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Rencontre avec Noée Abita : « J’interprète souvent des personnages très courageux »

© Pyramide Distribution

Dans Les Passagers de la nuit de Mikhaël Hers, Noée Abita incarne Talulah, une jeune femme en marge qui erre et traverse le film, l’époque et les autres personnages, comme un écho à Pascale Ogier. Rencontre.

Tout d’abord, qu’est ce qui t’a plu à la lecture du scénario ? 

Beaucoup de choses, c’est un scénario tellement riche. J’ai été très touchée par le personnage de Charlotte, par la vie qu’elle essaye de bien mener pour ses enfants. Et ensuite, comment mon personnage rentre en scène. 

Comme un élément perturbateur ?

Perturbateur et en même temps pas vraiment. Heureusement qu’elle est allée dans leur vie et heureusement pour elle, elle rencontre Élisabeth. Mikhaël écrit tellement bien. Le scénario était magnifique et bouleversant. 

Être comédienne, c’était un rêve d’enfant ou c’est arrivé petit à petit ?

C’est venu un peu par hasard quand j’ai fait mon premier film. Après, c’est un désir qui grandit à chaque film, au fur et à mesure, voir à quel point j’adore travailler en tournage, le plaisir de jouer, de rencontrer des rôles, des personnes, des univers différents, de réaliser les rêves de réalisateurs. C’est galvanisant. 

Tu veux dire que ça t’apporte à chaque fois des choses personnellement ?

Oui beaucoup, ça me fait du bien. Chaque personnage m’apporte quelque chose et j’interprète souvent des personnages très courageux. Ça me donne de la force. 

C’est vrai que chacun de tes rôles est entre force et fragilité… même dans les courts métrages que tu as fait…

Je vis leur vie dans ce temps bizarre, mais ce sont vraiment des moments vécus. C’est très cathartique. 

Ce sont des personnages que tu estimes proches de ta personnalité en général ?

Éloignés et proches. Ils ont le caractère de la vie qu’ils ont eu. Après, on est dans le cinéma français donc en général, on est un peu pris parce qu’on ressemble aux rôles. 

Est- ce qu’il y a des caractéristiques de personnages que tu aimerais interpréter dans le futur ?

Oui, j’aimerais beaucoup interpréter des personnages plus extravagants et expansifs, qui prennent de la place, qui parlent fort. Mais je n’ai pas non plus de rêves concrets. Je pense que c’est vraiment la rencontre entre un scénario et un artiste, le travail du tournage et qu’on va y faire. En soit le résultat, c’est vraiment un bonus que le film soit bien ou pas. S’il l’est, c’est merveilleux, c’est une joie immense, mais sinon ce n’est pas très grave. 

© Pyramide Distribution

Tu veux dire que ce qui compte le plus, c’est le temps présent du tournage ?

Oui, c’est ce travail-là, en tout cas pour moi. C’est là où je prends le plus de plaisir.

Tu as une manière particulière de travailler tes rôles ?

C’est différent pour chaque film. Je pense que je n’ai pas de méthode, ou je ne l’ai pas encore trouvée. Parfois, je travaille énormément, par exemple pour Ava et Slalom, j’ai beaucoup travaillé, sur le corps en amont. Pour Slalom, j’ai dû prendre du poids, j’ai fait énormément de sport, j’ai été à la montagne toute seule. J’avais beaucoup travaillé sur le corps. Mais pour Les Passagers de la nuit, je n’ai pas eu l’impression de tant travailler. C’était plus intellectuel. C’était une construction un peu plus à tâtons. 

Peut-être parce que ton personnage est beaucoup dans l’interaction avec les autres ?

Oui, avec Charlotte (Gainsbourg) c’était dingue. En tant que jeune actrice, le fait de travailler avec des actrices comme Emmanuelle (Béart) et Charlotte, c’est fou. Et je pense que ce que j’ai réussi à faire, c’est grâce à elle. 

Justement, il y a d’autres acteurs et actrices avec qui tu aimerais jouer ou qui t’inspirent ?

J’ai toujours du mal à répondre à cette question. Il y en a tellement et à la fois pas. Que ce soit un acteur qui n’a jamais joué ou quelqu’un qui a une grande expérience, je vais soit ne pas m’en préoccuper ou être hyper excitée. Après, j’adorerais travailler avec mes ami.es. J’adorerais tourner un film avec Félix Maritaud par exemple. 

Il faudrait passer de l’autre côté, pour l’écrire et le réaliser…

C’est un autre travail. Je ne suis pas sûre que je suis très douée pour ça. J’adorerais, mais je n’ai pas encore essayé. 

Tu aurais des envies d’histoires à raconter ? 

Oui, j’ai pas mal d’idées.

Tu connaissais les films de Mikhaël avant de tourner avec lui ? 

J’avais déjà entendu parler de lui et de son cinéma évidemment, mais je n’avais vu aucun de ses films. Je les ai vus après le tournage. J’ai adoré. Ce sentiment de l’été, c’est magnifique. Il est très fort pour filmer la douceur, la sensibilité. Il capte vraiment l’essence des personnages. 

© Pyramide Distribution

Et l’ancrage du film dans les années 1980, qui est une époque que tu n’as pas connue, comment tu t’en es imprégnée ? 

Sur le tournage… Par les costumes et les décors. C’est vraiment une période hyper bizarre. Mitterrand venait d’être élu, c’était enfin la gauche au pouvoir. Une effervescence incroyable qui bascule petit à petit dans la désillusion. Et on sort des années où le travail coulait à flots. Les femmes commençaient peu à peu à vouloir autre chose. La majorité ne travaillait pas. Aujourd’hui, ça parait impensable. C’est tellement une époque charnière. Et du côté des vêtements, du mobilier, c’était ringard. Il y a vraiment une recherche de rupture, de changement avec une époque. Et il a fallu passer par là, je trouve ça dingue. 

Tu n’as pas l’impression qu’il y a des échos avec aujourd’hui, où on revit cette rechute et cette désillusion et comme la jeunesse des années 1980, celle d’aujourd’hui a cette même énergie de changement ? 

Je ne sais pas. En-tout-cas sûrement pas la même, car celle des années 1980 était très politisée, très engagée politiquement pour les votes, etc. Aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. Et c’est quand même fascinant. On est dans un entre-soi, je pense, dû aux réseaux sociaux. Tu n’es qu’avec toi-même. Tout est calculé pour te faire voir que des choses auxquelles tu penses, avec lesquelles tu es d’accord. Les formats t’apportent des nouvelles politiques qui correspondent déjà à tes idées. Et finalement, tu ne vas plus chercher l’information donc tu n’es plus confronté à des informations contradictoires. Donc tu ne t’intéresses plus au monde. Et c’est tragique, car c’est nous qui allons vivre ce monde-là pendant que les générations précédentes continuent de le mener. Ça va être le nôtre et j’ai un peu peur de ce moment-là dans dix, quinze ans où on se dira : mais qu’est-ce qu’on a foutu ? C’est quand même fou qu’aujourd’hui l’écologie ne soit pas le but numéro 1. Donc, non, il y a une désillusion certes, mais pas la même. Elle est beaucoup trop dans l’égoïsme.

Et pour rester sur les années 1980, l’apparition de Pascale Ogier dans Les Passagers de la nuit fait écho à ton personnage, c’est une actrice qui t’inspire ? 

J’ai vu ses films. J’adore. Elle représente les années 1980. C’est vraiment la génération avant-gardiste qui débarque. Et à la fois, c’est complètement triste aussi, son destin est tragique et correspond à la fin des années 1980. Mon personnage s’identifie à elle dans une ressemblance. Talulah voit en cette actrice quelque chose qu’elle pourrait être si elle pouvait se sauver. Et elle est désespérée quand elle entend sa mort, ce qui prouve qu’elle est tellement dans sa bulle, dans un autre monde. Elle est coupée de la réalité. Les retours au réel sont violents. 

Finalement, c’est un personnage qui passe, qui traverse l’histoire et les autres personnages et l’époque ? 

C’est le petit guide, la petite fée qui va mettre en lumière certaines qualités des personnages et les relever. Ce sont des portraits de femmes aussi. Et ce sont des personnages qui sont différents et qui acceptent et respectent leurs différences. Le personnage de Megan, c’est la nouvelle génération de la femme, beaucoup plus entreprenante, très décideuse de sa vie avec des engagements, des opinions. Talulah est plus libre dans ses amours, dans l’errance. Et en même temps, je n’aime pas dire qu’elle est libre, car la liberté, c’est positif et c’est un choix. Ça ne sera jamais mauvais. Elle n’est pas libre, elle est perdue. Elle erre. Le personnage de Megan est libre de ses choix et elle est heureuse de ses choix. Tu peux devenir libre en ayant grandi dans un cadre tant qu’il est bienveillant et amour. 

C’est un des sujets du film, cette bienveillance…

Oui, ça porte beaucoup.

Et la suite, quels sont tes futurs projets au cinéma ?

J’ai un film qui sort en septembre qui s’appelle Le Déhanché d’Elvis avec Karin Viard et Grégory Gadebois et après j’ai des tournages bientôt.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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