Deux fois par mois, la rédaction se dédie entièrement au « petit écran » et revient sur une série pour la partager avec vous. Toutes époques et toutes nationalités confondues, ce format pourra vous permettre de retrouver vos séries fétiches… ou de découvrir des pépites. Aujourd’hui, l‘adaptation du roman éponyme signé Sarah Vaughan, Anatomy of a scandal (Anatomie d’un scandale) brosse le portrait d’une société britannique combattue, entre moeurs politiques et justice policée.
Anatomy of a scandal est sortie sur la plateforme américaine le 15 avril 2022. La mini-série de 6 épisodes nous plonge au coeur d’un procès. James Whitehouse (Rupert Friend), bras droit du Premier Ministre britannique, a maintenu une liaison de plusieurs mois avec une collaboratrice. Alors que l’affaire sort dans les médias et que le politicien fait son mea culpa à sa femme, Sophie, la convocation tombe. L’ex-maîtresse le poursuit pour viol. Une affaire qui prend et perd à la fois de l’ampleur du fait de l’importance politique du prévenu.
Alors qu’il est protégé par son puissant ami et que le système a tout pour le favoriser, c’est du côté personnel que Whitehouse va être remis en question. En plaçant l’intrigue du point de vue de sa femme, Sophie (Sienna Miller), l’histoire donne de l’importance aux faits comme on les raconte et les perçoit, et non comme on les a vécus. En donnant de l’importance, en revanche, à l’avocate de l’accusation, Kate Woodcroft (Michelle Dockery) , on se plonge directement dans l’action de l’affaire. Une manière d’appréhender toutes les nuances de l’intrigue.
Un scénario crédible mais dispersé
L’intrigue de l’histoire est simple : un homme de pouvoir est accusé de viol par sa maîtresse. S’ensuit alors un procès dans lequel la politique vient faire entrave à la justice. La relation avec sa femme en pâtit, la confiance de celle-ci s’ébranle Lorsque Sophie apprend l’infidélité de son mari, la situation semble assez claire pour elle. Ils ont deux enfants, hors de question de laisser une amourette détruire une famille parfaite. Mais tout bascule lorsque l’on annonce le procès pour viol. Elle se retrouve alors dans une spirale de doutes et de questionnements, auxquels vont s’ajouter réminiscences et souvenirs qui ne vont qu’alimenter ses hésitations. Véritable pilier pour son mari dans cette affaire, elle balance entre son instinct et son « devoir » de femme et de mère de famille.
Le suivi du procès est assez clair et basique. Les évènements se suivent chronologiquement. Il n’y a pas vraiment de raccourcis juridiques, qui privent l’affaire de sa substance. Les éléments sont présentés avec suffisamment de simplicité pour suivre l’entièreté de l’affaire sans notions de droit. Cependant, les différentes complexités, d’ordre anecdotique, sont présentées de manière assez dispersées. Nous comprenons ainsi que l’affaire est plus compliquée qu’une « simple » histoire de viol (même si le terme « simple » est difficilement applicable), mais sans pour autant vraiment réussir à reconstituer la trame complexe par nous-mêmes.
Il est toujours important de s’appuyer sur les éléments qui se présentent à l’écran. Cependant, l’histoire devrait pouvoir tenir debout dans notre tête même après avoir vu la série. Le regret est donc un scénario un peu dispersé, avec divers éléments de prime abord peu connectés entre eux, mais dont le lien est primordial pour saisir l’entièreté de l’intrigue.
Cependant, la performance du casting, ainsi que le choix de point de vue redonnent à l’histoire une intensité et une profondeur de qualité.
La femme fidèle… mais jusqu’à quand ?
James Whitehouse a tout pour plaire. Il est bel homme, charismatique à souhait, intelligent et ambitieux. Dans les petits papiers du Premier Ministre, père de famille exemplaire. Et pourtant. Non seulement il est accusé, et reconnu coupable, d’une aventure avec une collègue en situation hiérarchique inférieure, mais il est également accusé de viol par celle-ci. En quelques minutes, l’image de l’homme parfait s’envole. Du moins le temps du procès.
Tout au long de l’histoire, James Whitehouse est « l’homme qui ». Il est l’initiateur du contentieux, il est la coqueluche des médias. Tout indique qu’il sera au centre de l’attention tout au long de la série. Cependant, c’est du côté des femmes qui l’entoure que l’on se tourne. Que ce soit Sophie, sa femme, ou Kate, la procureure, ce sont les éléments féminins qui donnent le rythme, et qui mènent la danse.
Sophie, de son côté, illustre le doute, l’incertitude de l’affaire. Elle titube entre sa famille parfaite et son envie de la préserver, et son instinct qui lui dit qu’il y a plus derrière cette affaire. L’écran de fumée qu’elle s’est créé pour ne pas voir la vérité se dissipe petit à petit. Ainsi, elle replonge dans les souvenirs d’université, lorsque l’élite d’Oxford dont faisait partie son mari régnait sur le campus. On entend à plusieurs reprises parler de cette célèbre « Omertà des Libertines », ce slogan qui veut tout dire. Sophie l’étudiante nous plonge dans une ambiance où tout est permis aux hommes. Une ambiance où les femmes baissent la tête sur leur passage. Les souvenirs nous interrogent, nous expliquent, nous montrent. Ils justifient, sans excuser, les hommes adultes d’aujourd’hui. Si le juge ne peut voir les flashbacks de Sophie, de notre côté, l’affaire s’éclaircit très rapidement.
La femme puissante
L’impassible Kate Woodcroft s’oppose à cette figure féminine qui vacille. La brillante avocate, connue pour être imperturbable et féroce, aborde cette affaire avec dès le début un engagement particulier. Le spectateur le comprend par des détails plus ou moins subtils : un appel téléphonique à une amie, un langage corporel différent, des flashbacks de son passé. Sans aucun doute, l’affaire Whitehouse n’est pas sans importance pour l’avocate. Jouée avec brio par Michelle Dockery, elle nous plante un personnage fort, sûr d’elle, qui refuse de plier face à la suprématie masculine ultime. Whitehouse plongera, et pas elle, coûte que coûte. On comprend vite que son attachement à cette affaire est plus personnel que professionnel : décision discutable de sa part d’un point de vue juridique. Mais terriblement efficace d’un point de vue scénaristique.
Justice e(s)t société
Les jeux de regard ont une importance primordiale dans cette série. Ils représentent le combat entre la justice et la société, dominée par la politique. Ainsi, ce n’est pas seulement Olivia Lytton qui porte plainte contre James Whitehouse. Ce sont toutes les femmes qui portent plainte contre les hommes. Toutes les femmes qui se dressent contre un système ayant trop souvent favorisé le sexe dont elles sont les deuxièmes. Il y a une injustice patente qui se dévoile tout au long du film, et qui fait grincer des dents car étrangement (ou non) familière. Petit à petit, on se prend au jeu, on plonge dans le procès comme ceux qui se plongent dans un match de foot. On suit le déroulement de l’affaire avec cette légère appréhension de “et si”, comme si cela scellerait notre destin.
Il n’y a pas de coup d’éclat, de grands cris, de deus ex machina de dernière minute. Uniquement la justice, calme, froide, neutre. Il n’y a que la procédure, qui demande à une femme comment est-ce possible qu’elle ait dit non si elle avait un jour dit oui. Rien de scandaleux dans ce procès, qui ne fait que suivre la loi. Et c’est cela qui est terrifiant.
Quelle injustice. Mais enfin, ce qu’il y a avec les victimes, c’est qu’elles ne lâchent jamais. Et ce qu’il y a avec les agresseurs, c’est qu’ils le seront pour toujours.