ART

« Seen through others » – Xinyi Cheng expose à Paris

Landline, Xinyi Cheng (2021) © Aurélien Mole

L’artiste Xinyi Cheng, née en Chine et vivant à Paris, expose ses peintures à la Fondation Lafayette Anticipations à Paris jusqu’au 28 mai. Dans une atmosphère suspendue, des scènes intimes et quotidiennes sont représentées.

L’exposition « Seen through others » présente une trentaine de ses peintures à l’huile. La déambulation se fait sur les trois étages du lieu et nous emporte peu à peu dans l’univers singulier de cette artiste où les couleurs et les êtres nous font chavirer dans un autre espace-temps. 

Saisir des situations

The Smoker, 2021 (73 × 71 cm) & Whirlpool, 2021 (91 × 101 cm) © photo : Aurélien Mole

Les peintures de Xinyi Cheng représentent des situations quotidiennes dans des intérieurs. Elles alternent entre scènes arrêtées de moments d’intimités (un homme affalé nu sur un canapé, le sexe non bandé) et plans serrés de corps (deux pieds aspirés dans un tourbillon de tons jaunes). Pour produire ses œuvres, Xinyi Cheng suit un processus technique précis. Tout part, selon elle, d’une scène qu’elle fantasme ou imagine. De cette vision intérieure, elle en fait une situation réelle, en demandant à certains de ses proches de prendre la pose pour reproduire les scènes qu’elle avait en esprit. L’artiste capture ensuite ces situations par des prises photographiques qui seront le matériel de travail pour peindre ses toiles. Elle réalise plusieurs esquisses préparatoires au dessin pour pouvoir, une fois face à la toile, se plonger et se concentrer uniquement sur la matière picturale et colorée. 

Elle peint des situations qui ne sont ni épiques, ni héroïques. Ces situations sont des arrêts sur image de moments de vie ordinaire. Elles ne s’inscrivent pas dans une narration ou dans une histoire. Ce sont des instants d’entre-deux. Les personnages rêvent, s’ennuient, attendent. Selon les situations, elle donne à voir des êtres qui fument, qui boivent, qui se font coiffer, qui s’embrassent. Son travail des scènes s’accorde avec son art du cadrage. Elle découpe les plans de façon précise ce qui donne un regard particulier sur ces situations quotidiennes comme ce tableau d’un plan rapproché de pieds entortillés postés près de la bonde d’une douche ou encore celui d’un homme plongeant deux doigts dans un verre de vin au centre de l’image. 

Toutes ces situations paraissent flotter dans une même atmosphère planante. La temporalité est pareil à celle, cotonneuse, qui emplit une pièce après que des amants aient fait l’amour. Les corps sont relâchés et habités d’une satisfaction mêlée de mélancolie. 

Choisir la couleur

Resolutions, 2020 (60 × 40 cm) & Parapetto, 2021 (160 × 145 cm) © photo  : Aurélien Mole
 

Les tons chromatiques de la palette de Xinyi Cheng ne sont ni réalistes, ni pop. Les couleurs se patinent à la surface de la toile  : atténuées et puissantes. L’usage de la peinture à l’huile donne par endroit l’impression d’être encore fraîche et mouillée. Elle vibre et brille. 

Les compositions de personnages émergent de fonds colorés et abstraits. Les aplats de couleurs en arrière-plan sont des camaïeux de couleurs en transparence. Ils donnent une température et une vibration émotionnelle à la scène. La palette de l’artiste est très instinctive. Les couleurs ne naissent pas par choix mais par accidents et rencontres des teintes à la surface de la toile. Elles se mélangent et s’empiètent. Ailleurs, la couleur y est plus vive. Les iris des yeux ou les tétons sont d’un bleu éclatant ou d’un rose fluorescent. Ils percent à la surface contrastant avec les tons alentour. Aussi, la lumière est un point d’orgue à la recherche picturale de l’artiste. Les lueurs, des briquets ou des fraises de cigarettes, sont le cœur battant de ses œuvres.

Peindre l’émotion

Swimmers, 2021 (100 × 120 cm) & Where do the noses go ?, 2021 (60 × 73 cm) © photo : Aurélien Mole 

Couleur, situation et lumière sont les outils à partir desquels Xinyi Cheng compose ses paysages émotionnels. Sa peinture travaille à rendre les ressentis humais qui peuvent être complexes et contradictoires. Elle rend visible ce qui est habituellement invisible pour l’oeil humain. Grâce à ses choix picturaux, elle donne à voir la densité, l’odeur ou l’ambiance d’une scène.

Ainsi, Landline (2021) est une peinture où un homme est avachi dans un canapé, vêtu d’un caleçon au motif léopard, le combiné du téléphone filaire coincé entre son oreille et son épaule. Le tableau travaille la monochromie puisque tous les tons tirent vers les ocres-orangers. L’artiste affirme d’ailleurs, dans une interview, que la couleur orange est, pour elle, un équivalent émotionnel de l’anxiété. Parfois, un ciel, rouge sang, balaie une toile de droite à gauche. Les teintes de peaux sont mauves, jaunes ou vertes. L’usage du blanc est lui très rare dans sa palette. Elle l’utilise parfois pour rehausser un détail comme le reflet d’un verre en cristal ou l’éclat de la lumière sur un canapé en cuir. 

«  Seen through others  », exposition sensible et intime, présente les peintures de Xinyi Cheng qui mettent en espace des moments du quotidien, apparemment anodins, qui laissent pourtant paraître quelque chose de notre complexe humanité.  

Le commissariat de l’exposition est assuré par Christina Li.

Exposition « Seen through others  », Fondation Lafayette Anticipations, 9 Rue du Plâtre, 75004 Paris. Jusqu’au 28 mai 2022. Contact au 01 42 74 95 59.  Horaires : les lundis, mercredis, vendredis, samedis et dimanches de 11h à 19h.

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