.e.s) de la musique ! Nous sommes des nerds de tout, nous aimons l’art, les films, la musique, les différentes opportunités d’explorer créativement ces différents médiums. Faire des clips musicaux c’est comme se sentir enfant parce que je ne sais pas ce que je fais. C’est cool et fun. Rencontrer des gens très forts dans quelque chose sur lequel vous n’êtes pas spécialement fort est vraiment excitant.
Orono : Nous avons même rencontré des gens au cours du dernier album que nous n’avons pas directement reconnus, comme le gars qui a écrit et dirigé Wall-E (Andrew Stanton).
Harry : La première personne que nous avons rencontré était le gars qui a créé la série Fargo, l’adaptation du film des frères Coen. J’étais un grand fan de lui, de son travail et il est venu dans notre tour bus. Je lui ai dit que je suis un immense fan de lui. Nous étions à Austin. Noah Hawley dans notre tour bus. Nous avons dû le virer du tour bus parce que nous avions un important rendez-vous à Hollywood. Il était vraiment cool, il adorait notre musique. C’était vraiment trippant, parce qu’il semblait comme quelqu’un d’important pour moi mais il était dans notre van. Il nous a dit qu’il aimerait beaucoup avoir notre musique dans sa série. Et elle y a été. Nous avons travaillé avec des gens qui maîtrisent complètement ce qu’ils font. Voir des gens comme ça au travail est incroyable. Tu comprends pourquoi ils sont si bons.
Votre tournée mondiale démarrera en septembre… La scénographie et l’expérience live ont-elles changé par rapport à vos derniers concerts ?
Harry : Nous sommes encore en train de tout peaufiner. Ce sera différent. C’est une extension de ce que nous avons déjà construit.
Orono : Mais aussi très intimiste.
Harry : Je pense qu’avec le premier album, et c’est ce que nous avons essayé de faire avec le second et l’expérience live, on a réalisé qu’on voulait mettre l’accent sur les choses les plus extrêmes de ce que nous sommes. Le plus intimiste. Nous voulons mettre l’accent sur ces choses parce que la différence entre le très petit et le très grand est très intéressante pour nous.
Y-a-t-il un message sur votre album et si oui, lequel ?
Orono : Être soi-même, les amis sont importants.
Harry : Être soi-même, être sûr de ce que l’on veut et tenter de l’atteindre est vraiment important pour moi. Il y a une grosse différence avec le premier album parce qu’à l’époque nous ne savions pas ce que nous voulions. On voulait seulement faire des chansons qu’on appréciait, parce qu’on a jamais vraiment pensé qu’on deviendrait un groupe de musique. Quand nous avons fait Something for your mind, nous étions dans des pays différents et nous ne pensions pas partir tous ensemble en tournée dans le monde entier. Et puis on a fait un disque. On n’avait pas de plan initial. Nous sommes plus sûrs de nous-mêmes, plus sûrs de qui nous sommes et de ce que nous voulons être. L’album parle de tout ça.
Pour ma part, j’avais déjà beaucoup aimé le premier album mais j’ai encore plus apprécié celui-ci !
Harry : Merci ! Nous apprécions beaucoup tes compliments parce qu’on pensait que peut-être les gens voudraient juste entendre Something for your mind et Everybody wants to be famous encore et encore [rires] ! C’est pour ça que ça nous fait très plaisir que les gens aiment le second album.
Les chansons paraissent à la fois très personnelles et très universelles…
Harry : Exactement, très grand et très petit. C’est un album qui parle de choses très personnelles, de notre groupe d’amis qui perd la tête sur le tour bus par exemple. Mais c’est aussi comme si on regardait les autres depuis la perspective d’un alien. Être un alien, quelque part près de Saturne, avec un gros télescope et juste regarder une espèce entière et comment nous détruisons tout et reconstruisons tout tous ensemble.
Votre tournée intitulée World Wide Pop Tour commence en Septembre. Êtes-vous excité ?
Orono : Il y a 30 minutes j’aurai dis que non, ni l’un ni l’autre, mais les deux, et maintenant je dirai que oui, je suis excitée. Je change d’avis en permanence. J’ai hâte d’y être. Maintenant, nous savons comment une tournée fonctionne et tout ce qu’il y a autour. Quand nous serons en Amérique du Nord, nous ferons des journées off pour aller visiter les parcs nationaux. Voir de la nature. Je suis excité par ça, juste passer du bon temps avec tout le monde.
Harry : C’est excitant parce que le dernier concert que nous avons fait, c’était à Jakarta en octobre 2019 ! J’ai l’impression que j’étais une personne complètement différente ! Quand j’y pense, j’étais vraiment excité mais c’est bizarre après 2 ans passés assis dans ma maison. Nous allons encore voyager à travers le monde !
Quel est votre dernier coup de cœur musical ?
Harry : Pour moi c’est le rythme de Four to The Floor [rires] ! Je ne sais pas pourquoi mais depuis pas mal d’années j’aime beaucoup la musique électronique et la dance quand ça sonne plus pop. Daft Punk est évidemment et pour toujours l’un de mes groupes préférés. Je ne sais pas pourquoi mais ces quelques dernières années j’ai été de plus en plus intéressé par les rythmes, les répétitions… Elles ont un pouvoir. J’ai toujours été un “melodic guy”. Mais quelque chose dans les rythmes et répétitions m’interpellent.
Orono : « Slut Music » (= musique de pétasse). Je te montre un exemple, [elle joue la chanson sur son smartphone] le groupe s’appelle Avenue D et la chanson Do I look Like A Slut ?. Je les ai découverts grâce à Aïcha, la queen des années 2000. Avenue D, Miss Sancha et Peaches sont, fin 90 début 2000, les plus grandes représentantes de l’électroclash, le courant slut music. J’écoute ça en boucle.
Pas de nouveautés ? Ni l’un ni l’autre ?
Harry : Oui je sais, c’est bizarre, mais quand tu es toi-même dans un groupe et particulièrement quand tu tournes beaucoup, tu vois beaucoup de groupes, tout le temps. J’en suis là dorénavant. Les gens peuvent m’interroger sur les concerts post covid, je serai très mauvais ! 10 minutes d’un concert sont assez pour moi maintenant. Parce que j’ai vu tellement de concerts ! J’ai vu des centaines de concerts, derrière les barrières, j’ai même vu où sont cuites les saucisses.
Orono : La meilleure façon pour voir un groupe en festival c’est ça. Tu vas devant la scène à la toute fin du set, quand ils jouent leurs hits. Deux ou trois chansons que tout le monde connaît et tu kiffes le concert !
Harry : C’est vraiment rare aujourd’hui qu’un nouveau groupe émerge et que je sois directement obsédé par eux. Mais j’aime certains groupes actuels, et albums, mais je ne suis pas complètement obsédé par un artiste.
Orono : Parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’histoire. Pas beaucoup de temps s’est écoulé depuis leur début, alors que pour d’autres groupes, tu peux les remettre dans le contexte et voir comment ils rentrent dans le paysage musical. Pour une nerd de musique comme moi c’est très intéressant. Avec les nouveaux groupes tu ne peux pas vraiment faire ça. Mais je garde une oreille au cas où un groupe devient classique un jour, je pourrai dire que je me souviens quand ils ont grandi et ça c’est cool.