Avec Selon la police, Frédéric Videau s’introduit dans un commissariat de Haute-Garonne, créant un dispositif scénaristique aux multiples points de vue. Des portraits de flics paradoxaux interprétés par un casting exaltant.
Un vieux flic brûle sa carte de police dans les toilettes d’un commissariat de Toulouse. Surnommé Ping-Pong et interprété par le toujours touchant Patrick D’ Assumçao, ses déambulations en uniforme s’intercalent dans un dispositif narratif singulier. Frédéric Videau développe sur une même journée les points de vue de cinq de ses collègues d’âge, de sexe et de fonctions différentes. Il nous fait ainsi revivre plusieurs fois certaines scènes donnant des clés de lectures différentes à la même histoire et au même propos : le désabusement et les frustrations des forces de l’ordre.
Parmi ces personnages, il y a Zineb (Sofia Lesaffre) qui tente le concours de police en cachette de sa famille et doit jouer à l’assistante sociale à l’accueil en attendant. Elle partage une chambre d’hôtel avec Delphine (Laetitia Casta) qui, elle, travaille la nuit loin de sa famille. Drago (Alban Lenoir), tête-brûlée, ne cache pas sa fierté de faire ce métier. Contrairement à son petit-frère Joël, le trop rare Emile Berling, et contre l’avis de leur père, offrant une des dernières scènes touchantes de Jean-François Stévenin.
Tristan (Simon Abkarian) traine une lassitude et pense uniquement à conforter la politique des chiffres du ministère, avec de petits délits. Autour de lui, des personnages incarnés par Agathe Bonitzer qui retrouve Frédéric Videau dix ans après A moi seule et Mathieu Luci, révélé dans L’ Atelier de Laurent Cantet.
Film de flic d’auteur
Grâce à ce singulier casting, le cinéaste dresse des portraits complexes et humains de policiers épuisés tout en jouant des stéréotypes frôlant parfois le catalogue des situations vécues. Selon la police permet parfois l’attachement à un personnage avant de le rendre plus antipathique et inversement. L’immersion colle au titre ironique de cette formule d’usage, « Selon la police » puisque ce sont leurs voix.
Par cette narration polyphonique, à l’écriture intelligente, il ne cache aucune violence physique et psychologique tout en la distanciant dans sa mise en scène.Frédéric Videau fait de nous des complices de la fuite du personnage de Ping-Pong, dès la première séquence tandis qu’il est recherché par tous. Une errance qui crée un mystère planant proche du conte et éloignant le film du polar.
Il en fait un film de répliques parsemées d’humour, enrobé d’une photographie soignée, les bavures ne sont pourtant jamais loin et les drames rodent. Si malgré une réalité sociale, le réalisateur fait le choix d’un anti naturalisme, il n’évite pas certaines maladresses du sujet dans le traitement des rapports entres policiers et citoyens. Mais le malaise et l’émotion sont dissouts dans le jeu de chacun.e des comédien.nes jusqu’au climax final, le regard troublant de Patrick d’Assumçao, sous la pluie, l’uniforme éclairé des néons roses d’une fête foraine la nuit.