CINÉMA

« Cinéphiles de notre temps » – Mémoire, cité ouverte

Cinéphiles de notre temps
© Lucie Alvado

Depuis presque trois années, Phane Montet et Clément Coucoureux préparent, animent et réalisent le podcast Cinéphiles de notre temps. Épisodes après épisodes, ils interrogent le rapport à l’écran de professionnels du cinéma, et ce faisant, cartographient le concept de cinéphilie.

Un opus de cinéphiles de notre temps commence par une citation. Sorte d’accroche, de démarrage. S’ensuit un portrait chinois. Et là, s’esquisse le principal atout du podcast. D’abord par la qualité des invités, tous impliqués professionnellement dans la distribution, la programmation, la critique, etc. Ensuite par le travail sous-jacent, en amont, pour saisir et anticiper les subtilités de l’hôte. En général, il est interrogé directement en tant que cinéphile. Souvent, le domaine d’exercice de l’invité a une moindre importance au début. Cela permet aussi à l’auditeur de comprendre le parcours esthétique. « À la base, nous cherchons à nous adresser au public le plus large possible – toute cinéphilie confondue – et c’est pour cela que nous choisissons des invité·es très différents », confie Clément Coucoureux.

En effet, la volonté de précision se conjugue avec l’éclectisme des professions, des origines. De Lou Howard, actrice, doubleuse et youtubeuse, à Callisto McNulty, traductrice et réalisatrice, en passant par Para One, compositeur et réalisateur ; tout type de profil passe au crible des interrogations de Phane Montet et Clément Coucoureux. Par conséquent, le podcast se démarque aussi par l’abondance des références toutes plus variés les unes que les autres. Et même si le public cible se veut large, le cinéma invoqué par les invités est souvent assez exigeant. Deuxième point positif, cette exigence ne se réalise pas au détriment de la clarté.

On pourrait avoir tendance à croire que seule une parole académique ou experte pourrait produire un discours valable sur le cinéma. Or, en presque 30 entretiens (et autant de pastilles) on constate que partir de l’intime permet de faire dire des choses très pertinentes et très justes à nos invité·es.

Clément Coucoureux pour Maze, 29 mars 2022

Au contraire, il y a une certaine jouissance dans le foisonnement, un épanouissement dans la recherche et la compréhension de l’autre, hôte ou auditeur. Les rubriques suivant le portrait : mémoire et sommeil, carte blanche, film refuge, etc. laissent plus de latitudes au convive pour exprimer leur particularité. Une émission plus axée sur la critique lors du passage de Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde entre autres. Mais aussi, des liens avec la musique pour Barbara Carlotti.

Enfin, par l’incidence de l’intime, Cinéphiles de notre temps est l’opportunité de tous et toutes de découvrir ou ré-évoquer toute sorte de films. Film de genre, film de niche ou grand divertissement… toutes les régions du monde sont mises à l’honneur. Fourmillement d’auteurs et d’autrices, cette incursion dans l’affect du cinéphile accède à l’essentiel tout en conservant une part de mystère.

Partant de la théorie vers la praxis, Cinéphiles de notre temps collabore avec la Cinémathèque française pour les enregistrements, ou avec La Clef, cinéma d’art et d’essai du 5e arrondissement de Paris. De plus, le podcast s’est aussi épanouis à L’Étrange Festival pour des pastilles évoquant des films culte comme Laurin (1989). Encore plus engagé, Cinéphiles de notre temps se range aux côtés du Collectif Grave ; une association indépendante distribuant des courts-métrages dans l’optique de trouver une nouvelle vois de communion entre spectateurs.

Cinéphiles de notre temps est un médium jeune et libre, trait d’union entre les œuvres de Satyajit Ray et Kelly Reichardt. Le podcast est simplement parmi ce qui se fait mieux dans sa catégorie. Pour finir de vous convaincre, écoutez l’épisode avec Aline Ahond, peintre, photographe et cinéaste.

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