Présenté au Festival du cinéma américain de Deauville puis en compétition à L’ Étrange Festival, Inexorable de Fabrice du Welz explore la fatalité dans ses recoins les plus sombres, porté par un duo impressionnant : Alba Gaia Bellugi et Benoit Poelvoorde.
Deux ans après Adoration qui clôturait une « trilogie des Ardennes » entamée avec Calvaire (2005) puis Alléluia (2014), le cinéaste belge Fabrice du Welz a présenté sa dernière oeuvre Inexorable lors de L’Étrange Festival. Ici, Gloria – la gloire – n’est plus ni l’amoureuse destructrice quadra incarnée par Lola Dueñas dans Alléluia, ni l’adolescente schizophrène interprétée par Fantine Harduin dans Adoration. Entre ces deux âges, la jeune femme est l’élément perturbateur du récit, pourtant elle est aussi en quête d’amour. Elle va s’introduire dans la maison et la vie de la famille de Marcel Bellmer et Jeanne Drahi.
Marcel Bellmer (Benoit Poelvoorde), auteur d’un roman à succès au titre éponyme, Inexorable, n’a plus d’inspiration. Sa femme, Jeanne Drahi (Mélanie Doutey), vient d’hériter de l’immense maison de son père. Ils viennent d’y emménager avec leur fille. Le film s’ouvre sur l’achat d’un chien, un premier élément qui vient déranger l’équilibre familial. Par cet animal, comme un cadeau empoisonné, la jeune Gloria (Alba Gaia Bellugi), fan obsédée par l’oeuvre de Bellmer, se lie rapidement à la famille. L’issue sera fatale et pas autrement.
The Servant
Si l’histoire et la mécanique du scénario d’Inexorable n’a, sur le papier, rien d’original, Fabrice du Welz maîtrise la structure de son thriller. Il créé une atmosphère particulière dans laquelle ses personnages sont enfermés en huis clos. Dans cette demeure bourgeoise, devenue personnage principal, le cinéma de Chabrol mais surtout celui Joseph Losey – avec La Bête s’éveille (1954) et The Servant (1963) en tête – semblent planer sur le film.
Comme le personnage de Dirk Bogarde, celui de Alba Gaia Bellugi cache un secret et manipule les autres pour se retrouver au service de la famille Bellmer. Une position vertigineuse, invoquant la violence sociale pour atteindre la proximité avec l’écrivain, en semant le trouble au sein du couple. Ainsi, Gloria, introduit ses mensonges et sa sensualité, condamnant le calme de la bourgeoisie. Les nombreux plans de l’immense escalier prêt à s’effondrer symbolisent les tourments du héros et l’emprise de Gloria.
Les interrogations se bousculent : Qui est cette jeune femme ? D’où vient-elle ? Quel lien l’unit à cette famille ? Tandis que la jeune fille, ange des Enfers, attire à elle Pierre Bellmer. Peu importe la fatalité finale devinée, toute la réussite du film réside dans l’installation de la tension dramatique et sexuelle dans la maison. Accompagnant son thriller d’une mise en scène efficace, travaillée sans prétention, Fabrice du Welz pense son ambiance en soignant les couleurs, les lumières et le grain de la pellicule. Il offre inévitablement une image particulière, prête à évoquer l’esthétique du giallo.
Dans cette imagerie au lieu presque unique, la confrontation des jeux des quatre comédien.nes est impressionnante. Benoit Poelvoorde pose un personnage aux angoisses inscrites sur son visage et dans sa manière de bouger. Mélanie Doutey donne une autre version de la traditionnelle femme bourgeoise. La jeune Janaïna Halloy s’impose alors que Alba Gaia Bellugi incarne à la perfection le désordre érotique.
Un quatuor fascinant qui permet au cinéaste belge de continuer d’explorer les affres des pulsions humaines, là où la psychologie et la chair des personnages se rencontrent dans un cadre voué à la destruction.