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Rencontre avec Mashasexplique : « En France, l’éducation sexuelle est quasi nulle »

Capture d'écran Instagram © Mashasexplique

Suivie par un peu plus de 100 000 personnes sur Instagram, Mathilde (@Mashasexplique) éduque, vulgarise, conseille et déconstruit les mythes qui gravitent autour de la sexualité. Rencontre.

L’activité de Mathilde (@Mashasexplique) sur les réseaux sociaux lui a permis de co-créer #MonPostpartum – accompagnée des militantes féministes Ayla Saura et Morgane Koresh – ainsi que #cherepoitrine. En août 2021, cette « maman sans filtres », publie Sexplorer. 50 pages de conseils pratiques pour cultiver la jouissance au quotidien, un manuel ludique et finement travaillé pour partir à la quête de son propre bien-être sexuel. Peu de temps après, elle participe à l’écriture de la bande dessinée Un corps pour deux, un ouvrage qui relate les difficultés de la maternité. Parce que « les étapes de la vie ne sont pas toutes roses ou toutes noires. ».


Masha écoute, discute et apporte ses conseils pour une sexualité plus consciencieuse, respectueuse et humaine. Comprendre son corps, ses désirs, ses orgasmes, explorer sa sexualité sans tabous aucuns, lâcher prise, normaliser le corps, les relations non conventionnelles et l’égalité des sexes. Animée par sa passion, elle organise également des ateliers pour «  renouer avec ta vie intime  » à Nîmes.

Ton parcours professionnel a-t-il un lien avec ton activité actuelle  ?

Masha – J’ai une licence de lettres modernes, ce qui n’a absolument rien à voir (rires). J’ai travaillé dans des associations d’éducation populaires et quand je suis tombée enceinte j’ai eu envie de partager mon expérience. J’écris depuis que je suis gamine, du coup, comme la sexualité est un sujet qui me passionnait depuis longtemps, et qui certainement continue à me passionner, j’ai lancé mon blog. J’avais pas de formation dans le domaine donc j’ai commencé avec le CERFA pour être praticienne en sexologie. J’ai été complètement déçue par la formation donc je n’ai pas continué. Cette année je me suis inscrite en psychologie, pour devenir psychologue clinicienne.

C’est donc ta grossesse qui t’as donné envie de te lancer  ?

Les hormones de la grossesse ont certainement joué. C’était aussi un constat  : en France l’éducation sexuelle est quasi nulle, ce n’est pas un sujet dont les institutions se sont réellement saisies. Dans l’éducation nationale mais également dans le domaine de la santé, où c’est souvent une non-problématique. Par exemple, si on prescrit un anti-dépresseur, on va pas forcément prévenir lae patient.e  que cela peut baisser la libido, ni quels sont les impacts des maladies sur la santé sexuelle. Peut-être parce que la sexologie est une matière pas encore suffisamment reconnue à sa juste valeur. Elle est assez récente et est au croisement de plusieurs autres disciplines.

Et puis, il y a tout le tabou autour, du fait que c’était un sous-sujet, la recherche a mit du temps à s’y intéresser et encore maintenant il reste du taf. Donc, de ces lacunes j’ai pensé  : « J’ai des connaissances, des choses à partager  ». Il y a un besoin et moi, de mon côté, passionnée, j’avais envie de partager mes expériences. D’ailleurs, j’étais souvent une référence auprès de mes copines.

Est-ce que tu as la sensation  que le confinement à eu un quelconque impact négatif sur la sexualité des gens  ?

J’ai commencé il y a deux ans. Durant le premier confinement j’avais mon compte Instagram mais c’était chill. C’est vraiment après le premier confinement que ça a commencé. Mon compte n’a jamais explosé, il a toujours eu une progression proportionnelle. Évidement, le confinement a eu des impacts. Pas de traumatismes, mais j’ai constaté des personnes qui étaient confinées ensembles, c’était dur et stressant. Pour le coup, ça a complètement inhibé leur libido. C’est ça qui est le plus ressorti.

Après, il y a tout un tas d’effets qu’on ne mesure pas bien car les gens n’en ont pas encore forcément conscience ou n’ont pas encore mesuré l’impact que cela a pu avoir sur eux. À un certain moment on parlait de 5e vague du covid, parce que justement la 5e vague c’est ça, c’est la détresse psychologique qui est complètement mise de côté. J’ai reçu des messages pour des problèmes de couples et de libido majoritairement. Il y a eu des conséquences, c’est indéniable.

Quelle est selon toi la cause du manque d’éducation  ?

Il n’y en a pas tout simplement. On devrait être à 21 cours d’éducation sexuelle dans l’enseignement public, pourtant nous sommes actuellement sur une moyenne de 2 à 3 cours. Non seulement il n’y en a pas, mais en plus ils ont créé de la désinformation – malgré nous-même parfois. Comme il n’y a pas d’éducation sexuelle, alors les gens se basent sur leurs expériences, les idées reçues, les croyances, le bouche à oreille, le porno, les magazines qui perpétuent des clichés et de là on se retrouve avec une éducation sexuelle qui n’en est pas une.

As-tu la sensation que les choses ont évolué  ?

Oui  ! On se saisit de l’éducation sexuelle comme quelque chose de positif, on le défend dans les courant féministes, les nouvelles générations sont bien plus informées et ça se ressent dans le milieux de la santé. À présent, ce serait bien que notre gouvernement prenne des mesures à la hauteur de ces changements de société.

Quelle est la remarque ou le témoignages que tu reçois le plus dans tes dm  ?

«  Est-ce que je suis normale  ? Est-ce que ce que je fais, ce que je pense, ce que je vis c’est normal  ?  » est une question qui revient souvent. L’un des points clefs de mon travail est de déplacer la question vers une autre question. L’important n’est pas de questionner la norme, ni l’impact de la norme sur nous, mais plutôt si ça fait du bien à soi, à l’autre personne, si on le souhaite, si on est consentant. J’entends aussi  :  «  Je suis en couple et des fois je crush sur d’autres personnes, est-ce que c’est normal  ?  ». On retrouve le manque d’information, de discussions autours. Si ces personnes viennent m’en parler à moi c’est certainement parce qu’elles n’ont personne d’autre à qui en parler.

 Est-ce que tu te sens légitime de donner des conseils aux personnes qui te suivent ?

Je ne fais pas de thérapie, je ne suis pas médecin, je ne me prends pas pour qui je ne suis pas. Je fais de l’éducation sexuelle, je repartage des informations que j’essaye de sourcer au maximum. Si on aime pas ma façon de faire ou de penser, rien n’oblige à adhérer.

Je me sens légitime car je suis à ma juste place et surtout parce que je suis suivie par plein de professionnels de la santé avec qui je discute, ce qui est très enrichissant et qui d’ailleurs me permets de pouvoir rediriger.  Non, je ne pourrais pas savoir pourquoi une femme a une mycose aujourd’hui, il faudra aller chez un médecin. Justement, avoir un petit catalogue de professionnels de la santé me permet de rediriger et trouver rapidement un médecin pour une personne qui a une problématique spécifique. Donc non, je ne me suis jamais dit «  je ne suis pas légitime de parler de cul  ».

À qui s’adresse ton livre Sexplorer  ?

Il existe pour ceux qui ont envie de pratique, de concret, de faire des exercices, de réviser leurs bases, qui se posent des questions. J’ai essayé d’apporter le côté inclusif dans mon langage et ma façon d’écrire en utilisant le langage épicène. C’est aussi comme ça que l’éducation sexuelle évolue  !

Des femmes féministes à recommander  ?

Emily Nagoski, qui a écrit Je jouis comme je suis ou encore la journaliste Mona Chollet, autrice de Beauté Fatale.

Une chose à bannir en 2022  ?

La non inclusivité lorsque l’on parle de sexualité. Que ce soit des genres ou des orientations sexuelles. Ce serait bien, ça ferait du bien de changer cet aspect là.

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