Hideo Furukawa livre un épilogue puissant sur les mythes et héros fondateurs du Japon. Une lecture indispensable pour tout amateur de culture japonaise.
Le luth biwa est l’instrument traditionnel des moines nomades japonais. Il est la clef de voûte de l’amitié entre Tomona, le troubadour aveugle, et Inuô, l’enfant maudit, le roi chien. Derrière ce récit épique mêlant mythes japonais et traditions artistiques se dessine une réflexion sur le rôle de l’art dans la société.
Se voulant suite du Heike monogatari, l’Illiade nippone, l’oeuvre retrace une épopée mythique où l’art sublime la vie et la mort. Le lecteur suit le parcours initiatique d’un enfant maudit qui, en chantant et en dansant, sauvera son âme et son corps.
« À l’instant où l’enfant Inuô, encore âgé de trois, quatre ans, mit en branle ses jambes, feu les joueurs de biwa liés sous ses genoux par la laideur s’écrièrent : Ma foi, il n’y a plus de laideur, ici ! Autant le dire, c’était une déclaration, une puissante clameur.
Le Roi Chien, Furukawa Hideo
Pacte avec le diable
L’histoire du Roi Chien se présente comme une réinterprétation du pacte faustien. Ici, un père pactise avec un démon qui maudira son enfant, en échange de plus de créativité artistique et de richesses. Malgré sa malédiction, l’enfant Inuô se débat et fait preuve d’une redoutable volonté de puissance. Au départ mi-homme mi-démon, l’auteur fait une analogie entre le processus d’humanisation de l’enfant et celui de l’apprentissage de l’Art. Selon Furukawa Hideo, c’est l’Art qui donne à l’Humain sa beauté. Il va même plus loin : c’est l’Art qui donne son humanité à l’Homme.

“La voie de l’art est la voie de la beauté, et c’était ce sommet-là qu’il désirait atteindre, qu’il brûlait d’atteindre, qu’il voulait, ce père.”
Le Roi Chien, Furukawa Hideo
Le lauréat du prix Mishima adopte un style très oral plein d’onomatopées, qui s’adapte parfaitement à son sujet puisque le récit est la retranscription à l’écrit d’une histoire contée par un semblable de Tomona, un troubadour. Le pari est réussi : les personnages semblent vivants et crédibles.
Poésie lyrique
A l’inverse, l’auteur casse souvent le style épique en décrivant des scènes très enfantines. Souvent les personnages sont décris en train de “se pisser dessus” et de“tomber sur les fesses”. Cela participe à l’équilibre du texte qui, malgré cet univers peu connu en Occident, reste accessible au grand public.
Comment comprendre une oeuvre censée être la suite d’une épopée bien connue des japonais, mais inconnue des occidentaux ? Heureusement pour nous, Patrick Honnoré, le traducteur de ce livre, livre une préface éclairante qui nous donne les armes nécessaires afin de mieux comprendre cette lecture courte mais intense.
Le Roi Chien est un récit héroïque où l’on se perd dans la poésie d’un Japon onirique. Un livre grand public qui invite à réfléchir sur la rôle de l’art dans la société, tout en éclairant son lecteur sur le Japon médiéval.
Le Roi Chien, de Furukawa Hideo, Editions Picquiers, 172 pages, 18,50€