Après La Femme de mon frère sélectionné pour Un certain regard à Cannes en 2019, Monia Chokri réalise Babysitter, son deuxième long-métrage. Une comédie grinçante qui mélange fantastique et féminisme.
Après une blague sexiste qui devient virale, Cédric (Patrick Hivon) perd son travail. Encouragé par son frère (Steve Laplante), il décide d’écrire un livre introspectif sur sa misogynie et son sexisme. À la maison, c’est le babyblues pour sa femme Nadine (Monia Chokri) qui vient d’accoucher. Lorsque cette dernière décide d’inverser les rôles et de retourner travailler, Cédric doit s’occuper de l’enfant. Dépassé, il décide alors d’engager une babysitter, Amy (Nadia Tereszkiewicz), sans demander l’avis de sa femme. La jeune femme va bouleverser le très fragile équilibre restant de cette famille.
Babysitter est un film difficile à classer. Sélectionné en compétition officielle à Sundance dans la section Midnight (c’est-à-dire la section film d’horreur), le film mêle comédie, esthétique pop, série B, horreur et surtout théâtre. Il est en effet adapté d’une pièce de théâtre de Catherine Léger, qui signe le scénario. C’est à la suite de la naissance de son deuxième enfant que la dramaturge québécoise a écrit sa pièce en 2015.
En parallèle de cette période de post-partum fatiguant, Catherine Léger s’est intéressé à un phénomène douteux qui faisait beaucoup parler de lui outre-Atlantique. À l’époque, des hommes s’amusaient à interrompre en direct des reportrices en criant à la caméra « Fuck her right in the pussy ». C’est le licenciement d’un de ces hommes suite à ses propos sexistes qui a donné l’idée de l’écriture de la pièce. Dans le film, ces propos ont été transformés en « J’t’aime Chantal » avec smack.
Mélange des genres
Théâtral, Babysitter l’est totalement. Les mimiques, les situations, les répliques, tout est exagérément marqué pour souligner le comique. Par exemple, la scène d’ouverture dans laquelle Cédric assiste totalement saoul à un match de MMA découpe et charcute les corps à outrance. Les plans serrés de bouches tordues de rires, avalant de la nourriture, buvant goulument, épousent le point de vue avidement naïf et idiot du personnage.
En plus de tourbillonner avec ivresse autour des corps des combattants sur le ring, la caméra découpe notamment les corps des femmes, signe annonciateur de ce qui perdra Cédric. Personne n’est épargné dans cette scène d’ouverture très bouillonnante et ironique et tous·tes sont présentés comme ridicules.

Ce premier chaos en précède un autre. En effet, une fois licencié, Cédric trouvera dans sa maison (outre la tornade médiatique) le bruit incessant des pleurs de son enfant. C’est l’arrivée de la babysitter qui fera taire (et ainsi disparaître) l’enfant. Si le film met en scène des personnages archétypaux très bien délimités au départ, les frontières deviennent cependant rapidement floues.
Du fait des multiples genres qui s’y mêlent, on ne se doute jamais de la direction que va prendre le film. La folie se distille peu à peu dans la tête des personnages. Est-ce à force de ne pas dormir ? Ou à cause de l’arrivée d’Amy et de ce qui semble être des pouvoirs surnaturels ? En tout cas, c’est avec humour que le film bouscule les rapports de dominations classiques. Comme le précisait Monia Chokri en interview : « Ce n’est pas un film qui prend le spectateur par la main. »
Continuant sur sa lancée, la réalisatrice québécoise devrait commencer cet automne le tournage d’un troisième long métrage titré Simple comme Sylvain. Une troisième comédie centrée de nouveau sur une femme qui remet sa vie en question, cette fois-ci après être tombée amoureuse d’un entrepreneur d’un milieu social différent du sien.