Une fratrie fait le deuil de son père et entame un long vagabondage qui doit la mener jusqu’à la reconstruction. Entre douleur et quête de soi, Emmanuelle Fournier-Lorentz signe un premier roman maladroit par endroits, mais qui parvient à émouvoir.
La vie de Palma pourrait être normale. Pourrait. Ne le sera jamais vraiment. Aux côtés de sa mère et de ses deux frères qu’elle admire, Charles et Victor, elle est ballotée de ville en ville, d’appartements miteux en maisons exigües. La famille croit et espère s’installer à La Réunion, prendre un nouveau départ, mais les choses ne fonctionnent pas et dès lors il faudra repartir. Retour à la case départ, dans l’appartement parisien de Lakushka, la grand-mère maternelle, puis nouveaux départs dans plusieurs villes de province qui se succèdent et se ressemblent.
Dans ce roman qui nous fait voyager dans toute la France sans jamais en présenter les paysages ni les protagonistes – l’autrice tisse en réalité un huis-clos, recentré sur cette famille bouleversée – on comprend, peu à peu, les raisons de cet étrange bourlingage. Le père est mort, alors on voyage pour ne pas y penser. Palma l’admettra du bout des lèvres, rechignera à en parler aux camarades de classes rencontrés en coup de vent sur les bancs de l’école. Le père est mort. Victor, petit mais intelligent, saisira rapidement les enjeux tandis que Charles, l’aîné, adolescent à la beauté incandescente, s’enfermera doucement dans la spirale de l’amertume et des combines.
Manquer les détours
Emmanuelle Fournier-Lorentz adopte, pour ce livre, la langue de son héroïne, Palma, enfant devenue adulte un peu trop rapidement. Une langue qui touche lorsqu’elle évoque avec un certain cynisme les désillusions de la vie – elle sait qu’elle ne pourra jamais se faire d’amis à cause de sa famille de fous – et qui émeut lorsqu’elle évoque ses frères, véritables totems intouchables, sujets aux plus beaux portraits.
« La destination de notre premier déménagement, le plus court, le plus raté, nous a été révélée deux ou trois mois après la mort de mon père. Nous avons passé une dernière soirée sordide dans l’appartement de la rue Chauvelot tous les trois, Charles, Victor et moi, cloîtrés dans l’une des chambres, à tenter des petits jeux qui ne faisaient marrer personne, à se cacher dans la malle aux peluches qui puaient la poussière, à se raconter des faits divers atroces que l’on avait lus et qui étaient si proches (…) pendant que ma mère jetait pratiquement toutes nos affaires (du moins ce qu’il en restait). »
Villa Royale, Emmanuelle Fournier-Lorentz
Une langue un peu galvaudée parfois, lorsque l’intrigue traîne et que l’on peine à savoir où l’on va. Où lorsque l’autrice se fend d’une vision romantique de ses personnages en perdition, qui, à la manière des Gallagher de Shameless ou des ados paumés idéalisés de séries comme Skins, enchaînent les clopes malgré leur jeune âge, le regard rivé sur la rue derrière la vitre d’une fenêtre, leur mélancolie en bandoulière.
On s’y perd parfois dans tous ces déménagements, allers et retours sans paysage, la fugue des gosses et les disparitions de Charles. Autant de mouvements qu’on ne voit pas et qui ne trouvent leur explication que trop tardivement, de manière un peu artificielle parfois. Et lorsque l’autrice dégaine enfin son bouquet final, un peu égaré entre mille tergiversations, enfin, on peut être ému et retenir de ces deux cent cinquante pages un léger souffle de perdition et quelques tendresses.
Villa Royale de Emmanuelle Fournier-Lorentz, éditions Gallimard, 20 euros.