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Festival Music & Cinéma Marseille – « Murina » : Les dessous du paradis

les dessous du paradis
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Présenté au Festival Music & Cinéma Marseille, Murina est le premier long-métrage d’Antoneta Alamat Kusijanovic. À la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021, il remporte la Caméra d’or.

Julija (Gracija Filipovic) a grandi au paradis, entourée de ses parents Nela (Danica Curcic) et Ante (Leon Lucev). Son quotidien, rythmé de baignades dans l’eau claire que lui offrent les criques croates, a tout d’une idylle. Mais à dix-sept ans, quand le passé refait surface, pas question de le laisser filer. Il faut le questionner.

Cette détermination propre à la jeunesse de faire entendre sa voix, sans avoir pris le soin d’en évaluer les conséquences, est ardemment mise en lumière par des dialogues rares, mais tranchants. Julija use de sa parole avec agilité, manipulant aisément cette arme qu’elle emploie violemment. Quand le désir rencontre les regrets pour venir se mêler à la grandeur des rêves, l’équation chancelle.

La dynamique familiale est troublée par les rêves et les désillusions de chacun. Un père criblé d’incertitudes et craintif, une mère bienveillante, mais contrainte à se soumettre… et une fille tentant tant bien que mal de comprendre émotions des autres, à défaut de pouvoir découvrir les siennes librement.

Les dessous du paradis
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Le prix de la liberté

Murina est un manifeste de liberté désirée, opposant ce bout de paradis, à l’égide paternelle, qui opprime toute forme d’émancipation. Ce contraste est habillement traduit en musique par les compositions des frères Galperine. L’eau, la mélodie des cordes, cette relation charnelle qui les relie, noue Julija à l’océan et nous noie dans un flot de douceur. La mer, c’est son repère. L’endroit où, malgré tout, elle retourne avec candeur, s’échappant dans les dessous du paradis.

Sa complicité naturelle avec Danica Curcic, son hésitante opposition à Leon Lucev, rendent l’interprétation de Gracija Filipovic remarquable. Dotée d’une sensibilité et d’une grâce innées, ses accents de violence n’en sont pas moins justes.

Avec Murina, Antoneta Alamat Kusijanovic questionne le machisme et la violence dans lesquelles évoluent deux générations de femmes. Elle y dénonce l’autorité paternelle, qui peine à exprimer son amour, et se perd peu à peu dans son rôle aux frontières floues.

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